Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Camping de la plage et du bord de mer, la société Camping de la Yole, la société d'exploitation du Camping Marina et la société nouvelle Lou Village ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions par lesquelles l'Etat, la commune de Vendres, la commune de Valras-Plage et la communauté de communes La Domitienne ont implicitement rejeté leurs demandes, présentées le 23 novembre 2018, tendant à ce que ces personnes publiques fassent " le nécessaire pour mettre un terme à l'érosion affectant la partie ouest de la plage et du cordon dunaire de la commune de Vendres par la réalisation de travaux de protection et par la mise en place d'un entretien annuel de la plage ".
Par un jugement n° 1901540 rendu le 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande et a mis à la charge des sociétés requérantes une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Vendres, une somme de même montant à la commune de Valras-Plage et une somme de même montant à la communauté de communes La Domitienne, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2021 sous le n° 21MA00405 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00405 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société à responsabilité limitée Camping de la plage et du bord de mer et la société anonyme Camping de la Yole, représentées par la SELARL ACTAH, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2020 ;
2°) le cas échéant, d'enjoindre à l'Etat, à la commune de Vendres, à la commune de Valras-Plage et éventuellement à la communauté de communes La Domitienne de faire le nécessaire pour mettre un terme à l'érosion affectant la partie ouest de la plage et du cordon dunaire de la commune de Vendres par la réalisation de travaux de protection et par la mise en place d'un entretien annuel de ladite plage ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vendres et de la commune de Valras-Plage le paiement d'une somme de 7 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- leur demande de première instance était recevable : elles justifient de leur qualité et de leur intérêt pour agir ; leur demande était précise et motivée ; les décisions des quatre personnes publiques présentent un lien suffisant pour donner lieu à une action unique ;
- la plage de Vendres-est est soumise à un phénomène d'érosion important depuis les années 2000, lequel s'est aggravé avec la mise en place progressive d'ouvrages de protection le long du littoral de la commune limitrophe de Valras-Plage et n'a pas été résorbé par la mise en place d'une digue sous-marine et d'un cordon dunaire au droit des campings ;
- les collectivités publiques ont réalisé les ouvrages sur le littoral de Valras-Plage sans prendre en compte leurs conséquences sur l'évolution du trait de côte en aval et n'ont assuré ni le suivi technique des installations de la plage, ni la remise en état de la dune ;
- l'Etat a conclu un contrat de concession de plage avec la commune de Vendres, mais ladite commune n'assure pas les obligations d'entretien prévues par ce contrat ; l'Etat reste en tout état de cause responsable si la commune ne respecte pas ses obligations ;
- la réalisation de travaux de protection au droit des campings répond non seulement à l'intérêt privé de ces derniers, mais également à l'intérêt général dès lors que le phénomène d'érosion menace à terme les zones urbanisées de la commune de Valras-Plage ;
- le Conseil d'Etat a considéré dans sa décision n° 398671 du 16 août 2018 que l'article L. 561-1 du code de l'environnement ne couvrait pas le risque d'érosion côtière, ce qui prive les riverains d'une possibilité d'indemnisation et justifie d'autant plus leur demande ;
- la jurisprudence susvisée du Conseil d'Etat ne devrait pas s'appliquer en l'espèce dès lors qu'il ne s'agit pas d'une érosion naturelle mais anthropique et que leurs installations sont soumises à un risque de submersion marine mentionné par ledit article L. 561-1 ;
- les collectivités publiques doivent mettre en place des ouvrages de protection efficaces sur la plage de Vendres-est et ce jusqu'à la digue construite à l'embouchure de la rivière Aude ; leur inaction serait de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat ;
- les dispositions de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807, invoquées en défense, ne sont pas pertinentes dès lors qu'il s'agit de mettre en place des ouvrages sur le domaine public maritime de l'Etat, lequel doit donc supporter les dépenses correspondantes.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2021, la commune de Vendres, représentée par la SELARL Gil-Cros, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était irrecevable dès lors que les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt pour agir, que la demande adressée aux administrations était trop générale et que la commune n'a aucune obligation en la matière ;
- les moyens invoqués sont soit inopérants, soit infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2021, la communauté de communes La Domitienne, représentée par la SELARL Gil-Cros, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était irrecevable dès lors que les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt pour agir, que la demande adressée aux administrations était trop générale et que la communauté de communes n'a aucune obligation en la matière ;
- les moyens invoqués sont soit inopérants, soit infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2021, la commune de Valras-Plage, représentée par Me Greffier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était irrecevable dès lors que les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt pour agir, que la demande adressée aux administrations était trop générale et que la commune n'a aucune obligation en la matière ;
- la demande de première instance et la requête d'appel sont en outre insuffisamment motivées au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens invoqués sont soit inopérants, soit infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable dès lors que les sociétés requérantes ne justifient pas d'un intérêt pour agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués sont soit inopérants, soit infondés.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la société anonyme Camping de la Yole, représentée par la SELARL ACTAH, déclare se désister de l'instance.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la société Camping de la plage et du bord de mer, représentée par la SELARL ACTAH, persiste dans ses écritures.
Par une ordonnance en date du 25 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 septembre 2022.
Un mémoire en défense présenté pour la commune de Vendres, représentée par la SELARL Gil-Cros, a été enregistré le 5 octobre 2022.
Un mémoire en défense présenté pour la communauté de communes La Domitienne, représentée par la SELARL Gil-Cros, a été enregistré le 5 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais ;
- la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Gil, représentant la commune de Vendres et la communauté de communes La Domitienne, et de Me Guerrier substituant Me Greffier, représentant la commune de Valras-Plage.
Considérant ce qui suit :
1. La société Camping de la plage et du bord de mer, la société Camping de la Yole, la société d'exploitation du Camping Marina et la société nouvelle Lou Village exploitent des installations de camping sur le territoire de la commune de Vendres (Hérault), plus précisément à proximité de la plage de Vendres-est. Le 23 novembre 2018, lesdites sociétés ont adressé au Premier ministre, au maire de Vendres, au maire de la commune voisine de Valras-Plage et au président de la communauté de communes La Domitienne des courriers leur demandant de " faire le nécessaire pour mettre un terme à l'érosion affectant la partie ouest de la plage et du cordon dunaire de la commune de Vendres par la réalisation de travaux de protection et par la mise en place d'un entretien annuel de la plage ". En l'absence de réponse expresse de ces autorités, les quatre sociétés ont saisi le tribunal administratif de Montpellier pour obtenir l'annulation des décisions implicites de rejet nées du silence gardé sur leurs demandes du 23 novembre 2018. Par la présente requête, la société Camping de la plage et du bord de mer et la société Camping de la Yole ont relevé appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel cette juridiction a rejeté leur demande.
Sur le désistement de la société Camping de la Yole :
2. Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la société Camping de la Yole déclare se désister purement et simplement de sa requête d'appel. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 susvisée : " Lorsqu'il s'agira de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières ou torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux ; sauf le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d'accorder des secours sur les fonds publics. ".
4. En l'absence de dispositions législatives ou règlementaires les y contraignant, ni l'Etat, ni les collectivités territoriales, ni leurs établissements publics, n'ont l'obligation d'assurer la protection des propriétés riveraines des rivages de la mer contre l'action naturelle des eaux. Il résulte au contraire de l'article 33 précité de la loi du 16 septembre 1807 que cette protection incombe aux propriétaires intéressés. Par suite, la société Camping de la plage et du bord de mer n'est pas fondée à soutenir que les personnes publiques sollicitées le 23 novembre 2018 auraient méconnu une obligation légale en refusant implicitement de réaliser des travaux de protection de la plage de Vendres-est consistant notamment en la mise en place d'ouvrages similaires à ceux installés sur le littoral amont de cette plage. Les circonstances que les travaux souhaités par la société requérante seraient à réaliser sur le domaine public maritime et qu'ils contribueraient à préserver également le cordon dunaire derrière lequel se situent ses installations ne sont pas de nature à créer une obligation particulière à la charge des intimés. Au surplus, la société appelante n'invoque aucun argument susceptible de remettre en cause le bien-fondé des préconisations retenues par les pouvoirs publics dans le cadre de la stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte élaborée au titre de l'article L. 321-16 du code de l'environnement, selon lesquelles il convient de ne pas construire de nouveaux ouvrages de protection dure dans cette zone pour ne pas perturber le travail sédimentaire par une artificialisation supplémentaire du littoral.
5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'environnement : " Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements et les établissements publics fonciers, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions, éclairées notamment par les travaux préparatoires de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement et de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement dont elles sont issues à l'origine, que le législateur n'a pas entendu étendre le régime d'expropriation pour utilité publique prévu audit article L. 561-1 aux risques liés à l'érosion côtière ou dunaire, lesquels ne sont assimilables, quelles qu'en soient les causes, ni aux risques de submersion marine, ni, par eux-mêmes, aux risques de mouvements de terrain visés par cet article.
7. En l'espèce, la société Camping de la plage et du bord de mer ne saurait utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'environnement pour contester la légalité des décisions implicites en litige, dès lors que lesdites décisions n'ont pas pour objet de mettre en œuvre ou de refuser de mettre en œuvre la procédure d'expropriation pour utilité publique instituée par cet article.
8. En troisième lieu, selon l'article R. 2124-13 du code général de la propriété des personnes publiques : " I. - L'Etat peut accorder sur le domaine public maritime des concessions ayant pour objet l'aménagement, l'exploitation et l'entretien de plages. / Le concessionnaire est autorisé à occuper une partie de l'espace concédé, pour y installer et exploiter des activités destinées à répondre aux besoins du service public balnéaire. Ces activités doivent avoir un rapport direct avec l'exploitation de la plage et être compatibles avec le maintien de l'usage libre et gratuit des plages, les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ainsi qu'avec la vocation des espaces terrestres avoisinants. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que l'Etat et la commune de Vendres ont conclu, le 24 octobre 2011, pour une durée de douze années, un contrat de concession ayant pour objet l'équipement, l'entretien et l'exploitation des plages naturelles situées sur le territoire de cette commune. La société Camping de la plage et du bord de mer ne peut toutefois utilement invoquer les stipulations du cahier des charges de cette concession comme moyen de légalité à l'appui de son recours pour excès de pouvoir présenté à l'encontre des décisions implicites de rejet nées sur ses demandes présentées le 23 novembre 2018. En tout état de cause, il ressort de l'article 3.2 de ce cahier des charges que les obligations mises à la charge de la commune en matière d'entretien de la plage ne s'étendent pas aux ouvrages de protection.
10. En quatrième et dernier lieu, la société requérante ne peut davantage utilement se prévaloir, dans la cadre de son recours pour excès de pouvoir introduit contre les décisions susvisées, de ce que les personnes publiques intimées auraient commis des fautes en réalisant les travaux de protection du littoral de la commune de Valras-Plage ou en ne prenant pas les mesures appropriées pour préserver la plage de Vendres-est de l'érosion côtière.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, les communes et la communauté de communes, que la société Camping de la plage et du bord de mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge des communes de Vendres et de Valras-Plage, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par la société Camping de la plage et du bord de mer au titre de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Camping de la plage et du bord de mer et Camping de la Yole une somme totale de 750 euros à verser à la commune de Vendres, une somme totale de 750 euros à verser à la commune de Valras-Plage et une somme totale de 750 euros à verser à la communauté de communes La Domitienne au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société Camping de la Yole.
Article 2 : La requête de la société Camping de la plage et du bord de mer est rejetée.
Article 3 : La société Camping de la plage et du bord de mer et la société Camping de la Yole verseront ensemble une somme de 750 euros à la commune de Vendres, une somme de 750 euros à la commune de Valras-Plage et une somme de 750 euros à la communauté de communes La Domitienne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Camping de la plage et du bord de mer, à la société Camping de la Yole, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Vendres, à la commune de Valras-Plage et à la communauté de communes La Domitienne.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21TL00405