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06/12/2022 | FRANCE | N°20TL20581

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 06 décembre 2022, 20TL20581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les trois arrêtés en date du 10 février 2017 par lesquels le ministre de la transition énergétique et solidaire a procédé à la reconstitution de sa carrière, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux née le 20 juin 2017.

Par un jugement n° 1703882 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février

2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les trois arrêtés en date du 10 février 2017 par lesquels le ministre de la transition énergétique et solidaire a procédé à la reconstitution de sa carrière, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux née le 20 juin 2017.

Par un jugement n° 1703882 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 juillet 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Rota, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 décembre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 10 février 2017 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 20 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de le nommer au 8ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État à compter du 7 avril 2017 et d'en tirer toutes les conséquences en matière de carrière et de retraite, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à verser à son profit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les arrêtés du 10 février 2017 en tant qu'ils lui refusent l'utilisation régulière du bénéfice de réductions d'ancienneté acquises pour les années 2009, 2011 et 2012, autrement dit d'un avantage qui constitue un droit dans le cadre d'un avancement, étaient soumis à l'obligation de motivation de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; les arrêtés ne lui ont pas permis de comprendre les motifs de droit et de fait qui les fondent ;

- la réduction d'ancienneté acquise au titre de l'année 2009 n'avait pas à la date du 1er novembre 2010 un caractère exécutoire faute de lui avoir été rendue opposable par le biais d'une notification régulière ; cette preuve de la notification, qui incombe à l'administration, n'a jamais été apportée ;

- ces arrêtés méconnaissent l'article 11 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 dès lors qu'eu égard au mécanisme de conservation qu'il prévoit, la réduction d'ancienneté acquise au titre de l'année 2009 devait être prise en compte dans son intégralité lors de son passage au 7ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État ; l'intégralité de la réduction d'ancienneté qui lui a été octroyée pour l'année 2009 n'a pas été correctement utilisée puisqu'elle a été décomptée postérieurement à son avancement au grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- le requérant ne distingue pas l'existence d'une décision administrative, qui existe dès sa signature, et ses modalités de publicité, qui permettent aux administrés d'en prendre connaissance et de la contester le cas échéant ;

- les arrêtés attaqués n'étaient pas soumis à l'obligation de motivation prévue par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les arrêtés litigieux constituent des décisions de régularisation rétroactive ; la réduction d'ancienneté obtenue par M. B... au titre de l'année 2009 aurait dû être utilisée lors de son passage au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État prévu par l'arrêté du 23 mars 2011 ; afin de corriger cette erreur consécutive au défaut de notification de cette réduction d'ancienneté lors de l'édiction de l'arrêté du mars 2011, l'arrêté n° 17DG10076400004 du 10 février 2017 a rapporté l'arrêté du 23 mars 2011 et, par voie de conséquence, les arrêtés n° 11014581 du 23 mars 2011 et n° 15007623 du 3 mars 2015.

Par une ordonnance du 8 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 juin 2000, M. B... a été promu dans le corps des ingénieurs des travaux publics de l'État. Par un premier arrêté du 23 mars 2011, M. B... a été classé au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État à compter du 1er décembre 2010 et, par un second arrêté de même date, il a été promu dans le grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État et classé au 6ème échelon de ce grade à compter du 8 mars 2011. Le 22 février 2013, un courriel l'informait de l'attribution d'une réduction d'ancienneté pour l'année 2009. Par un arrêté collectif du 3 mars 2015, M. B... a été classé au 7ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État à compter du 13 mars 2014. Par trois arrêtés du 10 février 2017, l'administration a rapporté les arrêtés du 23 mars 2011 et du 3 mars 2015 et a procédé à la reconstitution de la carrière de M. B... en le classant, après avoir pris en compte sa réduction d'ancienneté pour 2009, au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État dès le 1er novembre 2010 au lieu du 1er décembre 2010. Il a formé, le 20 avril 2017, un recours gracieux à l'encontre de ces arrêtés. M. B... relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de ces trois arrêtés et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 20 juin 2017.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 7 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État, alors en vigueur : " Au vu de leur valeur professionnelle appréciée dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent décret, il peut être attribué aux fonctionnaires, dans chaque corps, des réductions ou des majorations d'ancienneté par rapport à l'ancienneté moyenne exigée par le statut du corps pour accéder d'un échelon à l'échelon supérieur, selon les modalités définies aux articles suivants. (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce décret : " Les réductions d'ancienneté sont attribuées sur décision du chef de service qui les module compte tenu des propositions formulées par les supérieurs hiérarchiques directs des agents. Des arrêtés des ministres intéressés ou des décisions des autorités investies du pouvoir de gestion des corps concernés déterminent également, après avis du comité technique paritaire compétent, les modalités de répartition des réductions d'ancienneté. Ils fixent la liste des chefs de service auxquels les contingents de réductions sont attribués, désignés à un niveau permettant d'établir, compte tenu des effectifs, une comparaison de la valeur professionnelle des agents de chaque corps concerné ".

4. Si l'attribution d'une bonification d'ancienneté représente un avantage financier pour l'agent, puisqu'elle a une incidence sur sa rémunération, elle ne constitue cependant pas un droit pour cet agent dès lors que les réductions d'ancienneté sont contingentées par service.

5. Il ressort des termes mêmes des arrêtés en litige, et en particulier de l'arrêté n° 17DG1007640004, qu'a été prise en compte, pour le classement de M. B... au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État, la réduction d'ancienneté d'un mois acquise au titre de l'année 2009. Cette décision de classement ne lui refuse donc pas le bénéfice de cette bonification d'ancienneté. Si M. B... soutient que les arrêtés en litige ne lui font pas bénéficier de cette réduction d'ancienneté à la date adéquate, ces décisions de classement ne lui refusent cependant pas un avantage dont l'attribution constituerait un droit pour les personnes qui en remplissent les conditions. Dès lors, les arrêtés attaqués, qui n'entrent pas dans le champ du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, n'étaient pas soumis à l'obligation de motivation prévue par ce texte.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 7 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État, alors en vigueur : " (...) L'attribution ou non de réductions d'ancienneté est notifiée à l'agent. De la même manière, il lui est notifié l'application de majorations d'ancienneté ". Aux termes de l'article 11 de ce décret, alors en vigueur : " Pour chaque avancement d'échelon, la réduction ou la majoration totale applicable à un fonctionnaire résulte des réductions ou majorations partielles n'ayant pas encore donné lieu à avancement. Les fonctionnaires ne conservent, en cas d'avancement de grade, le bénéfice des réductions non prises en compte pour un avancement d'échelon que dans la limite de la réduction maximale susceptible d'être accordée dans l'échelon de reclassement du nouveau grade ".

7. Il résulte de cet article qu'à chaque avancement d'échelon de l'agent, sont prises en compte pour le classement de cet agent les réductions ou majorations partielles qui n'ont pas encore donné lieu à avancement. En cas d'avancement de grade de l'agent, cet agent conserve dans une certaine limite le bénéfice des réductions non prises en compte pour un avancement d'échelon.

8. D'autre part, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à la règle générale prévoyant que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer pour l'avenir, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.

9. Si l'administration a adopté, le 10 février 2017, les trois arrêtés litigieux qui rapportent les arrêtés du 23 mars 2011 et du 3 mars 2015 et reconstituent la carrière de l'appelant en le classant, après avoir pris en compte sa réduction d'ancienneté pour 2009, au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État dès le 1er novembre 2010 au lieu du 1er décembre 2010, M. B... soutient toutefois que le classement auquel elle a procédé méconnaît les dispositions de l'article 11 du décret du 28 juillet 2010 dès lors qu'au 1er novembre 2010, la décision d'attribution d'une réduction d'ancienneté pour 2009 ne lui était pas opposable faute de lui avoir été régulièrement notifiée.

10. Il est constant que M. B... a été informé par un courriel du 22 février 2013 qu'une réduction d'ancienneté d'un mois lui était attribuée au titre de l'année 2009. Ce courriel révèle ainsi l'existence d'une décision d'attribution d'une bonification d'ancienneté pour 2009, intervenue au plus tard le 22 février 2013. Dès lors que l'article 7 du décret du 28 juillet 2010 n'impose aucune forme particulière de notification, cette décision d'attribution d'une bonification d'ancienneté pour 2009 doit être regardée comme opposable à M. B... et être entrée en vigueur à la date du 22 février 2013. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'à la date des arrêtés litigieux, la décision du 22 février 2013 ne lui était pas opposable.

11. En troisième lieu, M. B... soutient que les arrêtés litigieux méconnaissent également l'article 11 du décret du 28 juillet 2010 dès lors que la réduction d'ancienneté acquise pour 2009 n'a pas été régulièrement appliquée par l'administration et qu'elle aurait dû être prise en compte lors de son passage au 7ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État.

12. Il est constant que les deux arrêtés du 23 mars 2011 qui, pour le premier d'entre eux, a classé M. B... au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État à compter du 1er décembre 2010 et, pour le second, l'a promu dans le grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État et classé au 6ème échelon de ce grade à compter du 8 mars 2011, n'ont pas pris en compte la bonification d'ancienneté pour 2009 attribuée postérieurement à leur édiction. L'arrêté collectif du 3 mars 2015 qui a classé M. B... au 7ème échelon du grade d'ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'Etat à compter du 13 mars 2014, ne l'a pas davantage intégrée dans le déroulement de carrière de M. B....

13. Afin de régulariser la situation de M. B..., l'administration était en droit de reconstituer rétroactivement sa carrière et de prendre en compte, pour son avancement au 11ème échelon du grade d'ingénieur des travaux publics de l'État, la décision révélant au plus tard le 22 février 2013 l'attribution d'une réduction d'ancienneté d'un mois pour l'année 2009. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 11 du décret du 28 juillet 2010 ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 10 février 2017 et du rejet de son recours gracieux. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL20581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL20581
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Changement de cadres, reclassements, intégrations. - Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BAUDUCCO-ROTA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-06;20tl20581 ?
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