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19/01/2023 | FRANCE | N°21TL04825

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 19 janvier 2023, 21TL04825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés pris à son encontre le 26 novembre 2021 par la préfète de la Lozère portant assignation à résidence et obligation de quitter sans délai le territoire français avec interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 2104046 du 30 novembre 2021, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 18 décembre 2021 sous le n° 21MA04825 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés pris à son encontre le 26 novembre 2021 par la préfète de la Lozère portant assignation à résidence et obligation de quitter sans délai le territoire français avec interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 2104046 du 30 novembre 2021, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2021 sous le n° 21MA04825 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis sous le n° 21TL04825 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Dieng, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner au préfet la communication de son dossier administratif ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 30 novembre 2021 ;

3°) d'annuler les arrêtés du 26 novembre 2021 de la préfète de la Lozère ;

4°) d'ordonner au préfet de la Lozère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- la notification de la décision portant assignation à résidence a fait courir le délai de recours à compter du 26 novembre 2021 à 17 h 10 et c'est à bon droit que ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ont été rejetées comme tardives ;

- en revanche, la notification de la mesure portant obligation de quitter sans délai le territoire français comporte la mention selon laquelle le recours contentieux doit être porté devant le tribunal administratif dans un délai de deux jours à compter de sa notification et ce délai n'est pas exprimé en heures ;

- en application de la règle générale selon laquelle le délai exprimé en jours ne permet pas de comptabiliser le samedi et le dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai de recours contentieux contre l'obligation de quitter le territoire français expirait le mardi 30 novembre 2021 à 00 heure ; la demande d'annulation de la mesure d'éloignement n'était donc pas tardive ;

- en outre, se trouvant dans une impossibilité d'agir en raison de la nécessité de se faire assister pour exercer un recours utile, il est fondé à demander un relevé de forclusion ;

- il renvoie à ses écritures de première instance qui établissent le bien-fondé de son recours.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55%) par une décision du 21 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. M C... relève appel de l'ordonnance n° 2104046 du 30 novembre 2021 par laquelle le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée contre les arrêtés du 21 novembre 2021 par lesquels la préfète de la Lozère l'a assigné à résidence et l'a obligé à quitter sans délai le territoire français avec interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français est notifiée avec une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 (...), le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de ces mesures. ". Aux termes de l'article L. 732-8 du même code : " La décision d'assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-1 peut être contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures suivant sa notification. Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d'éloignement qu'elle accompagne. / (...) Les dispositions des articles L. 614-7 à L. 614-13 sont applicables au jugement de la décision d'assignation à résidence contestée en application du présent article. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 776-15 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. (...) / Il peut, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant assignation à résidence de M. C... a été notifié le 26 novembre 2021 à 17 h 10 avec la mention du délai de recours contentieux de quarante-huit heures ouvert à son encontre. Le requérant n'était ainsi pas recevable à demander l'annulation de cette mesure d'assignation par sa requête enregistrée le 29 novembre 2021 à 16 h 51 au greffe du tribunal administratif de Nîmes. Si, dans ces dernières écritures, l'intéressé sollicite une " levée de forclusion " en raison d'une impossibilité à agir faute d'être assisté, une telle circonstance n'est pas de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à compter de la notification régulière de la mesure portant assignation à résidence. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que la notification de l'arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français comportait la mention d'un délai de recours contentieux de " 2 jours " en lieu et place du délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions précitées de l'article L. 614-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette mention erronée faisait dès lors obstacle à ce que ce délai de recours puisse commencer à courir à l'encontre de l'arrêté obligeant M. C... à quitter sans délai le territoire français. Dans ces conditions, ces conclusions ne pouvaient être regardées comme entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté l'ensemble de sa demande en faisant application des dispositions précitées du 4° de l'article R. 776-15 du code de justice administrative.

6. Dès lors, il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande introduite par M. C... devant le tribunal administratif de Nîmes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des arrêtés :

7. Les arrêtés en litige ont été signés par M. B... D..., directeur de la citoyenneté et de la légalité à la préfecture de la Lozère, en vertu d'un arrêté préfectoral de délégation du 16 novembre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour accessible tant au juge qu'aux parties, lui donnant délégation notamment pour " les obligations de quitter le territoire français des ressortissants étrangers (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêts attaqués manque en fait et doit être écarté.

8. Les arrêtés pris à l'encontre de M. C... visent les textes dont il a été fait application, en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionnent les circonstances de fait propres à la situation de M. C..., notamment le défaut d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée par le préfet de Seine-Saint-Denis le 20 octobre 2020 et son interpellation alors qu'il travaillait sans titre de séjour dans le restaurant de son frère. Ces arrêtés sont donc suffisamment motivés en droit et en fait.

9. Le moyen invoqué par M. C... à l'encontre de l'ensemble des décisions et tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti d'aucune précision ni d'aucune justification permettant à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour en France pendant une durée de deux ans :

10. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. C... se prévaut de l'atteinte manifestement disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France par la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision sur la durée et les conditions de son séjour en France alors que l'autorité administrative a relevé qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécuté et qu'il a été interpellé en situation de travail dans le restaurant de son frère sans être titulaire d'un titre de séjour. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour en France porteraient au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne peuvent être regardées comme ayant des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation de l'intéressé et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet de communiquer l'entier dossier du requérant ni de statuer sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du 21 novembre 2021 par lesquels la préfète de la Lozère l'a assigné à résidence, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette la demande d'annulation des arrêtés du 21 novembre 2021 de la préfète de la Lozère n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 30 novembre 2021 du président du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Ahmed Dieng et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président assesseur,

X. HaïliLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N°21TL04825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04825
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : DIENG

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-19;21tl04825 ?
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