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23/02/2023 | FRANCE | N°21TL00263

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 23 février 2023, 21TL00263


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Thermie a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- d'annuler l'avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018 par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 138 577 euros ;

- d'annuler l'avis de mise en demeure de payer n° 180300189 du 15 mars 2018 notifié le 29 mars 2018 et par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 43 213 euros, composée de 32 708 euros pour

le paiement des pénalités, 6 312 euros pour le paiement de l'impôt sur les sociétés po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Thermie a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

- d'annuler l'avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018 par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 138 577 euros ;

- d'annuler l'avis de mise en demeure de payer n° 180300189 du 15 mars 2018 notifié le 29 mars 2018 et par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 43 213 euros, composée de 32 708 euros pour le paiement des pénalités, 6 312 euros pour le paiement de l'impôt sur les sociétés pour les années 2013 et 2014 et 4 193 euros de pénalités pour l'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014 ;

- d'annuler l'avis de mise en demeure de payer n° 180300188 du 15 mars 2018 notifié le 29 mars 2018 et par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 95 364 euros, composée de 80 493 euros pour le paiement des droits au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2013, auquel s'ajoutent notamment des pénalités pour un montant de 8 116 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- d'annuler la décision du 12 avril 2019 par laquelle la direction générale des finances publiques a rejeté le recours administratif préalable obligatoire du 19 novembre 2018 par lequel d'une part elle sollicitait le sursis de paiement des sommes mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018 et d'autre part contestait le bien-fondé de l'imposition exigée ;

- par voie de conséquence de l'annulation de ces actes, de prononcer la décharge de l'ensemble des droits qui lui sont réclamés.

Par une ordonnance n° 1902911 du 19 novembre 2020 le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 janvier 2021 et le 12 juillet 2021 sous le n° 21MA00263 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00263 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Thermie, représentée par Me Vernhet, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'avis de mise en recouvrement n°180900015 du 14 septembre 2018 par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 138 577 euros ;

3°) d'annuler l'avis de mise en demeure de payer n° 180300189 du 15 mars 2018 notifié le 29 mars 2018 et par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 43 213 euros composée de 32 708 euros pour le paiement des pénalités, 6 312 euros pour le paiement de l'impôt sur les sociétés pour les années 2013 et 2014 et 4 193 euros de pénalités pour l'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014 ;

4°) d'annuler l'avis de mise en demeure de payer n° 180300188 du 15 mars 2018 notifié le 29 mars 2018 et par lequel la direction générale des finances publiques lui a demandé de payer la somme de 95 364 euros composée de 80 493 euros pour le paiement des droits au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2013, auquel s'ajoutent notamment des pénalités pour un montant de 8 116 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

5°) d'annuler la décision du 12 avril 2019 par laquelle la direction générale des finances publiques a rejeté le recours administratif préalable obligatoire du 19 novembre 2018 par lequel d'une part elle sollicitait à ce qu'il soit sursis au paiement des sommes mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018 et d'autre part contestait le bien-fondé de l'imposition exigée ;

6°) de prononcer la décharge de l'ensemble des droits réclamés par l'avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018 et par l'avis de mise en demeure de payer n° 180300189 du 15 mars 2018 ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle manque totalement de motivation ou, à tout le moins, que sa motivation est incompréhensible dès lors que sa demande ne pouvait être assimilée à un recours pour excès de pouvoir ;

- l'administration ne justifie pas de la compétence de Mme F... pour établir les deux mises en demeure de payer du 15 mars 2018 et l'avis de mise en recouvrement du 14 septembre 2018 ;

- les deux mises en demeure de payer du 15 mars 2018 sont insuffisamment motivées tant en ce qui concerne les droits d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée qu'en ce qui concerne les pénalités ;

- les deux mises en demeure de payer du 15 mars 2018 sont fondées sur un avis de mise en recouvrement qui, ayant été annulé, a disparu rétroactivement ;

- les deux mises en demeure de payer du 15 mars 2018 et l'avis de mise en recouvrement du 14 septembre 2018 sont entachés d'erreur de droit dès lors que l'administration ne démontre pas l'intention de dissimuler les bases d'imposition et ne justifie pas l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ;

- les deux mises en demeure de payer du 15 mars 2018 sont entachées d'erreur de droit dès lors que l'administration ne démontre pas l'existence de manœuvres frauduleuses ;

- elle était fondée à déduire, pour la détermination de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 les dépenses exposées pour l'achat de matériaux destinés à la construction de la maison de la belle-fille de sa présidente et à la rénovation d'appartements appartenant à l'époux de sa présidente dès lors qu'elle détenait des créances sur ces deux personnes et que les sommes ont été réglées par la voie d'une inscription en compte-courant de sa présidente ;

- l'administration ne démontre pas que Mme F... était compétente pour appliquer les majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;

- l'administration ne motive pas et ne démontre pas l'existence de manquements délibérés ;

- l'administration ne motive pas et ne démontre pas l'existence de manœuvres frauduleuses.

Par deux mémoires, enregistrés le 31 mai 2021 et le 25 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation des mises en demeure de payer du 15 mars 2018 sont irrecevables comme dépourvues d'objet dès lors que l'avis de mise en recouvrement sur lequel elles sont fondées a été annulé ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Thermie.

Par ordonnance du 6 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.

Par lettre du 27 octobre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement et de la décision de rejet de la réclamation préalable, s'agissant d'actes qui ne sont pas détachables de la procédure d'imposition.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vernhet, représentant la société Thermie.

Une note en délibéré, présentée pour la société Thermie, a été enregistrée le 13 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Thermie, qui exerce une activité de plomberie, chauffage et climatisation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2013 et 2014, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 octobre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a notifié, suivant la procédure de rectification contradictoire, des rehaussements de ses résultats imposables au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2015. Il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2015, assortis de majorations ainsi que de l'amende pour défaut de désignation des bénéficiaires de revenus distribués. La société Thermie relève appel de l'ordonnance du 19 novembre 2020 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

3. L'ordonnance du 19 novembre 2020 a, en son point 2, considéré, d'une part, que la demande de la société Thermie tendait uniquement à l'annulation des avis de mise en recouvrement d'impositions émis à son encontre au titre des années et de la période 2013, 2014 et 2015 et de la décision par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa réclamation et, d'autre part, qu'au soutien de ses conclusions, la société Thermie invoquait expressément et exclusivement des moyens de légalité externe et interne. Le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier en a déduit que, sous peine de dénaturation des pièces du dossier, cette demande ne pouvait être requalifiée en recours de plein contentieux fiscal, de sorte que lui était opposable l'exception de recours parallèle.

4. La société Thermie soutient que, d'une part, cette ordonnance n'est pas motivée et, d'autre part, sa motivation est incompréhensible, dès lors que sa demande devant le tribunal administratif mentionnait la décharge des droits d'imposition qui lui étaient réclamés, que ses moyens de légalité externe et interne ne sont ni irrecevables ni inopérants et que sa demande ne pouvait être regardée comme un recours pour excès de pouvoir. Ce faisant, la société Thermie doit être regardée comme soutenant que l'ordonnance du 19 novembre 2020 est irrégulière en ce qu'elle a considéré à tort que sa demande ne comportait que des conclusions à fin d'annulation et était irrecevable.

5. Il résulte de l'instruction que, si la société Thermie a uniquement énoncé des conclusions à fin d'annulation dans la partie finale de sa demande devant le tribunal administratif intitulée " conclusions ", elle a, dans la partie de sa demande consacrée à l'exposé des moyens, mentionné la décharge " de l'ensemble des droits " en conséquence de l'annulation sollicitée. C'est donc à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a considéré que la demande de la société Thermie était manifestement irrecevable. Dans ces conditions, la société Thermie est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société Thermie devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. En premier lieu, la société Thermie demande l'annulation de la mise en demeure de payer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes n° 180300188 du 15 mars 2018 et la mise en demeure de payer les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes n° 180300189 du 15 mars 2018. Toutefois, ces mises en demeure procèdent de l'avis de mise en recouvrement n° 180205185 du 28 février 2018, qui a été annulé et remplacé par un nouvel avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018, sur la base duquel ont été émises deux nouvelles mises en demeure de payer le 16 octobre 2018. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation des mises en demeure de payer du 15 mars 2018, qui sont devenues caduques, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée en ce sens par le ministre doit être accueillie.

8. En second lieu, les décisions par lesquelles l'administration fiscale notifie au contribuable des rectifications de ses bases imposables, procède à la mise en recouvrement des impositions qui en résultent, et statue sur les réclamations d'un contribuable qui entend contester l'imposition à laquelle il a été assujetti ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Par suite, les conclusions de la société Thermie tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement n° 180900015 du 14 septembre 2018 et de la décision du 12 avril 2019 par laquelle l'administration a rejeté sa réclamation préalable sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

9. En premier lieu, l'article L. 256 du livre des procédures fiscales dispose que : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) ". Aux termes de l'article L. 257 A du même livre : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être émis et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être émises, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation ". L'article R. 256-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (...) / Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement. (...) ".

10. La société Thermie soutient que l'avis de mise en recouvrement du 14 septembre 2018 est irrégulier dès lors que l'administration ne démontre pas que Mme F... était compétente pour l'établir. Toutefois, il résulte de l'instruction que cet avis a été établi par M. B..., inspecteur des finances publiques, par délégation de M. A..., comptable, publiée au recueil des actes administratifs du 4 septembre 2018. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

11. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. En outre, la présomption d'intention libérale peut résulter de l'existence de liens familiaux qui unissent les parties.

12. Il résulte de l'instruction que la société Thermie a déduit, pour la détermination de ses résultats imposables, des dépenses, d'un montant de 600 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et d'un montant de 19 626,99 euros au titre de l'exercice clos en 2014, exposées pour l'acquisition de matériaux employés, d'une part, pour la construction d'une maison située à Saint-Gely-du-Fesc (Hérault) et appartenant à Mme D..., employée de la société Thermie et belle-fille de la présidente de cette société, d'autre part, pour la rénovation d'appartements situés à Cournonterral (Hérault) et appartenant à M. C..., époux de la présidente de cette société. Estimant que la prise en charge de ces dépenses était constitutive d'un acte anormal de gestion, l'administration fiscale en a remis en cause la déduction.

13. La société requérante soutient qu'elle ne s'est pas appauvrie dès lors qu'elle détient des créances sur Mme D... et M. C.... A l'appui de ses allégations, elle fait valoir qu'elle aurait refacturé les dépenses en cause à ces derniers. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que ces dépenses n'ont été ni refacturées aux intéressés ni réglées par eux au cours des exercices d'engagement des charges. D'autre part, les factures produites par la société requérante sont dépourvues de valeur probante dès lors qu'elles sont datées respectivement du 20 novembre 2015 et du 30 décembre 2015, postérieurement aux exercices d'engagement des charges litigieuses, et n'ont été présentées à l'administration qu'à l'issue des opérations de contrôle en 2016. Sont également dépourvus de force probante les contrats qui auraient été conclus par la société Thermie avec Mme D..., les 14 février 2014 et 20 août 2015, et qui ont été présentés à l'administration en décembre 2016, postérieurement à l'achèvement des opérations de contrôle. Enfin, la société requérante n'établit ni même n'allègue avoir engagé des diligences aux fins d'obtenir le paiement des sommes en cause au cours des exercices d'engagement des charges en cause, ni même avant l'engagement des opérations de contrôle. Ainsi, l'administration rapporte la preuve de l'appauvrissement de l'entreprise à des fins étrangères à son intérêt et, eu égard aux liens familiaux unissant Mme D... et M. C... à la présidente de la société Thermie, celle de l'intention de l'entreprise d'agir contre son intérêt. Par suite, la société Thermie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rejeté la déduction des charges en cause.

En ce qui concerne les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

15. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

16. Aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729 (...) du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ".

17. En premier lieu, la société requérante soutient que Mme F..., signataire, selon elle, de l'avis de mise en recouvrement n'était pas compétente pour appliquer les majorations mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Toutefois, comme il a été dit au point 10, cet avis n'a pas été signé par cette personne, de sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si elle détenait le grade requis pour appliquer les pénalités. D'autre part et en tout état de cause, la proposition de rectification du 20 juillet 2016, qui comporte la motivation des pénalités infligées à la société requérante sur le fondement des dispositions précitées des a. et c. de l'article 1729 du code général des impositions a été visée par l'inspecteur principal. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales doit être écarté.

18. En deuxième lieu, la proposition de rectification du 20 juillet 2016 mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application, selon les cas, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ou de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

19. En troisième lieu, la société requérante soutient que l'administration ne justifie pas de l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en renvoyant aux pages 16 et 17 de la proposition de rectification. A supposer qu'elle ait entendu contester l'application de cette majoration aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible relative à des charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, l'administration fait valoir que ces rappels se rattachent à des dépenses qualifiées de personnelles, engagées pour nombre d'entre elles les week-ends ou les jours fériés, que la règlementation exclut la déduction de la taxe afférente à de telles dépenses et que la société, qui bénéficiait de l'assistance d'un expert-comptable, ne pouvait l'ignorer. Ce faisant l'administration établit l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt et, par suite, l'application des majorations contestées. La circonstance alléguée que les erreurs relevées dans sa comptabilité seraient imputables à son expert-comptable n'est pas établie. Par suite, bien que l'administration ait, au cours de la procédure, abandonné un nombre limité de rappels au motif que la société requérante avait justifié du caractère professionnel des dépenses, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas fondée doit être écarté.

20. En dernier lieu, l'administration a appliqué la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant aux charges engagées pour la construction de la maison de Mme D... et la rénovation des appartements de M. C.... En relevant, d'une part, que les opérations de contrôle ont mis en évidence l'intention manifeste d'éluder l'impôt en comptabilisant des charges destinées à des personnes ou entreprises tierces à l'entreprise et, d'autre part, que seul le droit de communication exercé auprès des fournisseurs de la société requérante afin d'obtenir le lieu de livraison ou le destinataire des prestations a permis de démontrer que les dépenses comptabilisées n'étaient pas engagées dans son intérêt mais au profit de tiers, révélant ainsi la volonté de donner une apparence de sincérité de manière à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration, celle-ci établit l'existence de manœuvres frauduleuses. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas fondée doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 octobre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Thermie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1902911 du 19 novembre 2020 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Thermie devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thermie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

La rapporteure,

V. E...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL00263 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00263
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes constituant des décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SELARL FRANÇOIS-REGIS VERNHET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-02-23;21tl00263 ?
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