Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le maire d'Auriac a rejeté leur demande du 7 décembre 2017 " d'approbation à respecter le cadastre " concernant le chemin d'Albières et de " prononcer l'interdiction de passage sur le domaine privé auprès de la mairie d'Auriac et aux personnes non autorisées ".
Par jugement n° 1800729 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2020 sous le n° 20MA02128 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL02128 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 22 octobre 2021 et le 17 janvier 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Pontier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite du maire d'Auriac rejetant leur demande du 7 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Auriac de cesser l'emprise irrégulière sur le chemin concerné ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Auriac une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête n'est pas tardive ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et qu'il est entaché d'une dénaturation des faits, ainsi que d'une erreur de requalification de leur demande qui visait en réalité à faire cesser l'emprise irrégulière du chemin par la commune ;
- le chemin en cause est un chemin privé dont ils sont propriétaires et non un chemin rural appartenant à la commune ;
- au surplus, à supposer qu'il s'agissait d'un chemin rural, ils en seraient devenus propriétaires par prescription acquisitive.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 12 février 2021, le 11 janvier 2022 et le 24 janvier 2022, la commune d'Auriac, représentée par Me Labry, puis par Me Noray-Espeig, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur l'emprise irrégulière et sur la prescription acquisitive ;
- la requête est irrecevable car elle ne comporte pas de conclusions ;
- les conclusions relatives à l'emprise irrégulière sont nouvelles en appel et ne sont pas dirigées contre une décision ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. et Mme C....
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 15 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la voirie routière ;
- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;
- les observations de Me Larrocque pour M. et Mme C...,
- et les observations de Me Santin pour la commune d'Auriac.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... font appel du jugement du 18 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du maire d'Auriac (Aude) rejetant implicitement leur demande du 7 décembre 2017 " d'approbation à respecter le cadastre " concernant le chemin d'Albières, dont ils revendiquent la propriété.
Sur les exceptions d'incompétence de la juridiction administrative opposées par la commune d'Auriac :
2. D'une part, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif est compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration. Par suite, à supposer même que les agissements de la commune d'Auriac s'apparentent à une emprise irrégulière du chemin d'Albières, la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur la décision du maire refusant de le libérer et pour enjoindre à la commune d'y procéder.
3. D'autre part, s'il n'appartient en principe qu'à l'autorité judiciaire de constater une éventuelle prescription acquisitive de propriété sur un terrain dépendant du domaine privé de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, cette compétence n'est pas de nature à remettre en cause celle de la juridiction administrative pour statuer sur le recours tendant à l'annulation de la décision administrative refusant de reconnaître la propriété de M. et Mme C... sur le chemin d'Albières. Par suite, le moyen soulevé à l'encontre de cette décision, tiré de ce que les intéressés étaient devenus propriétaires de ce chemin par voie de prescription acquisitive, s'il peut conduire le juge administratif saisi du litige à surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle sur une contestation sérieuse de la propriété du bien, est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du maire d'Auriac.
4. Il résulte de ce qui précède que les exceptions d'incompétence de la juridiction administrative opposées par la commune d'Auriac doivent être écartées.
Sur la régularité du jugement :
5. Les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement, en particulier leur réponse au moyen tiré de ce que le chemin d'Albières relevait de la propriété de M. et Mme C..., en indiquant les dispositions du code rural et de la pêche maritime et les circonstances de fait les amenant à considérer qu'il était affecté à l'usage du public et qu'il appartenait à la commune d'Auriac.
6. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. et Mme C... ne peuvent donc utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une dénaturation des faits et d'une erreur de requalification de leur demande, comme visant à faire cesser une emprise irrégulière par la commune d'Auriac.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. D'une part, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, dont les dispositions ont été codifiées à l'article L. 141-1 du code de la voirie routière, la voirie des communes comprend les voies communales, qui font partie du domaine public. Aux termes de l'article 9 de cette même ordonnance : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : (...) 2° Les chemins vicinaux à l'état d'entretien ; le préfet établira, à cet effet, dans un délai de six mois, la liste par commune des chemins vicinaux à l'état d'entretien (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le tracé du chemin vicinal n° 3 dont, par délibération du conseil municipal d'Auriac du 7 juillet 1959 et par arrêté du préfet de l'Aude du 9 juillet 1959, il a été décidé l'incorporation dans la catégorie des voies communales sur une longueur de 1 700 mètres comportait la partie du chemin revendiquée par M. et Mme C.... Cette section de voie était en 1959 ouverte à la circulation du public et à l'état d'entretien dans sa totalité. Par ailleurs, le conseil municipal a, par délibération du 8 décembre 1990, décidé le classement dans la voirie communale d'une section de 1 200 mètres du chemin, au niveau de la Grange de Vidal, propriété de M. et Mme C....
9. D'autre part, les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause le fait que la commune d'Auriac était propriétaire de l'emprise du chemin à la date de la délibération et à celle de l'arrêté préfectoral de 1959. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a admis le tribunal d'instance de Carcassonne dans un jugement du 6 décembre 2003, que le chemin d'Albières, dans sa portion passant devant la maison de M. et Mme C..., était ouvert au public. Il l'a été jusqu'à sa clôture en 2017 par les intéressés, qui y ont apposé un panneau portant la mention " propriété privée " et entreposé des obstacles à la circulation. Si les riverains ont pu se plaindre de son entretien insuffisant par la commune, il résulte de l'ordre de débroussaillage établi par cette dernière et corroboré par les attestations de deux agents techniques municipaux que ceux-ci ont procédé au moins une fois par an à l'entretien par débroussaillage de la portion du chemin litigieux à partir du chemin des Moulines jusqu'à l'intersection avec la route départementale n° 212. En outre, le 4 décembre 2017, le maire d'Auriac a mis en demeure M. et Mme C... de faire cesser l'obstruction et l'appropriation du chemin en cause. Il a enfin dressé le 27 décembre 2017 un procès-verbal d'entrave à la circulation publique à leur encontre. Dans ces conditions, le chemin doit être regardé comme n'ayant pas cessé d'être affecté à l'usage du public et comme n'étant pas un chemin d'exploitation, qui, en l'absence de titre, est présumé appartenir aux propriétaires riverains en vertu de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime. En se bornant à produire un acte notarié du 30 novembre 1989, qui ne mentionne pas le chemin d'Albières, et des relevés cadastraux, qui sont des documents fiscaux ne constituant pas une preuve de propriété, M. et Mme C... ne remettent pas en cause efficacement la propriété de la commune, laquelle ne soulève donc aucune difficulté sérieuse justifiant la saisine du juge judiciaire.
10. Il résulte de ce qui précède que la portion du chemin d'Albières, dont M. et Mme C... revendiquent la propriété, fait partie du domaine public de la commune d'Auriac. Les biens appartenant au domaine public étant imprescriptibles et le chemin en cause étant entré dans le domaine public communal au plus tard en 1990, M. et Mme C..., qui invoquent une possession depuis 1989, n'ont pu, en tout état de cause, en devenir propriétaires par la voie de la prescription acquisitive trentenaire prévue aux articles 2258 et suivants du code civil.
11. La commune d'Auriac devant être regardée comme étant propriétaire du chemin d'Albières donnant accès à l'habitation de M. et Mme C..., les moyens tirés de ce que la portion en litige de ce chemin appartient à M. et Mme C... et de ce que la commune d'Auriac serait à l'origine d'une emprise irrégulière doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Auriac, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande, y compris leurs conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Auriac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement à la commune d'Auriac de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront à la commune d'Auriac la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et B... C... et à la commune d'Auriac.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL02128