Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Camping du domaine d'Anglas a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de modification de l'arrêté préfectoral 2015/01/748 du 21 mai 2015 relatif aux périodes d'ouverture imposées au camping et a invité les gestionnaires de ce dernier à déposer deux demandes de permis d'aménager.
Par un jugement n° 1904181 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Camping du domaine d'Anglas, représentée par Me Gil-Fourrier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 30 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de prendre un arrêté modificatif autorisant l'ouverture à l'année de la partie non inondable du camping, conformément au plan joint à sa demande du 8 juillet 2019, ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai de sept jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de mentionner les noms de M. et Mme A..., qui étaient parties à l'instance, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont omis de répondre à la seconde branche du moyen d'incompétence du signataire de l'acte litigieux, figurant dans son mémoire en réponse du 9 décembre 2019, tiré de l'absence de caractère exécutoire de la délégation de signature consentie en l'absence de justification de l'accomplissement des formalités de publicité au recueil des actes administratifs et de la date à laquelle le recueil a été mis à la disposition du public ; cette absence d'analyse du mémoire en réponse entache d'insuffisance de motivation leur jugement ;
- la décision attaquée est entachée d'incompétence dès lors que son signataire ne justifie pas d'une délégation de signature régulière et exécutoire à la date du 30 juillet 2019, à l'effet de signer cette décision ; il n'est justifié ni de la date à laquelle l'arrêté du 8 juin 2018 portant délégation de signature a été publié au recueil des actes administratifs ni de la date à laquelle le recueil a été mis à la disposition du public ;
- la décision attaquée, qui constitue une mesure de police, est insuffisamment motivée dès lors que l'arrêté préfectoral du 21 mai 2015 auquel elle fait référence, ne vise pas expressément l'article R. 331-8 du code du tourisme et qu'elle ne vise aucune disposition soumettant l'autorisation d'ouverture annuelle d'une partie d'un camping à l'obtention préalable d'un permis d'aménager ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la modification de l'arrêté préfectoral n° 2015/01/748 ne pouvait être conditionnée au dépôt de deux demandes de permis d'aménager, qui présente un caractère superfétatoire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et présente un caractère disproportionné dès lors que le préfet pouvait prendre, alors que 42 emplacements sont situés en dehors de la zone inondable, une mesure moins restrictive permettant d'atteindre les objectifs poursuivis par son arrêté du 21 mai 2015 en limitant la fermeture périodique du camping à sa seule partie concernée par le risque d'inondation ; afin de maîtriser le risque et d'interdire l'accès à la partie inondable du camping, la séparation physique entre la zone inondable et la zone non inondable du camping est matérialisée par l'installation de barrières ; la restriction concernant la zone non inondable du camping est nécessairement disproportionnée d'autant que le camping dispose des procédures propres à assurer la gestion et au besoin l'évacuation des personnes ;
Une mise en demeure a été adressée le 19 mai 2022, en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'a produit aucun mémoire en défense.
Par une ordonnance du 17 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 décembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du tourisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 21 mai 2015, le préfet de l'Hérault a, dans un contexte d'homogénéisation des périodes d'ouverture des campings du département en fonction du risque naturel prévisible et d'un niveau d'aléa fort, fixé la période d'ouverture du camping du domaine d'Anglas " du samedi inclus qui précède le 2 mai au samedi inclus qui suit le 31 août de chaque année ". Le 18 juillet 2015, les exploitants du camping ont formé un recours gracieux contre cet arrêté afin d'être autorisés à ouvrir sans limitation de période la partie du terrain de camping située en zone non inondable. Le préfet de l'Hérault a implicitement rejeté cette demande le 18 septembre 2015. Le 8 juillet 2019, ces derniers ont à nouveau sollicité la modification de l'arrêté préfectoral afin d'autoriser l'exploitation commerciale à l'année de la partie de leur camping non exposée au risque inondation. Par une décision du 30 juillet 2019, le préfet de l'Hérault a rejeté leur demande. La société par actions simplifiée du domaine d'Anglas relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...). Elle contient le nom des parties, (...) ".
3. Le jugement attaqué ne mentionne pas M. et Mme A..., qui auraient eu la qualité de parties à l'instance, selon l'appelante. Toutefois, la décision attaquée, même si elle est adressée à M. et Mme A..., est dirigée, en réalité, contre la société par actions simplifiée Camping du domaine d'Anglas dotée d'une personnalité juridique distincte de ses dirigeants, qui la représentent vis-à-vis des tiers, et seule entité exploitant le camping concerné. Dès lors, le recours exercé contre cette décision devant les premiers juges doit être regardé comme ayant été présenté par la société Camping du domaine d'Anglas, qui a la qualité de partie demanderesse à l'instance. M. et Mme A..., en tant que représentants de cette société ne se prévalant pas d'un intérêt distinct de celui de cette dernière, ne pouvaient être regardés comme parties à l'instance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, la société appelante soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen d'incompétence du signataire de l'acte litigieux, énoncé dans son mémoire en réponse du 9 décembre 2019, en tant qu'il était tiré de l'absence de caractère exécutoire de la délégation de signature consentie. Toutefois, en jugeant que l'arrêté en litige a été signé par M. Pascal Othéguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel a reçu délégation par un arrêté préfectoral du 8 juin 2018, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs n° 60 du même jour, à l'effet de signer " tous actes, décisions et circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault " et que cette délégation l'habilitait à signer la décision contestée, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté la seconde branche du moyen. Par suite, le tribunal administratif, qui, au demeurant, n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties énoncés au soutien de leurs moyens, n'a pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée.
5. En dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la circonstance que les premiers juges aient implicitement écarté la seconde branche du moyen d'incompétence du signataire de la décision litigieuse n'entache pas d'insuffisance de motivation leur jugement.
6. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 3 à 5 que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier serait irrégulier.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
7. D'une part, aux termes de l'article R. 331-8 du code du tourisme, dans sa version alors applicable : " Les préfets peuvent, par arrêté pris après avis de la commission départementale de l'action touristique, imposer des normes spéciales d'équipement et de fonctionnement en vue de la protection contre les dangers d'incendie et les risques naturels et technologiques majeurs. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les préfets peuvent imposer aux gestionnaires de terrains de camping sis en zones submersibles des normes de fonctionnement allant jusqu'à la fermeture périodique desdits terrains, notamment pendant les périodes traditionnelles de crue des cours d'eau à proximité desquels ils sont situés.
8. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : (...) c) La création ou l'agrandissement d'un terrain de camping permettant l'accueil de plus de vingt personnes ou de plus de six hébergements de loisirs constitués de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs ou d'habitations légères de loisirs ; (...) e) Le réaménagement d'un terrain de camping ou d'un parc résidentiel de loisirs existant, lorsque ce réaménagement a pour objet ou pour effet d'augmenter de plus de 10 % le nombre des emplacements ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que la création, l'agrandissement ou le réaménagement d'un terrain de camping suppose la délivrance d'un permis d'aménager lorsque les seuils règlementairement fixés sont atteints.
9. L'arrêté préfectoral réglementant les périodes d'ouverture des terrains de camping situés en zone inondable constitue une mesure de police devant présenter un caractère nécessaire et proportionné aux risques encourus et dont l'adoption est indépendante des règles d'urbanisme. Il en résulte que lorsque le propriétaire des terrains de camping a dû solliciter et obtenir la délivrance d'un permis d'aménager en application de l'article R 421-9 du code de l'urbanisme, l'arrêté portant fermeture périodique du camping peut ne porter que sur les seuls terrains submersibles du camping dès lors que ses terrains non submersibles, quand bien même ils auraient également été l'objet du permis d'aménager, forment une entité physiquement et fonctionnellement distincte des terrains situés en zone inondable.
10. Par un arrêté du maire de Brissac du 11 mai 1991, M. A... a été autorisé à aménager un camping sur les parcelles cadastrées AV 11, 12, 13, 14, 16 p, 18, 19, 24 et 195 p de la commune, d'une superficie de 5 hectares. Il n'est pas contesté que seules les sections cadastrées AV 12 et AV 195 p du Camping domaine d'Anglas, constituant la partie B du camping, sont situées en zone non inondable. Le préfet a d'ailleurs informé les gestionnaires du camping, dans son courrier du 28 novembre 2018, qu'il leur était possible de scinder le camping en deux entités physiquement distinctes et dont l'une d'elles serait établie en dehors des zones inondables et qu'ainsi, ils disposeraient de deux établissements, l'un situé en zone inondable, soumis à périodes d'ouverture, et l'autre, situé en dehors des zones inondables, pouvant disposer librement de ses dates commerciales. À cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que la passerelle reliant les sections AV 12 et AV 195 p, constituant la partie B, précitée, du camping, serait située en zone inondable, ce qui serait de nature à empêcher l'évacuation des occupants des onze emplacements de la section AV 195 p, n'est pas susceptible d'augmenter l'exposition au risque d'inondation des usagers de la partie B du camping dès lors que, comme il a été dit, cette partie est située en zone non inondable. Du reste, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette passerelle serait submergée même en cas d'inondation d'occurrence rare et, d'ailleurs, il existe une autre possibilité d'évacuation des emplacements situés sur la parcelle AV 195 p. Dès lors, ainsi que le préfet de l'Hérault l'a lui-même reconnu, que la partie B du camping domaine d'Anglas, située en zone non inondable, constitue une entité physiquement distincte de sa partie A, situé en zone inondable, et qu'il ressort des pièces du dossier que les infrastructures d'accueil des clients ainsi que le restaurant et les sanitaires se situent dans la zone non inondable, la décision du 30 juillet 2019 portant refus de modifier l'arrêté du 21 mai 2015 afin de limiter sa portée aux seuls terrains situées en zone inondable du Camping du domaine d'Anglas méconnaît les dispositions de l'article R. 331-8 du code de l'urbanisme et présente un caractère disproportionné au regard de cet article.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Camping du domaine d'Anglas est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2019 du préfet de l'Hérault.
Sur les conclusions en injonction :
12. Le présent arrêt implique que le préfet de l'Hérault procède à la modification de l'arrêté du 21 mai 2015 afin de limiter la période d'ouverture du Camping du domaine d'Anglas aux seuls terrains situés en zone inondable à l'exclusion de ceux situés sur les parcelles cadastrées AV 12 et AV 195 p de la commune de Brissac. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à cette modification dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la société Camping du domaine d'Anglas de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 3 novembre 2020 et la décision du 30 juillet 2019 du préfet de l'Hérault sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de modifier son arrêté du 21 mai 2015 afin de limiter la période d'ouverture du Camping du domaine d'Anglas aux seuls terrains situés en zone inondable, à l'exclusion de ceux situés sur les parcelles cadastrées AV 12 et AV 195 p de la commune de Brissac, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à la société Camping du domaine d'Anglas une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée du domaine d'Anglas et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL04720