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24/01/2023 | FRANCE | N°21TL00312

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 24 janvier 2023, 21TL00312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet rendue par la commune de Perpignan sur sa demande formée le 21 février 2020 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 25 juin 2019, d'enjoindre à la commune de Perpignan de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service, de saisir la commission de réforme ainsi que de mettre à la charge

de la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros au titre des dispositio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet rendue par la commune de Perpignan sur sa demande formée le 21 février 2020 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 25 juin 2019, d'enjoindre à la commune de Perpignan de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service, de saisir la commission de réforme ainsi que de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2001903 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 22 janvier 2021 et le 22 avril 2021, sous le n°21MA00312 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL00312, Mme A..., représentée par Me Cacciapaglia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite en date du 21 avril 2020 par laquelle le maire de Perpignan a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa pathologie à compter du 25 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Perpignan de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, de saisir la commission de réforme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant qu'elle n'avait pas respecté les formes prescrites pour formuler sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, ce qui a entaché son jugement d'irrégularité ; la mairie n'a pas accusé réception de sa demande et ne l'a pas invitée à régulariser sa demande en produisant le formulaire type ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine pour avis de la commission de réforme ;

- elle méconnaît l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986 ; sa pathologie s'est déclenchée pendant son service à la suite de faits de harcèlement moral à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; la présomption d'imputabilité est donc établie ; elle aurait dû être placée en congé pour accident de service d'autant que le maire n'a pas entendu saisir la commission de réforme et se prononcer dans le délai de deux mois à la suite de sa demande du 21 février 2020 ;

- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, la commune de Perpignan, représentée par la SCP Sanguinède Di Frenna et associés, agissant par Me Guillemat et Me Latapie, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté et à ce que qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....

Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Martinez, représentant la commune de Perpignan.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent de maîtrise au sein de la division de la ..., a adressé le 19 février 2020 à la commune de Perpignan, son employeur, une demande de reconnaissance de la pathologie dont elle souffre comme imputable au service à compter du 25 juin 2019. Par un jugement du 31 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du maire de Perpignan refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors applicable : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à l'autorité territoriale une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Ce formulaire est transmis par l'autorité territoriale à l'agent qui en fait la demande, dans un délai de quarante-huit heures suivant celle-ci et, le cas échéant, par voie dématérialisée, si la demande le précise ; 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant. ". Aux termes de l'article 37-5 du même décret : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'autorité territoriale dispose d'un délai : (...)/ 2° En cas de maladie, de deux mois à compter de la date de réception de la déclaration prévue à l'article 37-2 et, le cas échéant, des résultats des examens complémentaires prescrits par les tableaux de maladies professionnelles.(...)/Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'autorité territoriale n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée d'incapacité de travail indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 ou au dernier alinéa de l'article 37-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu'elle peut être retirée dans les conditions prévues à l'article 37-9. ".

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 19 février 2020, réceptionnée par la commune de Perpignan le 21 février 2020, Mme A... a adressé, par l'intermédiaire de son conseil, une demande d'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre sur le fondement des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Elle a joint à sa lettre les arrêts de travail qui ont été prescrits et les certificats médicaux de la psychologue du travail et du psychiatre. S'il est constant que cette demande ne respectait pas les formes prévues par les dispositions précitées de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987, qui imposaient à l'agent d'adresser une déclaration de maladie professionnelle comprenant notamment un formulaire précisant les circonstances de la maladie, la présentation dudit formulaire n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou de nullité de la demande, alors en outre que la requérante soutient que la lettre de son conseil contenait tous les éléments nécessaires à l'instruction de sa demande et que la commune ne précise pas en quoi cette dernière, du seul fait qu'elle n'était pas présentée sur le formulaire prévu, aurait été incomplète. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que le maire de Perpignan avait pu légalement rejeter sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au seul motif qu'elle ne répondait pas aux conditions de forme prévues par le décret du 30 juillet 2017.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

6. Aux termes de l'article 37-6 du décret précité du 30 juillet 1987 : " La commission de réforme est consultée par l'autorité territoriale : (...)3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies. ".

7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'agissant d'une maladie ne relevant pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et en l'absence d'un défaut d'imputabilité manifeste, l'autorité territoriale devait consulter la commission de réforme si elle n'entendait pas faire droit à la demande présentée. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que l'absence de saisine de la commission de réforme l'a privée d'une garantie et que la décision implicite de rejet contestée est ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique que le maire de Perpignan procède à l'examen de la demande de Mme A... et qu'il saisisse pour avis le conseil médical, qui remplace désormais la commission de réforme aux termes de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987 dans sa version applicable depuis le 14 mars 2022, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la commune de Perpignan au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 décembre 2020, ensemble la décision implicite par laquelle le maire de Perpignan a rejeté la demande en date du 19 février 2020 d'imputabilité au service de la maladie de Mme A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Perpignan de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à l'examen la demande de Mme A... et de saisir pour avis le conseil médical.

Article 3 : La commune de Perpignan versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Perpignan sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Perpignan.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL00312 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00312
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CACCIAPAGLIA MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-24;21tl00312 ?
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