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01/12/2022 | FRANCE | N°20TL04669

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 01 décembre 2022, 20TL04669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1801275 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020 sous le n° 20MA04669 au greffe de la

cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04669 au greffe de la cour admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1801275 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020 sous le n° 20MA04669 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL04669 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. C..., représenté par Me Turrin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, ainsi que la restitution avec intérêts moratoires des sommes versées à ce titre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification, qui ne contient pas la désignation précise de l'année d'imposition, est entachée d'un défaut de motivation ;

- les indemnités kilométriques comptabilisées par la société LPC Sécurité Privée sont justifiées par son activité et sa qualité de gérant ;

- l'imposition de la plus-value latente de cession de droits sociaux n'était pas exigible en 2014, mais en 2015 ;

- il a été opéré une confusion entre la valeur du fonds de commerce et le montant de la plus-value ;

- à titre subsidiaire, il est fondé à se prévaloir des articles 150-OA et 150-OE du code général des impôts tenant compte de la moins-value subie et les pertes connues au moment de la liquidation ne justifient pas l'imposition mise en recouvrement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 1 757 euros effectué le 14 janvier 2021 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- le litige n'a plus d'objet à hauteur du montant du dégrèvement prononcé le 14 janvier 2021 ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. C....

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en l'absence de litige né et actuel avec le comptable public.

Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... fait appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande, introduite avec son épouse, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, en ce qu'elles procèdent, d'une part, de l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes regardées comme distribuées par la société LPC Sécurité Privée, d'autre part, de l'extinction du report d'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport, à cette société, de son fonds de commerce.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 14 janvier 2021, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques du Gard a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de la somme totale de 1 757 euros, des contributions sociales auxquelles M. et Mme C... avaient été assujettis au titre de l'année 2014. Les conclusions de la requête relatives à ces contributions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne le surplus des conclusions en décharge :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

4. La proposition de rectification que le service a adressée le 31 mars 2016 à M. et Mme C... comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant aux contribuables de présenter utilement leurs observations. Si elle faisait référence, en page 3, à l'année 2012, cette mention isolée doit être regardée, compte tenu de la référence convergente à l'année 2014 dans l'ensemble du document, comme une simple erreur de plume qui ne pouvait induire en erreur les contribuables et qui est sans incidence sur la régularité de la motivation de la proposition de rectification.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ". L'article 109 du même code dispose que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

6. A l'issue de la vérification de la comptabilité de la société LPC Sécurité Privée, l'administration a réintégré dans les résultats de son exercice clos en 2014 le montant des frais de déplacement qui, engagés en faveur de ses associés et gérants, M. et Mme C..., n'ont pas été regardés comme ayant été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise. Ils ont été considérés, en application des 1° et 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, comme des revenus distribués, imposables entre les mains de M. et Mme C.... En se bornant à soutenir que ces frais ont été engagés dans le cadre de l'exécution de marchés dans les départements du Gard, de l'Hérault, de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône et de trajets quotidiens entre le siège de l'entreprise, situé à Saint-Julien-de-Peyrolas (Gard), et un établissement secondaire, situé à Bollène (Vaucluse) et à se référer à des relevés kilométriques, M. C..., qui n'a d'ailleurs jamais établi l'existence d'une activité sur le site de Bollène, non déclaré à l'administration, n'apporte pas d'éléments suffisants pour justifier de la réalité de ces déplacements, dans l'intérêt direct de la société LPC Sécurité Privée. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les frais de déplacement ne correspondent pas à des frais engagés dans l'intérêt de cette société. C'est, par suite, à bon droit que les avantages correspondants ont été regardés comme constituant des distributions au sens des 1° et 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposables entre les mains de M. et Mme C....

7. En second lieu, aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure (...) ". La dissolution de la société, qui emporte le transfert des biens lui appartenant dans le patrimoine privé de ses associés, produit les mêmes effets qu'une cession à titre onéreux des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport à la société.

8. Aux termes de l'article 1844-8 du code civil : " La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication. (...) Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement ". L'article L. 237-2 du code de commerce dispose que : " La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit (...) ".

9. A l'occasion de la création, le 1er janvier 2012, de la société LPC Sécurité privée, M. C... a apporté son fonds de commerce, précédemment exploité dans le cadre de son activité individuelle de sécurité privée. Il a bénéficié, au titre de l'année 2012, du report d'imposition des plus-values d'apport prévu par les dispositions précitées de l'article 151 octies du code général des impôts. La société LPC Sécurité Privée, qui a cessé son activité le 30 juin 2014 et qui a déclaré la clôture de ses opérations de liquidation le 30 septembre 2014, doit être regardée comme ayant été dissoute au cours de l'année 2014, alors même qu'elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 22 septembre 2015, avec publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du 8 octobre 2015. Cette dissolution, qui a présenté, au sens du I de l'article 151 octies du code général des impôts, le caractère d'une cession à titre onéreux des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport à la société, a mis fin, en 2014, au report d'imposition des plus-values d'apport, conformément aux dispositions de cet article. Il en résulte que l'imposition de la plus-value constatée lors de l'apport et reportée au moment de cette dissolution a pu légalement être établie au titre de l'année 2014.

10. L'administration a pu à bon droit fixer le montant de la plus-value d'apport du fonds de commerce de M. C... à 78 000 euros, correspondant à la valeur pour laquelle ce fonds a été porté au bilan de cessation de son activité individuelle et alors que le requérant n'apporte aucun élément susceptible d'établir la matérialité et le montant de sommes susceptibles de venir en déduction.

11. Le moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré de ce que les contribuables seraient " fondés à se prévaloir des articles 150-0 A et 150-0 E du code général des impôts tenant compte de la moins-value subie " et de ce que " les pertes connues au moment de la liquidation ne justifient pas l'imposition mise en recouvrement ", n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande en décharge.

En ce qui concerne la demande tendant à l'octroi d'intérêts moratoires :

13. Faute de litige né et actuel avec le comptable public responsable du remboursement des contributions sociales et pénalités qui ont fait l'objet du dégrèvement prononcé le 14 janvier 2021, les conclusions de M. C... tendant à ce que soit ordonnée la restitution des sommes versées au Trésor, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sont irrecevables.

14. Le rejet du surplus des conclusions en décharge présentées par M. C... entraîne celui de ses conclusions tendant à l'application d'intérêts moratoires sur les sommes déjà perçues au titre des impositions qui n'ont pas fait l'objet du dégrèvement prononcé le 14 janvier 2021.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... à concurrence du dégrèvement de 1 757 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL04669 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL04669
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Évaluation de l'actif. - Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : TURRIN MARION

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-01;20tl04669 ?
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