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17/01/2023 | FRANCE | N°20TL02722

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 17 janvier 2023, 20TL02722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat de l'Aude " Habitat Audois ", a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société à responsabilité limitée (SARL) Falandry-Chevignard, la SARL Sotra Ingénierie, la SARL Cogebat et la SARL CEF/A31S et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Falandry-Chevignard et Sotra Ingénierie, à lui verser la somme de 59 775,37 euros en répa

ration des préjudices résultant des désordres affectant la villa n° 4 de la "...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat de l'Aude " Habitat Audois ", a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société à responsabilité limitée (SARL) Falandry-Chevignard, la SARL Sotra Ingénierie, la SARL Cogebat et la SARL CEF/A31S et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Falandry-Chevignard et Sotra Ingénierie, à lui verser la somme de 59 775,37 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant la villa n° 4 de la " Résidence de l'Alaric " située dans la commune de Moux.

Par un jugement n° 1703699 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative de Marseille le 29 juillet 2020, puis, le 11 avril 2022, devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 3 août 2022, l'office public de l'habitat de l'Aude Habitat Audois, représenté, en dernier lieu, par Me Noray-Espeig, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la société Falandry-Chevignard, la société Sotra Ingénierie, la société Cogebat et la société CEF/A31S et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Falandry-Chevignard et Sotra Ingénierie, à lui verser la somme de 59 775,37 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des désordres affectant la villa n° 4 de la " Résidence de l'Alaric ", cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de l'enregistrement de la requête ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Falandry-Chevignard, Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S les dépens de l'instance, en ce compris la somme de 7 077,12 euros correspondant aux frais d'expertise, ainsi que les sommes de 2 000 euros et de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement au titre de la première instance et de l'instance d'appel.

Il soutient, en maintenant de plus l'ensemble des conclusions et moyens développés en première instance, que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il se fonde sur le motif tiré du caractère apparent des désordres lors des opérations de réception alors qu'un tel moyen, soulevé d'office par le tribunal, ne présente pas un caractère d'ordre public ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en écartant les conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre ;

- la responsabilité des constructeurs est engagée au titre de la garantie décennale dès lors que les désordres litigieux n'étaient pas apparents et ne se sont pas révélés dans toute leur ampleur lors de la réception des travaux ;

- en particulier, il y a lieu de distinguer, d'une part, les désordres provenant d'infiltrations causées par les opérations de construction menées sur le terrain voisin, seuls désordres dont le maître d'ouvrage connaissait l'existence et, d'autre part, les désordres, inconnus lors de la réception de l'ouvrage, provenant du défaut d'étanchéité du mur de la villa ayant causé des infiltrations par capillarité, lesquels sont imputables aux opérations de construction réalisées sous la maîtrise d'œuvre des sociétés Falandry-Chevignard et Sotra Ingénierie ;

- la société Falandry-Chevignard, qui a reconnu l'engagement de sa responsabilité au titre de la garantie décennale en première instance, soutient désormais, en appel, que le maître d'ouvrage avait connaissance de l'absence de barrière étanche sur le mur de la villa construit en limite de propriété ;

- à titre subsidiaire, à supposer les désordres apparents, la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre est engagée dès lors qu'il a manqué à son devoir de conseil en dissimulant les autres causes possibles des infiltrations constatées sur la villa, qu'il a exclusivement imputées au fonds voisin, et en omettant de l'alerter sur les désordres causés par ces infiltrations lors des opérations de réception pour lui permettre d'émettre des réserves sur ce point ;

- le devis émanant de la société Cogebat portant sur le chiffrage des travaux d'étanchéité du mur de la villa dont se prévaut la société Falandry-Chevignard a été établi au mois de février 2010, soit postérieurement aux opérations de réception, de sorte qu'il ne pouvait donner lieu à la signature d'un avenant ;

- la période au cours de laquelle il a subi une perte de revenus locatifs a pour point de départ le 10 juin 2010, date de la commission d'attribution des logements à l'issue de laquelle le logement, initialement prévu pour être attribué dans le cadre d'un prêt social de location-accession, devait être attribué à un locataire ;

- il est fondé à engager la responsabilité décennale et contractuelle des constructeurs et à demander la réparation de ses préjudices dans les conditions suivantes :

* 7 236,90 euros au titre des travaux de reprise des embellissements ;

* 2 523,40 euros au titre des travaux de remise en état de l'installation de chauffage ;

* 14 616 euros au titre des travaux liés à la pose d'un drain ;

* 35 399,07 euros au titre de la perte de revenus locatifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, la société Falandry-Chevignard, représentée par Me Aben, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la condamnation mise à sa charge soit ramenée à la somme de 1 042,39 euros toutes taxes comprises et à ce que les sociétés Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S soient condamnées à la garantir et à la relever intégralement des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'office public de l'habitat de l'Aude, Habitat Audois, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité dès lors que le caractère non apparent des désordres ne constitue pas un moyen mais l'une des conditions nécessaires à la mise en œuvre de la garantie décennale des constructeurs qu'il appartenait à l'appelant de démontrer et au juge de vérifier dans le cadre de son office tandis que ce point été évoqué par l'office public Habitat Audois dans sa demande de première instance, de sorte cet élément a été soumis à l'appréciation du tribunal ;

- les désordres litigieux présentent un caractère apparent dès lors qu'ils étaient connus du maître de l'ouvrage depuis le 17 juillet 2009, en ce qui concerne la problématique d'étanchéité liée à l'apport de terre en provenance du fonds voisin, au-dessus de l'arase étanche du mur de la villa, et depuis le mois de novembre 2009, en ce qui concerne l'absence de protection étanche en partie basse du mur enterré de la villa ;

- à titre subsidiaire, les prétentions indemnitaires de l'appelant doivent être ramenées à de plus justes proportions :

* aucune indemnité ne peut être allouée au titre des travaux de reprise des parties intérieures de la villa et de remise en état de l'installation de chauffage dès lors que la dégradation des parties intérieures de la villa est due à l'inertie du maître de l'ouvrage, qui s'est abstenu de demander à la société Cogebat de réaliser des travaux d'étanchéité du mur mitoyen à ses frais ou sur la base d'un avenant pour travaux supplémentaires dès l'apparition des premiers signes d'infiltrations sur la villa alors qu'elle a fait établir un devis chiffrant les travaux d'étanchéité verticale et la pose d'un drain en pied de mur à la somme modeste de 871,56 euros hors taxes, devis auquel ce dernier n'a jamais donné suite en dépit des relances qu'elle a adressées par des messages électroniques en avril et mai 2010 ;

* l'indemnité correspondant au coût des travaux d'étanchéité du mur mitoyen doit être limitée à la somme précitée de 871,56 euros hors taxes, soit 1 042,39 euros toutes taxes comprises, seul préjudice indemnisable ;

* la réalité du préjudice lié aux pertes locatives entre le 10 juin 2010 et le mois de juin 2016 n'est pas établie dès lors que l'occupation complète de la résidence de l'Alaric, qui se compose de onze villas similaires de type T4, n'est pas démontrée à la date du 10 juin 2010 ;

- en tout état de cause, les sociétés Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S doivent être condamnées à la relever et à la garantir solidairement des condamnations prononcées à son encontre dès lors que :

* le défaut d'étanchéité du mur enterré de la villa ne constitue pas un défaut de conception de l'ouvrage mais résulte d'une omission de cette prescription lors de l'établissement du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) afférent au lot n° 4 portant sur le gros œuvre alors que les plans du projet et les plans d'exécution mentionnaient un niveau de plancher à une hauteur de 95,63 mètres par rapport au nivellement général de la France et un décaissé équivalent à 50 centimètres par rapport au terrain naturel, exigence dont il appartenait à la société Sotra Ingénierie, en charge de ce CCTP, de tenir compte en prévoyant une prescription relative à la réalisation d'une étanchéité verticale du mur enterré ;

* la responsabilité de la société Cogebat, en charge du gros œuvre, est également engagée dès lors qu'elle s'est abstenue d'alerter la maîtrise d'œuvre sur le défaut d'étanchéité du mur enterré dès le stade de la remise des offres ou, à tout le moins, lors de la réalisation de ce mur alors qu'elle ne pouvait ignorer, en qualité d'entreprise spécialisée dans la construction, que la réglementation exige une étanchéité verticale des murs enterrés et ne s'est pas davantage inquiétée de devoir réaliser un mur enterré sans protection étanche ;

* la responsabilité de la société CEF/A31S, en charge des enduits de façade, est également engagée dès lors qu'elle a posé un enduit s'arrêtant à 70 centimètres au-dessus du niveau du plancher étanche de la villa sans vérifier s'il avait atteint le niveau de l'arase étanche du mur de la villa ni s'assurer que le mur disposait d'une étanchéité adaptée alors que le décaissé était clairement visible et d'une hauteur anormale, circonstances qui auraient dû la conduire à alerter le maître d'œuvre de cette non-conformité ;

- sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée en l'absence de volonté ou de possibilité de dissimuler une quelconque information au maître de l'ouvrage alors, d'une part, qu'elle a alerté ce dernier dès le mois de juillet 2009 au sujet de l'apport de terre contre le mur de la villa, d'autre part, que l'absence d'étanchéité du mur a été découverte le 11 novembre 2009 lors d'une visite des lieux en présence du maître d'ouvrage et, enfin, que les travaux d'étanchéité, d'un montant modeste, correspondent à des travaux supplémentaires nécessaires à la pérennité de l'ouvrage devant rester à la charge du maître de l'ouvrage.

La requête a été communiquée à Me René Claude Camman, liquidateur de la société Sotra Ingénierie, à Me Frontil, liquidateur de la société Cogebat et à la SARL Benoît, liquidateur de la société CEF/A31S qui n'ont pas produit d'observations, en dépit de la mise en demeure qui leur a été adressée le 24 mai 2022, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de l'office public de l'habitat de l'Aude, Habitat Audois.

Par une ordonnance du 4 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Santin, représentant l'office public de l'habitat de l'Aude, Habitat Audois.

Considérant ce qui suit :

1. L'office public de l'habitat de l'Aude Habitat Audois, ci-après Habitat audois, a été autorisé, par un permis de construire délivré le 2 mai 2008, à édifier quinze logements locatifs, dont cinq logements en prêt social de location-accession, finalement destinés à de la simple location, sur les parcelles cadastrées section OB n°s 1444 à 1452 dont il est propriétaire sur le territoire de la commune de Moux (Aude), dans un ensemble dénommé " résidence de l'Alaric ". Par un acte d'engagement du 9 mars 2007, Habitat Audois a confié la maîtrise d'œuvre du projet à un groupement conjoint d'entreprises composé de la société Falandry-Chevignard Architectes, cabinet d'architectes mandataire du groupement, du bureau d'études techniques voirie et réseaux divers Infra Études, du bureau d'études techniques structure Virelizier, du bureau d'études techniques fluides Laumont et, enfin, de l'économiste Sotra Ingénierie. Le marché public de travaux a été divisé en 14 lots dont le lot n° 4 " gros œuvre-charpente-couverture " a été attribué à la société Cogebat et le lot n° 7 " enduits de façades " a été attribué à la société CEF/A31S, par des actes d'engagement du 22 avril 2008. Les travaux afférents à ces deux lots ont été réceptionnés avec réserves, le 13 novembre 2009, avec effet au 2 octobre 2009, et les dernières réserves, sans lien avec les désordres invoqués, ont été levées au cours du premier semestre de 2010.

2. Constatant, par un procès-verbal d'huissier dressé le 8 novembre 2010, l'existence de dégradations causées par des infiltrations d'eau sur le mur de la villa n° 4, construite en limite de la propriété cadastrée section B n° 1362, appartenant aux consorts de Longueval, lesquels ont procédé à d'importants mouvements de terre dans le cadre de travaux de terrassement qui ont débuté le 27 mars 2009, Habitat Audois a demandé et obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Carcassonne la désignation d'un expert, lequel a rendu un premier rapport le 8 janvier 2014, puis un second rapport le 13 octobre 2016, mettant en cause, d'une part, la responsabilité des consorts de Longueval, d'un cabinet de géomètres-experts et d'une société de travaux publics et, d'autre part, celle de constructeurs intervenus dans le cadre de la construction des logements sociaux réalisée sous la maîtrise d'ouvrage de l'office public. Le 20 novembre 2017, Habitat Audois a assigné les consorts de Longueval et les constructeurs intervenus sur la parcelle mitoyenne à la villa n° 4 devant le juge judiciaire. Estimant, dans le même temps, que la responsabilité des sociétés Falandry-Chevignard Architectes, Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S, intervenues dans le cadre de l'opération de construction de la résidence de l'Alaric, était engagée sur le fondement de la garantie décennale ou, à titre subsidiaire, que la responsabilité contractuelle des sociétés Falandry-Chevignard Architectes et Sotra Ingénierie, membres du groupement de maîtrise d'œuvre, pouvait être engagée, Habitat Audois a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à ce que ces sociétés lui versent la somme de 59 775,37 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant la villa n° 4. Il relève appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En se saisissant d'office, sans y être invité, de la question de savoir si les désordres affectant la villa n° 4 étaient apparents lors de la réception définitive de l'ouvrage pour écarter la responsabilité des constructeurs en cause au titre de la garantie décennale alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce moyen a été soulevé en défense, la société Falandry-Chevignard Architectes reconnaissant, au contraire, dans ses écritures de première instance que les conditions d'engagement de la responsabilité décennale étaient réunies et que les désordres n'étaient pas apparents, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Dès lors, Habitat Audois est fondé à soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité sur ce point. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen d'irrégularité du jugement tiré de l'insuffisance de sa motivation, le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juin 2020 doit être annulé.

4. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Habitat Audois devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 411 du code de la construction et de l'habitation : " La construction, l'aménagement, l'attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. Ces opérations participent à la mise en œuvre du droit au logement et contribuent à la nécessaire mixité sociale des villes et des quartiers ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les offices publics d'aménagement et de construction sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 433-1 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les marchés conclus par les organismes privés d'habitation à loyer modéré sont soumis aux dispositions de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ".

6. D'autre part, des travaux de construction de logements sociaux entrepris par un office public de l'habitat constituent des travaux publics.

7. Selon la société Falandry-Chevignard Architectes, la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur l'action en responsabilité exercée par Habitat Audois à l'égard des constructeurs en cause pour l'ensemble des désordres subis par la villa n° 4 dès lors que les actions en responsabilité extra-contractuelle en lien avec l'entretien ou la protection des biens immobiliers appartenant à un établissement public industriel et commercial tel qu'Habitat Audois relèvent de la compétence exclusive du juge judiciaire et qu'une instance est pendante à ce titre devant le tribunal judiciaire de Carcassonne.

8. S'il est constant que les désordres imputables aux opérations de terrassement menées sur la propriété voisine appartenant aux consorts de Longueval, qui font au demeurant l'objet d'une instance pendante devant le juge judiciaire, n'entrent pas dans le champ de la garantie décennale dès lors que l'action en garantie décennale n'est ouverte au maître de l'ouvrage qu'à l'égard des constructeurs avec lesquels il a été lié par un contrat de louage d'ouvrage, la présente requête se borne à mettre en cause la responsabilité des seules entreprises liées à Habitat Audois par des marchés publics, conclus en vue de mener une opération de travaux publics consistant en la construction de logements à caractère social, et dont les actes d'engagement se réfèrent expressément au code des marchés publics, s'agissant des marchés de travaux, et au cahier des clauses administratives générales-prestations intellectuelles, s'agissant du marché de maîtrise d'œuvre. Par suite, la juridiction administrative est compétente pour connaître de ce litige.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

À titre principal, en ce qui concerne la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale :

9. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure.

S'agissant de la nature des désordres :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des rapports d'expertise du 8 janvier 2014 et du 13 octobre 2016, établis à la demande du tribunal de grande instance de Carcassonne et qui ont pu être contradictoirement débattus dans le cadre de la présente instance, que la villa n° 4 est affectée par deux types de désordres ayant entraîné un phénomène d'humidité ayant dégradé les murs périphériques, les cloisons, les boiseries ainsi que l'installation de chauffage. Selon ce même rapport, ces désordres sont liés, pour une part, à l'absence d'étanchéité du mur extérieur mitoyen de la villa alors que celle-ci a été implantée à une altimétrie inférieure au niveau naturel du terrain pour permettre son accessibilité aux personnes à mobilité réduite, et, pour une autre part, à l'existence d'un mouvement de terre sur la parcelle voisine appartenant aux consorts de Longueval ayant conduit, dans le cadre d'opérations de terrassement menées sous la maîtrise d'ouvrage de ces derniers à partir du 27 mars 2009, à adosser un remblai de terre de 0,20 " mètre linéaire " contre le mur de la villa et à créer une pente légère, propice au ruissellement de l'eau de pluie vers la villa.

11. Il n'est pas contesté que les désordres causés par les opérations de terrassement menées sur la propriété voisine n'entrent pas dans le champ de la garantie décennale dès lors que l'action en garantie décennale n'est ouverte, ainsi qu'il a été dit, qu'à l'égard des constructeurs avec lesquels le maître de l'ouvrage a été lié par un contrat de louage d'ouvrage et que ces désordres font l'objet d'une instance pendante devant le juge judiciaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que les désordres liés au défaut d'étanchéité du mur mitoyen de la villa à l'origine des détériorations subies sur l'ensemble du rez-de-chaussée de la villa préexistaient à ces opérations dès lors qu'ils n'ont été révélés qu'à l'occasion de ces travaux de terrassement. Ces désordres sont, s'agissant d'un immeuble à vocation d'habitation, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et à compromettre sa solidité. Il s'ensuit que les désordres liés au défaut d'étanchéité du mur enterré de la villa sont susceptibles de présenter un caractère décennal.

S'agissant du caractère apparent des désordres :

12. Il est constant, ainsi que l'a relevé le premier rapport d'expertise du 8 janvier 2014, que la villa a subi un sinistre dû à des infiltrations au rez-de-chaussée postérieurement à la signature du procès-verbal de réception des travaux avec effet au 2 octobre 2009 causées par un épisode pluvieux survenu au cours de la première quinzaine du mois d'octobre 2009, tandis qu'il résulte de l'instruction que ce sinistre, entre-temps résolu, trouvait sa source dans l'inachèvement des travaux de menuiserie.

13. En revanche, il résulte de l'instruction que les malfaçons relatives à l'étanchéité du mur mitoyen étaient visibles lors des opérations de réception, ainsi que l'a relevé l'expert, selon lequel " des traces d'humidité étaient présentes lors de la réception des travaux du 2 octobre 2009 ". De même, le procès-verbal n° 53 établi le 16 octobre 2009 mentionne que " le logement inondé au RDC doit être repris ", l'expert estimant que la présence de traces d'humidité sur le mur mitoyen, certaines cloisons et boiseries ainsi que la dégradation du ballon d'eau chaude au rez-de-chaussée sont dues au manque d'étanchéité de ce mur. De même, il résulte de l'instruction qu'au cours d'une réunion technique organisée le 13 novembre 2009 sur le chantier, soit le jour des opérations de réception, il a été constaté que le pied de façade de la villa ne comportait pas de continuité d'étanchéité entre le vide sanitaire et la façade et qu'il s'agissait d'une malfaçon, reconnue par le cabinet d'architectes Falandry-Chevignard, lequel a mis en cause les sociétés chargées du gros œuvre et des enduits extérieurs et précisé qu'une fois le pied de pignon corrigé, il avisera la maîtrise d'œuvre de la parcelle privée de l'opportunité de niveler le terrain.

14. Le procès-verbal de levée des réserves n° 56 établi le 29 janvier 2010 mentionne pour sa part, au titre du lot n° 4 relatif au gros-œuvre, l'attente d'un devis concernant la mise en place d'une étanchéité en limite de propriété ainsi que des " infiltrations d'eau constatées au rez-de-chaussée qui sembleraient passer par le VS [vide sanitaire] " et, d'autre part, au titre du lot n° 7 relatif aux enduits de façade, que les façades ont été reprises par la société CEF/A31S. Enfin, selon les constatations de l'expert dans son premier rapport du 8 janvier 2014, les attestations de levée des réserves ont été signées le 12 mai 2010 entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en charge des travaux et visées par le cabinet d'architectes " sans pour autant indiquer qu'un problème important rest[ait] à résoudre ". Dans ces conditions, le désordre tenant au défaut d'étanchéité du mur implanté en limite de propriété doit être regardé comme un vice apparent et connu du maître de l'ouvrage lors des opérations de réception. Par suite, ainsi que le soutient, pour la première fois devant la cour, la société Falandry-Chevignard Architectes, les désordres affectant le mur mitoyen de la villa doivent être regardés comme ayant eu un caractère apparent et comme étant connus du maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux, ce qui fait obstacle à l'engagement de la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale.

À titre subsidiaire, en ce qui concerne la responsabilité contractuelle des membres du groupement de maîtrise d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil :

15. Le maître d'œuvre qui s'abstient d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier.

16. Il résulte de l'instruction, éclairée par les rapports d'expertise précités, que la villa n° 4 a été construite en limite directe de la propriété voisine et qu'elle a été implantée à un niveau de 50 centimètres environ au-dessous du terrain naturel afin de la rendre accessible aux personnes à mobilité réduite. Il est constant que les consorts de Longueval, propriétaires du fonds voisin, ont entrepris d'y construire un lotissement et que, lors des travaux de terrassement qui ont débuté à la fin du mois de mars 2009, une quantité importante de terre a été déversée le long du mur mitoyen, de sorte que l'altimétrie mitoyenne à la villa a été surélevée par rapport au terrain naturel tandis que la pente de ce terrain a été légèrement modifiée, provoquant ainsi un ruissellement des eaux de pluie vers la villa n° 4, elle-même dépourvue d'étanchéité en partie basse. Il est également constant que le phénomène d'humidité observé sur le mur mitoyen de la villa a été révélé par les opérations de terrassement menées sur le fonds voisin. Toutefois, il résulte de l'instruction que les désordres étaient connus du cabinet d'architectes avant la réception des travaux dès lors qu'il en a été informé lors du mois de juillet 2009 par le géomètre-expert intervenant sur la parcelle mitoyenne et qu'ils sont imputables à la maîtrise d'œuvre, laquelle a réalisé un choix constructif inadapté lors de la conception du mur de la villa et de la rédaction du lot n° 4 afférent au gros œuvre, porté sur un mur en brique implanté en limite directe de propriété et en-dessous du niveau naturel sans prévoir ni une protection par membrane étanche et ni un drain pour permettre l'évacuation des eaux de ruissellement, ce qui a rendu ce mur enterré perméable aux infiltrations d'eau et causé des dégâts à l'intérieur de la villa, ainsi que l'a retenu l'expert.

17. Pour une autre part, les désordres sont aussi imputables aux malfaçons commises lors de la phase d'exécution des travaux par la société Cogebat, chargée du lot " gros œuvre-charpente-couverture " et la société CEF/A31S, chargée du lot " enduit de façades ", lesquelles ont, pour la première, mis en œuvre un choix constructif qu'elle savait totalement inadapté pour un mur enterré, sans signaler les défauts d'étanchéité de l'ouvrage en sa qualité de professionnelle du bâtiment avertie et, pour l'autre, apposé un enduit de façade de façon incomplète en s'arrêtant avant le plancher de l'ouvrage sans se préoccuper de la nature du mur et de la qualité de cet enduit alors qu'un tel revêtement participe de l'étanchéité du mur de la villa.

18. La maîtrise d'œuvre, dont l'une des missions consistait à assister le maître d'ouvrage lors des opérations de réception, a ainsi commis un manquement à son devoir de conseil en proposant la levée des réserves alors qu'elle avait parfaitement connaissance du défaut d'étanchéité du mur mitoyen, ainsi qu'elle l'a au demeurant expressément reconnu lors de la réunion de chantier qui s'est tenue le 13 novembre 2009, et que les travaux de reprise de ces malfaçons n'avaient toujours pas été réalisés. Par suite, en s'abstenant d'appeler l'attention d'Habitat Audois sur ces désordres lors des opérations de réception qui se sont tenues le 13 novembre 2009, la maîtrise d'œuvre, qui avait eu connaissance, a manqué à son devoir de conseil, ce qui est de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant des parts de responsabilité au sein du groupement de maîtrise d'œuvre :

19. D'une part, dès lors que le dommage est imputable à plusieurs constructeurs le juge est tenu de faire droit à une demande tendant à leur condamnation solidaire.

20. D'autre part, en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

21. Il résulte de l'instruction que la société Falandry-Chevignard Architectes et Sotra Ingénierie sont respectivement intervenues en qualité d'architecte et d'économiste au sein d'un groupement de maîtrise d'œuvre, composé par ailleurs du bureau d'études techniques voirie et réseaux divers Infra Études, du bureau d'études techniques structure Virelizier et du bureau d'études techniques fluides Laumont. Il est constant que l'acte d'engagement afférent aux missions de maîtrise d'œuvre comporte, en annexe 1, un tableau de répartition de la rémunération prévoyant une répartition des honoraires proportionnelle aux missions confiées à chacun des membres du groupement tout en précisant les titulaires de chaque élément de mission de maîtrise d'œuvre. Selon ce tableau, la société Falandry-Chevignard Architectes a participé à une mission complète de maîtrise d'œuvre incluant les éléments suivants : les études d'esquisse (ESQ), les études d'avant-projet sommaire (APS), les études d'avant-projet définitif (APD), les études de projet (PRO), l'assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT), les études d'exécution (EXE), la direction de l'exécution des contrats de travaux (DET), l'assistance lors des opérations de réception (AOR) ainsi que la mission ordonnancement, coordination et pilotage (OPC). Pour sa part, la société Sotra Ingénierie a participé aux seuls éléments de mission suivants : APS, APD, PRO et ACT et, plus particulièrement, à la rédaction du cahier des charges du lot n° 4 afférent au gros œuvre. Dès lors que les désordres sont imputables à un défaut de conseil lors des opérations de réception et que la société Sotra Ingénierie n'était pas, en sa qualité d'économiste de la construction, titulaire de cet élément de mission de maîtrise d'œuvre, seule la responsabilité de la société Falandry-Chevignard Architectes est de nature à être engagée. Par suite, la circonstance alléguée par la société Falandry-Chevignard Architectes selon laquelle elle n'est pas intervenue dans la rédaction du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 4 du marché de travaux relatif aux gros œuvre n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

22. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en s'abstenant d'appeler l'attention d'Habitat Audois sur le défaut d'étanchéité du mur mitoyen lors des opérations de réception qui se sont tenues le 13 novembre 2009, la société Falandry-Chevignard Architectes, qui avait connaissance de ces malfaçons à la date de la réception des travaux des lots gros œuvre et enduits de façade a manqué à son devoir de conseil, ce qui est de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de la faute du maître de l'ouvrage :

23. Eu égard au caractère apparent des désordres dans les conditions décrites plus haut, le maître de l'ouvrage a commis une négligence fautive en acceptant de lever les réserves sans s'assurer que les travaux de reprise de l'étanchéité du mur mitoyen avaient bien été réalisés, ce qui est de nature à exonérer partiellement la société Falandry-Chevignard Architectes de sa responsabilité. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en mettant à la charge d'Habitat Audois une part de responsabilité de 20 % dans la survenance des dommages.

S'agissant des préjudices liés au désordres :

Quant aux travaux de gros-œuvre consistant en la pose d'une protection étanche et d'un drain sur le mur extérieur mitoyen de la villa :

24. Dans son rapport du 13 octobre 2016, l'expert a préconisé la mise en place d'une protection étanche sur le mur mitoyen enterré de la villa et d'un drain permettant l'évacuation des eaux en partie basse de ce mur en validant tant les opérations réalisées par une société à la demande du maître de l'ouvrage, entre le 18 avril et le 20 mai 2016, que leur chiffrage à la somme de 14 616 euros toutes taxes comprises. Il sera, dès lors, fait une exacte appréciation du préjudice subi par Habitat Audois en condamnant la société Falandry-Chevignard Architectes à lui verser la somme de 11 692,80 euros, après application de la part de responsabilité de 20 % restant à la charge du maître de l'ouvrage.

Quant aux travaux de remise en état des parties intérieures de la villa :

25. Habitat Audois indique avoir procédé, à ses frais, à des travaux de remise en état des parties intérieures de la villa en mandatant une entreprise de peinture chargée de déposer les plaques de plâtre endommagées, de fournir et de poser un doublage, de traiter les boiseries ainsi que les murs et de repeindre les murs. Ces travaux, qui sont conformes aux opérations de remise en état préconisées et chiffrées par l'expert à 7 333,35 euros hors taxes, ont été réalisés pour un montant de 6 579 euros hors taxes, soit 7 236,90 euros toutes taxes comprises. Par suite, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Habitat Audois en condamnant la société Falandry-Chevignard Architectes à lui verser la somme de 5 789,52 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise des parties intérieures endommagées de la villa, après application du partage de responsabilité précédemment retenu.

Quant aux travaux de remise en état de l'installation de chauffage :

26. Conformément au rapport d'expertise préconisant de remettre en état l'installation de chauffage en procédant, d'une part, à la dépose et à la repose de l'installation d'un chauffe-eau solaire et à son appareillage intérieur et au contrôle solaire et, d'autre part, à la dépose et à la repose des convecteurs en rez-de-chaussée, Habitat Audois a procédé à ces différents travaux pour un montant de 2 523,40 euros toutes taxes comprises. Par suite, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Habitat Audois en condamnant la société Falandry-Chevignard Architectes à lui verser, déduction faite de la part de responsabilité du maître de l'ouvrage, la somme de 2 018,72 euros toutes taxes comprises au titre de ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice lié à la perte de loyers :

27. Habitat Audois soutient, sans être sérieusement contredit sur ce point, que sur les cinq pavillons destinés à être attribués lors de la commission d'attribution des logements réunie le 10 juin 2010, quatre ont été attribués à des locataires à l'exception de la villa en litige en raison des désordres l'affectant tandis qu'il existait seize demandes de logement social non honorées au mois de juillet 2017 pour la seule commune de Limoux, ce nombre s'élevant à 412 en y incluant les communes limitrophes. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 13 octobre 2016, que les travaux d'étanchéité du mur extérieur de la villa ont été réalisés au mois de juin 2016 par Habitat Audois tandis que les travaux de remise en état des parties intérieures et de l'installation de chauffage ont été réalisés entre les mois de février et juin 2016 ainsi que cela résulte des factures produites au dossier. Par suite, en retenant les montants produits au dossier, qui ne sont pas contestés, il sera fait une exacte appréciation de la perte de loyers subie par Habitat Audois sur la période comprise entre le 1er juillet 2010, date à laquelle la villa n° 4 aurait dû être mise en location, et le 29 juin 2016, date de prise à bail de la villa en litige, en condamnant la société Falandry-Chevignard Architectes à lui verser la somme de 28 319,26 euros, après application de la part de responsabilité du maître de l'ouvrage.

28. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'Habitat Audois est fondé à demander la condamnation de la société Falandry-Chevignard Architectes à lui verser la somme de 47 820,30 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

29. Habitat Audois a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 47 820,30 euros à compter du 31 juillet 2017, date de sa première saisine juridictionnelle tendant à l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs, et à la capitalisation de ces intérêts à compter du 31 juillet 2018, date à compter de laquelle les intérêts étaient dus depuis un an, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie :

30. D'une part, le recours entre constructeurs, non contractuellement liés, ne peut avoir qu'un fondement quasi-délictuel. Les coauteurs obligés solidairement à la réparation d'un même dommage ne sont tenus entre eux que chacun pour sa part, déterminée à proportion du degré de gravité des fautes qu'ils ont personnellement commises, caractérisées par un manquement dans les règles de leur art. Ils ne peuvent, en outre, être solidairement condamnés à garantir l'un d'eux que si leur faute personnelle a concouru à la survenance d'un dommage commun.

31. D'autre part, lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse.

32. Enfin, le juge administratif est compétent pour statuer sur la responsabilité quasi délictuelle des co-maîtres d'œuvre d'une même opération de travaux publics. Il est, par suite, compétent pour connaître des actions en garantie mutuellement formées par deux co-maîtres d'œuvre. Pour statuer sur l'action en garantie que l'architecte et le bureau d'études forment mutuellement l'un contre l'autre, il lui appartient de rechercher si au regard des stipulations du contrat de maîtrise d'œuvre conclu avec le maître d'ouvrage, une faute imputable à l'un ou à l'autre des deux maîtres d'œuvre a été commise. En l'absence de contrat de maîtrise d'œuvre définissant les tâches assignées à chacun des maîtres d'œuvre, les entreprises constituant le groupement de maîtrise d'œuvre doivent être, dans ces conditions, réputées présentes à tous les stades de la mission de maîtrise d'œuvre des travaux ce qui conduit à partager à parts égales entre ces dernières la charge de l'indemnisation du maître d'ouvrage.

33. En premier lieu, les désordres litigieux sont imputables aux choix constructifs inadaptés mis en œuvre par les sociétés Falandry-Chevignard Architectes et Sotra Ingénierie, membres du groupement de maîtrise d'œuvre chargées, pour la première, d'une mission complète, impliquant la conception de la villa, la rédaction des pièces contractuelles liées aux marchés de travaux, le suivi et la réception des travaux, et pour la seconde, de la rédaction du cahier des charges du lot dédié au gros-œuvre sans que la société Falandry-Chevignard Architectes puisse utilement invoquer la responsabilité exclusive de la société Sotra Ingénierie en raison de son implication dans l'ensemble des missions de maîtrise d'œuvre à l'origine des désordres. Dans ces circonstances, eu égard à leurs missions, les fautes respectives commises par les sociétés Falandry-Chevignard Architectes et Sotra Ingénierie doivent être regardées comme ayant concouru à parts égales à la survenance des dommages réparables commis par elles au sein du groupement de maîtrise d'œuvre et sont de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle tant au sein du groupement et qu'à l'égard des autres constructeurs.

34. En second lieu, il résulte de l'instruction que la société Cogebat a construit un mur enterré dont elle ne pouvait ignorer qu'il était inadapté aux contraintes de l'environnement extérieur de la villa et que la société CEF/A31S a posé un enduit de façade de façon incomplète sur un mur qu'elle savait enterré sans se préoccuper de l'efficacité de ce revêtement, qui contribue, pourtant, à l'étanchéité d'une façade. Ni la société Cogebat, ni la société CEF/A31S n'ont su, malgré leur qualité de professionnels avertis, identifier l'inadéquation des travaux qu'elles ont exécutés et les malfaçons en résultant.

35. Dans ces circonstances et eu égard aux missions respectives des constructeurs et au lien existant entre les manquements commis par la maîtrise d'œuvre et les travaux exécutés par les entreprises chargées du gros œuvre et des enduits de façade, les fautes commises, d'une part, par les sociétés Falandry-Chevignard Architectes et la société Sotra Ingénierie, d'autre part, par la société Cogebat, et, enfin, par la société CEF/A31S ont respectivement concouru pour 70 %, 20 % et 10 % à la survenance des dommages réparables.

36. Il s'ensuit que la société Sotra Ingénierie, représentée par son liquidateur Me Camman, doit être condamnée à garantir la société Falandry-Chevignard Architectes de la condamnation mise à sa charge à hauteur de 35 %. De même, la société Cogebat, représentée par son liquidateur Me Frontil, et la société CEF/A31S, représentée par son liquidateur la SARL Benoît, doivent être condamnées à garantir la société Falandry-Chevignard Architectes respectivement à hauteur de 20 % et 10 % de la condamnation mise à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

37. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par Habitat Audois et par la société Falandry-Chevignard Architectes à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Habitat Audois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Falandry-Chevignard Architectes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées en première instance sur ce même fondement par la société Falandry-Chevignard Architectes à l'égard des sociétés Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S, représentées par leur liquidateur.

39. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Falandry-Chevignard Architectes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Habitat Audois et non compris dans les dépens, et de mettre à la charge, sur le même fondement, des sociétés Sotra Ingénierie, représentée par son liquidateur Me Camman, Cogebat, représentée par son liquidateur Me Frontil, et CEF/A31S, représentée par son liquidateur la SARL Benoît, une somme de 400 euros chacune.

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n° 1703699 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La société Falandry-Chevignard Architectes est condamnée à verser à Habitat Audois la somme de 47 820,30 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017. Les intérêts échus au 31 juillet 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les sociétés Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S sont condamnées à relever et garantir la société Falandry-Chevignard Architectes, respectivement à hauteur de 35 %, 20 % et 10 % de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : La société Falandry-Chevignard Architectes versera la somme de 1 500 euros à Habitat audois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les sociétés Sotra Ingénierie, Cogebat et CEF/A31S verseront chacune la somme de 400 euros à Habitat Audois au même titre.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat de l'Aude Habitat Audois, à la société Falandry-Chevignard Architectes, à Me René Claude Camman, liquidateur de la société Sotra Ingénierie, à Me Frontil, liquidateur de la société Cogebat et à la société à responsabilité limitée Benoît, liquidateur de la société CEF/A31S.

Copie en sera adressée, pour information, au tribunal judiciaire de Carcassonne.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023.

La rapporteure,

N. El B...Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20TL02722


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