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17/01/2023 | FRANCE | N°21TL01705

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 17 janvier 2023, 21TL01705


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'État à lui verser une provision de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis du fait d'un défaut de soins durant sa détention au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone et d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices précités.

Par un jugement n° 1904172 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'État à lui verser une provision de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis du fait d'un défaut de soins durant sa détention au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone et d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices précités.

Par un jugement n° 1904172 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 7 mai 2021, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. A..., représenté par Me Knispel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'État au versement d'une provision de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice devant être déterminé ultérieurement ;

3°) d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer l'étendue des préjudices liés au défaut de soins pendant sa détention ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- la responsabilité pour faute de l'État doit être engagée pour absence de soins en détention, au titre de l'atteinte portée à la dignité humaine ;

- il a été victime, le 22 août 2014, d'un grave accident dont les conséquences nécessitaient des séances de rééducation ; à la suite d'un second accident au début de l'année 2015, il a subi deux nouvelles opérations, le 1er juin 2015, puis en mars 2016, les suites de cette dernière impliquant une rééducation notamment par des séances d'électrostimulation ; sa rééducation a été poursuivie, jusqu'à son placement le 31 août 2016 en détention provisoire, puis son incarcération au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone ; il n'a ensuite, alors que l'administration pénitentiaire connaissait parfaitement sa situation, pratiquement reçu aucun soin ; l'état de son bras s'est de ce fait dégradé, et il n'a commencé à bénéficier d'un minimum de soins qu'à compter du 21 décembre 2016 ; il n'a pu cependant récupérer la mobilité de son bras en raison de la carence dans les soins qui lui ont été dispensés pendant sa détention ;

- les conditions de sa détention, eu égard au défaut de soins dont il a été victime, sont attentatoires à la dignité humaine et constituent une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.

Par une lettre du 11 mars 2022 intervenue dans le cadre d'un calendrier prévisionnel d'instruction, le ministre de la justice, garde des sceaux, a été mis en demeure de produire un mémoire en défense dans le délai d'un mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été victime, le 22 août 2014, d'un accident de la circulation ayant provoqué un traumatisme du plexus brachial droit total. Il a été victime d'un second accident de la circulation au début de l'année 2015, ayant entraîné une opération le 1er juin 2015, consistant en une neurotisation. Il a subi en mars 2016 une nouvelle intervention chirurgicale impliquant une rééducation notamment par des séances d'électrostimulation. Estimant qu'à compter de son placement le 31 août 2016 en détention provisoire au centre pénitentiaire de Perpignan, puis de son incarcération au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone à compter du 29 septembre 2016, il n'a pas bénéficié des soins nécessités par son état de santé, et ce jusqu'à son transfert, le 21 décembre 2016, à l'unité hospitalière sécurisée interrégionale de Marseille, il a saisi l'administration, le 23 mai 2019, d'une demande de versement d'une provision de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices à déterminer ultérieurement en sollicitant par ailleurs que soit diligentée une expertise afin d'évaluer ses préjudices.

2. M. A... relève appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une provision de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices qu'il aurait subis du fait en raison d'un défaut de soins durant sa détention au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone et d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices précités.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, dans sa version alors en vigueur : " Le service public hospitalier assure, dans des conditions fixées par voie réglementaire, les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 7 octobre 2016 à laquelle aucune réponse n'a été apportée, le conseil de M. A... se plaignait auprès du centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone de ce que son client était " empêché de poursuivre sa rééducation " et demandait " la mise en œuvre des soins de rééducation kinésithérapeutique impérieusement nécessités ". Par ailleurs, le certificat médical du 30 décembre 2016 du médecin du service de médecine en milieu pénitentiaire indique que M. A... était hospitalisé depuis le 21 décembre 2016 " pour rééducation du membre supérieur droit dans les suites de ses interventions sur le plexus brachial ". Ce certificat indique qu'une prise en charge prolongée est toujours nécessaire, indique le détail de la prise en charge, notamment l'électrostimulation, et fait par ailleurs mention des affirmations de M. A... selon lesquelles la rééducation intensive dont il bénéficiait comprenant électrostimulation, ergothérapie et balnéothérapie avait été interrompue pendant son placement en détention provisoire puis son incarcération au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone.

5. En l'état du dossier, compte tenu notamment des allégations de M. A... selon lesquelles il n'a pas bénéficié en détention des soins nécessités par son état de santé pendant la période du 31 août au 20 décembre 2016 pendant laquelle il se trouvait placé au centre pénitentiaire de Perpignan puis dans celui de Villeneuve-lès-Maguelone jusqu'à son transfert à l'unité hospitalière sécurisée interrégionale de Marseille, ainsi que des pièces communiquées par les parties, la cour ne dispose pas des éléments lui permettant de se déterminer quant à l'absence ou l'insuffisance des soins prodigués à l'appelant au cours de la période précitée et, dans l'hypothèse ou cette absence ou cette insuffisance serait établie, relativement à son incidence sur l'état de santé de l'intéressé. En conséquence, il y a lieu pour la cour avant-dire droit d'ordonner une expertise.

Sur la provision :

6. Dans les circonstances de l'espèce eu égard, en l'état du dossier, à l'absence de caractère certain de l'absence ou de l'insuffisance des soins prodigués à l'appelant au titre de la période du 31 août au 20 décembre 2016, il n'y a pas lieu de condamner l'État à verser à M. A... une somme de 2 000 euros à titre de provision.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Compte tenu de l'expertise ordonnée par le présent arrêt, les conclusions de l'appelant relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens sont réservées jusqu'à la fin de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... procédé à une expertise.

L'expert aura pour mission :

- de se faire communiquer, l'intégralité du dossier médical de M. A... et notamment tous les documents relatifs à l'état de santé de M. A..., aux examens, soins et interventions pratiqués pendant la période du 31 août au 20 décembre 2016 pendant laquelle il se trouvait placé au centre pénitentiaire de Perpignan puis dans celui de Villeneuve-lès-Maguelone ;

- de dire si des soins ont été administrés à M. A... pendant cette période et s'ils ont été suffisants et à défaut de dire si l'absence ou l'insuffisance de soins qu'aurait subie ce dernier a eu une incidence sur son état de santé en donnant les éléments permettant de quantifier la perte de chance pour lui d'éviter l'apparition de séquelles résultant de cette absence ou de cette insuffisance d'actes de soins ;

- de décrire, sans imputer le taux de perte de chance éventuellement retenu, la nature et l'étendue des préjudices résultant de la prise en charge de M. A... au cours de la période du 31 août au 20 décembre 2016, en les distinguant de son état antérieur et des conséquences prévisibles de sa prise en charge médicale si celle-ci s'était déroulée normalement ; à cet égard, d'apporter les éléments suivants :

a) dire si l'état de M. A... est consolidé ou s'il est susceptible d'amélioration ou de dégradation ; proposer, si possible, une date de consolidation de l'état de l'intéressé en fixant notamment la période d'incapacité temporaire et le taux de celle-ci, ainsi que le taux d'incapacité permanente partielle ;

b) donner son avis sur les dépenses de santé rendues nécessaires par l'état de M. A... en lien avec les faits en litige ;

c) préciser les frais liés au handicap dont la nécessité résulterait du dommage ;

d) décrire et évaluer les souffrances physiques, psychiques ou morales subies en lien avec les faits en litige ;

e) évaluer le préjudice d'agrément ;

f) donner à la cour tous autres éléments d'information nécessaires à la réparation de l'intégralité du préjudice subi par M. A... à raison des faits en litige.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires et en adressera une copie à chacune des parties, conformément à l'article R. 621-9 du code de justice administrative, dans le délai qui sera fixé par le président de la cour.

Article 4 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21TL01705

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01705
Date de la décision : 17/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : KNISPEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-17;21tl01705 ?
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