Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Puig et Fils a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, respectivement, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de l'exercice clos le 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1900702 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 décembre 2020 sous le n° 20MA04863 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04863 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 septembre 2021, la société Puig et Fils, représentée B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, respectivement, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de l'exercice clos le 31 décembre 2014.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l'indemnité transactionnelle de 300 000 euros n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en l'absence de prestation de services individualisable et de lien direct avec les prétendues opérations imposables ;
- la doctrine référencée BOI-TVA-BASE-10-10-10 n° 260 et n° 270 précise que tel est le cas d'une indemnité qui a pour objet exclusif de réparer un préjudice commercial et que le fait que le versement de l'indemnité soit subordonné à la renonciation par le bénéficiaire à tout recours juridictionnel ne saurait être assimilé à un service rendu à la partie versante ;
- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'indemnité de 550 000 euros ne peut être rattachée à l'exercice au cours duquel a été signé le protocole transactionnel dès lors que le budget de développement s'inscrit dans le cadre d'un contrat de partenariat devant être signé au cours des exercices suivants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 12 octobre 2021, la société Puig et Fils déclare se désister purement et simplement des conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et maintenir le surplus de ses conclusions.
Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique indique accepter le désistement de la requérante et, pour le surplus, conclut aux mêmes fins que précédemment.
Par ordonnance du 8 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Puig et Fils.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Démazières pour la société Puig et Fils.
Considérant ce qui suit :
1. Dans sa requête, la société Puig et Fils, qui exerce une activité de distribution en gros pour le petit commerce de détail de produits de la société Distribution Casino France, fait appel du jugement du 2 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, respectivement, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et de l'exercice clos le 31 décembre 2014. La société a, dans son mémoire enregistré le 12 octobre 2021, expressément abandonné ses conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour de ne statuer que sur les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Ces derniers procèdent de la taxation d'une somme de 300 000 euros reçue de la société Distribution Casino France en application d'un protocole transactionnel conclu le 19 décembre 2014.
Sur les conclusions en décharge :
2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme, même qualifiée d'indemnité, doit être regardé comme la contrepartie d'une prestation de services entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. N'est, en revanche, pas soumis à cette taxe le versement d'une indemnité qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur.
3. En vertu d'un contrat de partenariat conclu le 26 juillet 2007 pour une durée de sept ans, la société Distribution Casino France, d'une part, devait approvisionner en produits d'alimentation générale de sa propre marque la société Puig et Fils, qui elle-même approvisionnait ensuite ses affiliés, d'autre part, s'engageait à compenser les pertes subies par la société requérante du fait de la conclusion de ce partenariat, y compris du fait du départ de certains affiliés. Au cours de l'année 2011, la société Distribution Casino France a procédé à la suspension des paiements versés à la société Puig et Fils au titre de cette compensation, au motif qu'elle n'était pas en mesure de vérifier les pertes alléguées. Alors qu'une action avait été engagée sur ce point devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne, les deux sociétés ont conclu, le 19 décembre 2014, un protocole transactionnel prévoyant notamment le versement par la société Distribution Casino France à la société Puig et Fils d'une " indemnité transactionnelle " de 300 000 euros. Il était précisé que le chèque correspondant au règlement de cette somme devait être séquestré jusqu'à la signature d'un nouveau contrat de partenariat devant intervenir entre les intéressées au plus tard le 21 janvier 2015 et que la société Puig et Fils renonçait à tous droits, actions ou indemnités qui résulteraient du contrat de partenariat du 26 juillet 2007 et, plus généralement, de sa relation avec la société Distribution Casino France.
4. Il résulte de l'instruction, notamment de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, que le versement de la somme de 300 000 euros correspondait, dans le cadre du règlement amiable d'un litige commercial, à l'indemnité prévue par le contrat du 26 juillet 2007 pour compenser les pertes subies par la société Puig et Fils du fait de l'existence du partenariat. Une telle indemnité, qui constituait la contrepartie de la renonciation de cette dernière à son droit de s'approvisionner et de distribuer librement, permettait d'assurer l'équilibre économique du contrat de partenariat afin de remédier aux conséquences résultant de l'exclusivité commerciale accordée à la société Distribution Casino France. Par suite, l'indemnité payée par cette société constituait la contrepartie directe et la rémunération d'un service nettement individualisable fourni par la société Puig et Fils. Il en résulte que le versement de la somme de 300 000 euros doit être regardé comme rémunérant une prestation de services à titre onéreux, au sens des dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration l'a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.
5. La société Puig et Fils n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-BASE-10-10-10 n° 260 et n° 270, qui précise qu'une indemnité qui a pour objet exclusif de réparer un préjudice commercial ou dont le versement est subordonné à la renonciation par le bénéficiaire à tout recours juridictionnel n'a pas à être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Puig et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la société Puig et Fils tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la société Puig et Fils est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Puig et Fils et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 9 février 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL04863 2