Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes D... C... et Anne-Gaëlle A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes par une demande commune de condamner solidairement la société SNCF Réseau, la société SNCF Mobilités, la société Oc'Via et le groupement d'intérêt économique Oc'Via à payer à Mme A... la somme de 80 000 euros et à Mme C... celle de 276 442,24 euros assorties des intérêts à compter de la demande préalable, en réparation des préjudices résultant des travaux et de la présence de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et Montpellier et de condamner solidairement SNCF Réseau, SNCF Mobilités, la société Oc'Via et le GIE Oc'Via à payer à Mme C... la somme de 11 516,10 euros au titre des frais d'expertise qu'elle a avancés.
Par un jugement n° 1803137 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné solidairement la société Oc'Via et le groupement d'intérêt économique Oc'Via Construction à payer à Mme A... la somme de 8 000 euros et à Mme C... la somme de 442,24 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 27 juillet 2019 au titre des préjudices subis pendant la période de réalisation des travaux entre 2013 et 2016.
Le tribunal a également, au titre des dommages liés à la présence de l'ouvrage public après les travaux, condamné la société Oc'Via à payer les sommes de 84 000 euros à Mme C... et de 6 000 euros à Mme A... avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 27 juillet 2019 et mis les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 11 516,10 euros, à la charge définitive de la société Oc'Via.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 3 et 4 février 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrées au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, des mémoires des 28 avril et 13 septembre 2021 et du 13 janvier 2022, ainsi qu'un mémoire non communiqué du 12 janvier 2023, la société Oc'Via, représentée par Me Laloum, demande à la cour :
- de réformer le jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 84 000 euros à Mme C... au titre de la perte de valeur vénale sur sa propriété, et celle de 6 000 euros à Mme A... au titre des dommages subis du fait de la présence de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier, ainsi que les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 11 516,10 euros ;
- de mettre à la charge de Mmes C... et A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la présence et le fonctionnement de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier à proximité de la propriété de Mme C... avaient provoqué une perte de valeur vénale estimée à 84 000 euros, la réalité d'une telle dépréciation n'ayant jamais été établie ; le préjudice allégué par Mme C... n'est donc pas certain ;
- en outre, Mme C... et Mme A... ne justifient pas du caractère grave et spécial des préjudices qu'elles invoquent et qui seraient inhérents à la présence et au fonctionnement de l'ouvrage public constitué par la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier dès lors que les nuisances sonores et visuelles invoquées ne constituent pas un préjudice grave au sens de la jurisprudence ; en effet, le niveau acoustique diurne de 60 dB(a) est inférieur au maximum réglementaire de 63 dB (A) alors que le niveau acoustique nocturne de 59 dB(a) n'est que légèrement supérieur au maximum réglementaire de 58 dB (A) ; les nuisances visuelles ne sont pas non plus établies dès lors que la ligne du contournement Nîmes et Montpellier est distante de 200 mètres du Mas de Vouland ; de plus, l'impact visuel est fortement atténué par la présence sur la propriété de Mme C... d'une importante haie d'arbres, d'une hauteur de plus de quatre mètres ; au surplus, Mme A..., qui s'est installée au Mas de Vouland postérieurement au commencement des travaux, s'est sciemment soumise au risque d'habiter à proximité de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier, ce qui fait obstacle à la réparation du préjudice allégué ;
- par ailleurs, la responsabilité de la société Oc'Via ne saurait être engagée au titre de l'existence et dU fonctionnement de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier ; en effet, si en vertu du contrat de partenariat conclu sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 17 juin 2004, elle dispose de la qualité de maître d'ouvrage, cette maîtrise d'ouvrage n'est que partielle dès lors que les attributs essentiels de la maîtrise d'ouvrage définis par l'article L 2421-1 du code de la commande publique ont été conservés par la société SNCF Travaux ; seule celle-ci doit donc être regardée comme responsable de la présence de l'ouvrage ; la société Oc'Via n'assurant pas l'exploitation de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier, elle ne peut pas être considérée comme responsable des dommages causés aux tiers par le fonctionnement de la ligne ; le tribunal administratif de Nîmes, en se fondant, pour retenir la responsabilité de la société Oc'Via, sur les stipulations de l'article 36.1 du contrat de partenariat, a méconnu l'effet relatif des conventions à l'égard des tiers.
Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2021, et un mémoire du 9 janvier 2023 , Mmes C... et A..., représentées par Me Bocognano, demandent le rejet de la requête de la société Oc'Via, et par la voie de l'appel incident, sa condamnation à leur verser la somme de 211000 euros au titre de la perte de valeur vénale de sa propriété subie par Mme C..., déduction faite de la somme de 84 000 euros déjà versée par la société Oc'Via, 20 000 euros au titre des préjudices sonores, 10 000 euros au titre du préjudice visuel, 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance, sous déduction concernant ces trois derniers préjudices de la somme de 6 000 euros à laquelle la société Oc'Via a été condamnée par le jugement du 4 décembre 2020, ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable du 27 juillet 2018 et capitalisation des intérêts, et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Oc'Via la somme de 3 000 euros au profit de chacune d'entre elles au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- aucun des moyens de la requête de la société Oc'Via n'est fondé ;
- par ailleurs, en ce qui concerne l'appel incident qu'elles présentent, la perte de valeur vénale dont il est demandé réparation est établie par des attestations d'agences immobilières ;
- en outre, le tribunal au titre des nuisances sonores n'a accordé que la somme de 6 000 euros à Mme A... alors que le préjudice subi par Mme C... et les occupants de la propriété doit être fixé à la somme de 20 000 euros ; pour ce qui est des nuisances visuelles, il doit leur être alloué la somme de 10 000 euros, compte tenu de l'importance de ce préjudice, constitué par le passage des trains ; par ailleurs, compte tenu de la perte d'intimité qu'elles subissent, liée à la présence de l'ouvrage public, elles demandent la condamnation de la société Oc'Via à leur verser la somme de 20 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 10 août 2021, la société anonyme SNCF Voyageurs, représentée par Me Berger, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes et au rejet des conclusions présentées par la société Oc'Via, le groupement d'intérêt économique Oc'Via, Mmes C... et A... et SNCF Réseau, et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Oc'Via, du GIE Oc'Via ou de toute autre partie succombante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué.
Par un mémoire, enregistré le 11 octobre 2021, et un mémoire non communiqué du 12 janvier 2023 la société anonyme SNCF Réseau, représentée par Me Latournerie, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes, à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement en tant qu'il rejette les conclusions présentées à l'encontre de SNCF Réseau, d'annuler ce jugement en tant qu'il a fixé à 84 000 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer les préjudices subis par Mmes C... et à 6 000 euros celui de l'indemnité destinée à réparer les préjudices subis par Mme A..., et en toutes hypothèses, à ce qu'il soit mis à la charge de la partie perdante, c'est-à-dire, soit la société Oc'Via, soit Mmes C... et A..., les frais d'expertise, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code de la commande publique ;
- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ;
- le décret n° 2012-887 du 18 juillet 2012 approuvant le contrat de partenariat passé entre Réseau ferré de France et la société Oc'Via pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement du contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier (CNM) ;
- le décret du 16 mai 2005 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Rouault, représentant Mmes C... et A..., de Me Latournerie, représentant la société anonyme SNCF Réseau , et de Me Guelil substituant Me Berger, représentant la société anonyme SNCF Voyageurs.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du projet de contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier, l'établissement public Réseau Ferré de France, devenu la société SNCF Réseau, a conclu, le 28 juin 2012, avec la société Oc'Via, un contrat de partenariat pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement du contournement ferroviaire. Mme B..., épouse C..., propriétaire d'un mas et de terrains au lieu-dit Valdebanne à Nîmes, et Mme A..., qui occupe avec ses enfants, à titre de résidence principale, une partie de cette propriété, dénommée " le Mas de Vouland ", estimant avoir subi différents préjudices du fait des travaux et de la présence après travaux des ouvrages publics du contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier, ont demandé, après le dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, à cette juridiction de condamner solidairement la société SNCF Réseau, la société SNCF Mobilités, la société Oc'Via et le groupement d'intérêt économique Oc'Via à réparer les conséquences dommageables des travaux et de la présence de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et Montpellier.
2. La société Oc'Via relève appel de l'article 2 du jugement du 4 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à payer la somme de 84 000 euros à Mme C... au titre de la perte vénale de sa propriété et celle de 6 000 euros à Mme A... au titre des troubles dans les conditions d'existence, notamment de jouissance, subis dans l'occupation du mas de Vouland depuis la mise en service de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier à la fin de l'année 2017, ainsi que de l'article 3 du même jugement, par lequel le tribunal a mis à sa charge définitive les frais de l'expertise, pour une somme de 11 516,10 euros.
3.Mmes C... et A..., par la voie de l'appel incident, demandent la condamnation de la société Oc'Via à leur verser la somme totale de 261 000 euros, sous déduction des sommes de 84 000 euros et 6 000 euros que la société Oc'Via a été condamnée par le tribunal administratif à verser respectivement à Mme C... et à Mme A... au titre pour la première de la perte de valeur vénale sur sa propriété et pour la seconde des troubles dans les conditions d'existence subis depuis la mise en service de la ligne ferroviaire à la fin de l'année 2017 .
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
Quant à la responsabilité sans faute :
4. Il appartient à une personne qui s'estime victime d'un dommage trouvant son origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre ces travaux ou ouvrages et le dommage dont elle se plaint ainsi que la réalité de celui-ci. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage et les constructeurs sont responsables à l'égard des tiers des dommages qui présentent un caractère grave et spécial. Ils ne peuvent dégager leur responsabilité que s'ils établissent que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.
S'agissant de la personne responsable :
5. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, alors en vigueur : " I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital. / Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. / II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser. Après décision de l'État, il peut être chargé d'acquérir les biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par voie d'expropriation. (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette ordonnance, alors en vigueur : " Un contrat de partenariat comporte nécessairement des clauses relatives : / a) À sa durée ; / b) Aux conditions dans lesquelles est établi le partage des risques entre la personne publique et son cocontractant ; / c) Aux objectifs de performance assignés au cocontractant, (...) / d) À la rémunération du cocontractant, (...) l) Aux modalités de prévention et de règlement des litiges (...) ".
6. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'un contrat de partenariat conclu sur le fondement de l'ordonnance du 17 juin 2004, d'une part, a pour effet de confier la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser au titulaire de ce contrat, en l'espèce la société Oc'Via, d'autre part, détermine le partage des risques liés à cette opération entre ce titulaire et la personne co-contractante, en l'espèce l'établissement public Réseau ferré de France, devenu la société SNCF Réseau. L'article 36 du contrat de partenariat, portant sur les " responsabilités ", prévoit que le titulaire est responsable des dommages causés aux tiers, ainsi que des frais et indemnités qui en résultent, survenus à l'occasion de l'exécution, par le titulaire ou sous sa responsabilité, des obligations mises à sa charge au titre du contrat. Ce même article précise que le titulaire supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages.
7. Dans ces conditions, et compte tenu notamment des termes précités de l'article 11 de l'ordonnance du 17 juin 2004 relatif au partage des risques entre l'attributaire du contrat de partenariat et la personne publique co-contractante et de l'article 36 de ce contrat, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société Oc'Via pouvait être engagée au titre de la maîtrise d'ouvrage, y compris après l'achèvement des travaux, au titre des dommages permanents inhérents à la présence de l'ouvrage public.
S'agissant des préjudices :
Pour ce qui est de la condamnation de la société Oc'Via à verser la somme de 6 000 euros à Mme A... au titre des troubles dans les conditions d'existence :
8. Il résulte de l'instruction que, comme les premiers juges l'ont relevé, la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier se trouve à 200 mètres du mas de Vouland, où réside Mme A..., tandis que la base de travaux et sa voie d'accès ferroviaire, situées à 150 mètres de ce mas, ont été maintenues pour servir de base de maintenance, pérennisant ainsi l'encerclement de la propriété concernée et la modification de son environnement visuel sur 270 degrés. La société Oc'Via fait cependant valoir en appel que la condition de gravité du dommage ne serait pas remplie, dès lors que les nuisances sonores seraient inexistantes compte tenu de ce que le niveau acoustique diurne de 60 dB(a) est inférieur au maximum réglementaire de 63 dB (A) alors que le niveau acoustique nocturne de 59 dB(a) n'est que légèrement supérieur au maximum réglementaire de 58 dB (A). Elle soutient également que les nuisances visuelles ne seraient pas non plus établies dès lors que la ligne du contournement de Nîmes à Montpellier est distante de 200 mètres du mas de Vouland et que l'impact visuel de la ligne du contournement serait atténué par la présence sur la propriété de Mme C... d'une importante haie d'arbres, d'une hauteur de plus de quatre mètres.
9. En premier lieu, et en ce qui concerne les nuisances sonores, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, ainsi qu'indiqué au point 1 du présent arrêt, que le niveau de bruit à deux mètres de la façade du mas de Vouland en simulation informatique est de 75db, en cas de passage de trains, et que, selon les constatations réelles opérées par l'expert, le niveau de bruit émergent au passage d'un convoi a atteint au minimum 70 db, alors même que ce passage a été effectué à vitesse lente. Par conséquent et alors que le trafic ferroviaire attendu sur cette ligne est de huit convois par heure, les nuisances sonores subies par Mme A... sont constitutives de troubles de jouissance, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges.
10. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment des photographies produites au dossier, en particulier dans le rapport d'expertise, que par l'effet de la construction des installations de fonctionnement de la ligne du contournement de Nîmes à Montpellier, ainsi que des installations de maintenance de cette ligne, la propriété de Mme C... se trouve totalement encerclée par les ouvrages mis en place. Dans ces conditions et alors même que comme le fait valoir l'appelante, la présence de haies, d'une hauteur de plus de quatre mètres, permet d'atténuer la perception visuelle des installations de la ligne du contournement, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu, compte tenu du bouleversement du site dans lequel se trouve l'habitation de Mme A..., l'existence de nuisances visuelles.
11. Si la société appelante fait valoir que Mme A... se serait sciemment soumise au risque d'habiter à proximité de la ligne du contournement de Nîmes et Montpellier, ce qui ferait obstacle à la réparation du préjudice allégué, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... s'y serait installée après la mise en service des ouvrages intervenue en 2017.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 11 que compte tenu des nuisances tant visuelles que sonores subies par Mme A..., la société Oc'Via n'est pas fondée à demander la réformation du jugement par lequel, par une évaluation du préjudice qui n'est pas exagérée, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à payer la somme de 6 000 euros à Mme A..., en sa qualité d'occupante, à titre de résidence principale, du mas de Vouland. Si les intimées, par la voie de l'appel incident, demandent à ce que l'indemnité de 6 000 euros à laquelle a été condamnée la société Oc'Via soit portée au titre des préjudices visuels et sonores subis, ainsi qu'au titre du préjudice de jouissance, à la somme de 50 000 euros, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une appréciation insuffisante des préjudices subis.
Pour ce qui est de la condamnation de la société Oc'Via à verser la somme de 84 000 euros à Mme C... au titre de la perte de valeur vénale :
13. Mme C... a produit en premier instance différentes estimations établies par des professionnels de l'immobilier selon lesquelles la valeur de sa propriété avant travaux serait de 490 000 euros et sa valeur après travaux entre 220 000 et 235 000 euros. Les premiers juges ont, sur la base de l'estimation de l'expert désigné par le tribunal administratif, retenu une valeur d'origine de la propriété de Mme C... de 336 000 euros et une valeur après la réalisation de l'ouvrage public, de 252 000 euros, soit une perte de valeur vénale de 84 000 euros. Si la société Oc'Via fait valoir que Mme C... n'a pas produit d'éléments quant aux transactions qui auraient été réalisées sur des biens immobiliers comparables, il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle comparaison aurait été possible. Mmes C... et A... dans leur mémoire en appel incident, soutiennent quant à elles, que la perte de valeur vénale subie par Mme C... sur sa propriété s'élèverait à la somme de 211 000 euros, déterminée sur la base d'une moyenne des mêmes estimations que celle produites en première instance, établies par des agences immobilières ainsi que par un expert en estimation immobilière. Toutefois, les estimations présentées par les intimées ne sont pas sérieusement de nature à contredire les conclusions du rapport d'expertise contradictoire établi sur demande du tribunal administratif, et pour lequel l'expert, pour l'estimation de la perte de la valeur vénale de la propriété de Mme C..., s'est adjoint le concours d'un sapiteur. Par conséquent, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué à 84 000 euros le préjudice subi par Mme C... au titre de la perte de valeur vénale.
14. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Oc'Via n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à payer les sommes de 84 000 euros à Mme C... et de 6 000 euros à Mme A... au titre des dommages subis par elles du fait de la présence de la ligne du contournement Nîmes Montpellier (CNM) ainsi qu'au paiement des frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 11 516,10 euros et à rembourser cette somme à Mme C..., et, d'autre part, que Mmes C... et A... ne sont pas fondées à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il a limité aux sommes précitées la condamnation prononcée à l'encontre de la société Oc'Via.
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mmes C... et A..., qui ne sont pas les parties perdantes, la somme que demande la société Oc'Via. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Oc'Via la somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions au profit de Mme C... et la même somme de 1 000 euros au profit de Mme A..., et de rejeter les conclusions présentées sur ce fondement par les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Oc'Via est rejetée.
Article 2 : La société Oc'Via versera sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à Mme C... la somme de 1 000 euros et la même somme de 1 000 euros à Mme A....
Article 3: Le surplus des conclusions présentées par Mme C... et par Mme A... est rejeté.
Article 4: Les conclusions présentées par les sociétés SNCF Réseau et SNCF Voyageurs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Oc'Via , à Mme D... B..., épouse C..., à Mme E... A..., à la société anonyme SNCF Réseau, à la société anonyme SNCF Voyageurs et au groupement d'intérêt économique Oc'Via Construction.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.
Le rapporteur
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
Cynthia Lanoux
La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21TL00462
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