La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2023 | FRANCE | N°21TL00313

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 24 janvier 2023, 21TL00313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 24 novembre 2019 par laquelle la commune de Perpignan a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Perpignan de lui accorder la protection fonctionnelle sous quinze jours ainsi que de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2000369

du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision en date du 24 novembre 2019 par laquelle la commune de Perpignan a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Perpignan de lui accorder la protection fonctionnelle sous quinze jours ainsi que de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2000369 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 22 janvier 2021 et le 22 avril 2021, sous le n°21MA00313 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00313, Mme A..., représentée par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite en date du 24 novembre 2019 par laquelle le maire de Perpignan a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre à la commune de Perpignan de de lui accorder la protection fonctionnelle sous quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'elle ne présentait pas d'éléments de nature à établir l'existence du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son supérieur hiérarchique, ce qui a entaché son jugement d'irrégularité ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; l'ensemble des éléments produits attestent du harcèlement moral dont elle été victime de la part de son supérieur hiérarchique et rendent nécessaire l'octroi de la protection fonctionnelle ; elle a toujours fait remonter les incidents auprès de sa hiérarchie et protégé des agents placés sous sa responsabilité auxquels il était demandé d'utiliser du matériel dangereux et défectueux ; elle a également fait part de la pénibilité du travail rencontré par les agents et de la souffrance engendrée sur eux ; cette attitude n'a pas été appréciée de sa hiérarchie ; elle a alors vu son évaluation professionnelle au titre de l'année 2018 se dégrader fortement et a vécu cet entretien comme une sanction en représailles de sa dénonciation des conditions de travail déplorables des agents au sein de la division ; un audit met en lumière un climat délétère au sein de la division, outre une politique managériale très dure vis-à-vis des agents de maîtrise dégradant leurs conditions de travail ; sa mise à l'écart par sa hiérarchie a suscité un épuisement professionnel constaté par l'ensemble des praticiens.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2022, la commune de Perpignan, représentée par la société d'avocats Sanguinède Di Frenna et associés, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté et à ce que qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....

Par une ordonnance du 10 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Martinez, représentant la commune de Perpignan.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent de maîtrise au sein de la division de la ..., a sollicité le 24 septembre 2019 du maire de Perpignan le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un jugement du 31 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du maire lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcé sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait entaché son jugement d'irrégularité en retenant qu'elle ne présentait pas d'éléments de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral de son supérieur hiérarchique, une telle critique se rapportant au bien-fondé du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, dans les mêmes termes et sans critique utile du jugement qu'elle conteste le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de rejet litigieuse. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 2 à 4 du jugement contesté.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- À raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) / IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection, à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances.

5. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983: " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

6. En l'espèce, à l'appui de sa demande de protection fonctionnelle, Mme A... a indiqué avoir présenté deux recours auprès de l'autorité territoriale et de la commission administrative paritaire sans avoir obtenu une révision de son évaluation, s'être retrouvée, à la suite d'une véritable baisse de moyens, isolée et épiée par sa hiérarchie sans que des solutions ne soient apportées aux dysfonctionnements, avoir eu la sensation d'un épuisement professionnel et avoir besoin de protection et d'accompagnement par l'autorité territoriale dans sa quête de justice et de reconnaissance. Elle persiste en appel, à soutenir qu'elle est victime d'un harcèlement moral de son supérieur hiérarchique. Elle expose qu'elle a alerté sa hiérarchie sur divers incidents, qu'elle a protégé les agents placés sous sa responsabilité lorsqu'il leur était demandé d'utiliser du matériel dangereux et défectueux, qu'elle a fait part de la pénibilité du travail effectué par les agents et de la souffrance engendrée pour eux et que cette attitude ayant déplu, elle a alors vu son évaluation professionnelle au titre de l'année 2018 se dégrader fortement en représailles de sa dénonciation des conditions de travail. Toutefois, les arrêts de travail produits indiquant " burn out réactionnel au travail " ou " dépression réactionnelle au travail ", le courrier d'orientation vers un médecin rédigé par la psychologue du travail, daté du 20 juin 2019, le compte-rendu d'examen médico-psychologique du 24 juin 2019 et le certificat médical du 2 septembre 2019, rédigés par son psychiatre n'établissent pas que le trouble anxio-dépressif dont souffre Mme A... résulterait de faits répétés de harcèlement de sa hiérarchie. Si le compte-rendu d'examen du 24 juin 2019 conclut notamment à une souffrance au travail, il mentionne au titre de l'anxiété de l'intéressée une " fixation sur le conflit au travail " et reprend ses dires sur une hiérarchie qui " ne comprend pas ce qui se passe " et manque d'humanité. De même, le courrier de la psychologue du travail est également fondé sur les déclarations de l'intéressée quant à l'existence de conflits de valeur liés à un manque de moyens techniques associé à des problématiques managériales générales. Ces pièces ne décrivent pour autant aucun agissement précis de la hiérarchie dont Mme A... aurait été la victime. Si le certificat médical du 2 septembre 2019 fait mention d'une crise d'angoisse de l'agent après qu'elle ait croisé l'un de ses supérieurs hiérarchiques dans les rues de Perpignan, cet élément démontre l'existence d'un conflit de travail mais ne permet pas en lui-même de faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral. De même, les attestations de deux agents produites pour la première fois en appel et datées du 21 février 2021 sont insuffisamment probantes et précises pour faire présumer l'existence d'un harcèlement au travail. Il ne ressort également pas des pièces du dossier que la révision à la baisse par son supérieur direct de son évaluation de l'année 2018 révélerait une volonté de sanction ou de représailles de sa hiérarchie en réaction à ses alertes alors qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, cette évaluation est en cohérence avec les demandes formulées par le notateur lors de l'entretien professionnel conduit en 2017 et n'apparaît pas entachée d'erreur d'appréciation sur la manière de servir de l'agent. Mme A... n'établit également pas avoir été isolée et mise à l'écart par sa hiérarchie, alors qu'au demeurant une lettre de la commune du 13 février 2019, en réponse à sa demande de révision de son compte-rendu d'entretien professionnel, fait état de propositions de réunions régulières des agents de maîtrise avec les coordonnateurs. Par suite, et alors même que les dysfonctionnements et le climat régnant dans la division de la ... de la ville ont conduit cette dernière à diligenter un audit, Mme A... ne soumet pas, dans la présente instance, des éléments précis de nature à faire présumer l'existence de faits répétés excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et par suite, d'un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Perpignan qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la commune de Perpignan au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Perpignan sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL00313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00313
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CACCIAPAGLIA MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-24;21tl00313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award