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01/12/2022 | FRANCE | N°20TL01276

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 01 décembre 2022, 20TL01276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mama Pina a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1800286 du 21 février 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des majorations pour manquement

délibéré, pour un montant de 12 021 euros, accordé en cours d'instance par le directeur dépa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mama Pina a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1800286 du 21 février 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des majorations pour manquement délibéré, pour un montant de 12 021 euros, accordé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques du Gard, déchargé, en droits et pénalités, la société Mama Pina des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020 sous le n° 20MA01276 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL01276 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a déchargé, en droits et pénalités, la société Mama Pina des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ;

2°) de rétablir, en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige dont la décharge a été accordée à tort par les premiers juges.

Il soutient que :

- le moyen retenu par le tribunal n'avait pas été expressément soulevé par la société Mama Pina ;

- le courrier du 21 avril 2016, par lequel le vérificateur indiquait envisager un traitement informatique, contenait l'ensemble des informations prévues par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

Par ordonnance du 18 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 18 novembre 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Mama Pina a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, à l'issue de la vérification de comptabilité de ses activités de restauration et de gestion et location d'emplacements de camping et de mobiles-homes, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel du jugement du 21 février 2020, en tant que le tribunal a fait droit à l'ensemble des conclusions présentées par la société Mama Pina, à l'exception des majorations pour manquement délibéré qui ont fait l'objet d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance par le directeur départemental des finances publiques du Gard.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a adressé le 21 avril 2016 à la société Mama Pina, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, un courrier par lequel il l'informait de son souhait de réaliser sur cette comptabilité des traitements informatiques " dans le cadre du contrôle sur place de votre comptabilité engagé depuis le 17 mars 2016 ". Ce courrier indiquait que ces traitements viseraient : " - à s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des commandes, des ventes et règlements enregistrés ; - à contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ; - à suivre des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits ; - à contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; - ainsi que tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données issues de votre logiciel d'encaissement Easy Livraison requises pour ces différentes analyses ". Il ressort de ses termes mêmes que ce courrier identifiait les données sur lesquelles le vérificateur envisageait de conduire ses investigations ainsi que l'objet de celles-ci. La référence à la vérification de comptabilité engagée depuis le 17 mars 2016, qui portait sur les années 2013 à 2015, ainsi que le précisait l'avis de vérification adressé le 7 mars 2016 à la contribuable, permettait, en outre, à cette dernière de connaître la période au titre de laquelle le vérificateur entendait faire porter ses recherches. Par suite, les informations contenues dans ce document apportaient à la société vérifiée une connaissance suffisante de la nature des investigations envisagées par le vérificateur, dont les résultats ont fondé les rectifications contestées, et lui permettaient d'effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif et devant la cour.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : 1° Pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) III.- (...) En cas de mise en œuvre du II de l'article L. 47 A, la limitation à trois mois de la durée de la vérification sur place est prorogée de la durée comprise entre la date du choix du contribuable pour l'une des options prévues à cet article pour la réalisation du traitement et, respectivement selon l'option choisie, soit celle de la mise à disposition du matériel et des fichiers nécessaires par l'entreprise, soit celle de la remise des résultats des traitements réalisés par l'entreprise à l'administration, soit celle de la remise des copies de fichiers nécessaires à la réalisation des traitements par l'administration. Cette dernière date fait l'objet d'une consignation par écrit ".

8. D'une part, le vérificateur a constaté, lors des opérations de contrôle sur place, plusieurs anomalies affectant la comptabilité présentée par la société Mama Pina, constituées par des discordances entre les chiffres d'affaires issus des traitements informatiques et ceux qui ont été déclarés au titre des exercices clos en 2013 et 2014, par une absence de présentation des inventaires des stocks pour chacun des exercices vérifiés et par des marges très faibles concernant les ventes de liquides et boissons, dont le manque de réalisme a été confirmé par une reconstitution des achats potentiellement revendus qui a révélé des discordances importantes avec les achats comptabilisés. L'ensemble de ces éléments, dont la preuve est apportée par l'administration, caractérise l'existence de graves irrégularités privant la comptabilité de la société Mama Pina, alors même qu'elle était tenue par un expert-comptable et que l'administration a utilisé des fichiers de données comptables pour effectuer des traitements informatiques, de valeur probante au sens du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que les opérations de vérification de comptabilité de la société Mama Pina ont effectivement débuté le 17 mars 2016, date de la première intervention sur place du vérificateur, et que celles-ci se sont terminées le 13 septembre 2016. Par courrier du 12 juillet 2016, le service a informé la société que la vérification était étendue sur une durée maximale de six mois en application du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, au motif que sa comptabilité était entachée de graves irrégularités. La circonstance que ce courrier a été adressé postérieurement à l'expiration de la durée initiale de trois mois prévu au I du même article est sans incidence sur la régularité de l'extension de cette durée, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne contraint l'administration à délivrer une telle information avant cette expiration. En tout état de cause, le courrier du 12 juillet 2016 a été transmis avant le terme de la durée légale alors applicable, dès lors que la limitation à trois mois de la durée de la vérification sur place avait été prorogée, en application du III de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, de 52 jours, correspondant à la durée comprise entre le 21 avril 2016, date du choix de la contribuable pour l'option prévue au c du II de l'article L. 47 A du même livre, ainsi que l'établit l'attestation versée au dossier par la contribuable, et le 13 juin 2016, date de la remise des copies de fichiers nécessaires à la réalisation des traitements par l'administration, attestée par deux accusés de réception établis par le vérificateur les 13 et 16 juin 2016. Dans ces conditions, la vérification de comptabilité dont la société Mama Pina a fait l'objet pouvait s'étendre sur une durée maximale de six mois, en application des dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.

10. Enfin, la tenue de deux entretiens, effectués le 22 décembre 2016 et le 26 janvier 2017 dans les locaux de l'administration, postérieurement à la notification de la proposition de rectification et dans le cadre d'un recours hiérarchique déposé par la contribuable, n'est pas de nature, alors même que des documents ont été remis à ces occasions, à avoir prolongé les opérations de contrôle sur place. Il s'ensuit que la société Mama Pina, dont la vérification de comptabilité n'a pas excédé la durée de six mois fixée par le 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, qui expirait le 16 septembre 2016, n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de cet article, qui constituent une garantie pour les contribuables.

11. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ne contraint l'administration, lorsqu'elle informe le contribuable d'une prorogation de la durée de vérification, à justifier à cette occasion des graves irrégularités privant la comptabilité de valeur probante. Par suite et alors d'ailleurs que les motifs du rejet de la comptabilité étaient explicités dans la proposition de rectification du 8 novembre 2016, le moyen tiré de ce que l'insuffisante motivation du courrier du 12 juillet 2016 aurait privé la société Mama Pina de débat oral et contradictoire doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. Il résulte également de ces dispositions, ainsi que des termes mêmes de celles de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales que, lorsqu'une société vérifiée choisit, en vertu du c du II de ce dernier article, de mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, l'administration est tenue de préciser, dans sa proposition de rectification, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements, mais n'a l'obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu'elle a utilisés ou envisage de mettre en œuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l'ensemble des traitements qu'elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci.

13. D'une part, les propositions de rectification que le service a adressées les 8 et 24 novembre 2016 à la société Mama Pina comportaient les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, permettant à la contribuable de présenter utilement ses observations. Elles comprenaient, en particulier, les explications détaillées des raisons pour lesquelles la comptabilité de la société avait été écartée, justifiant ainsi la nécessité de procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires, et les motifs de fait sur lesquels le vérificateur se fondait pour justifier le rehaussement proposé au titre du passif de taxe sur la valeur ajoutée, tirés de ce que le rapprochement entre les déclarations souscrites et la comptabilité faisait ressortir un montant de taxe à régulariser au titre des loyers, à hauteur de 22 814 euros.

14. D'autre part, la proposition de rectification que le service a adressée le 8 novembre 2016 à la société Mama Pina, dont le représentant légal avait mis à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, en vertu du c du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, précisait la nature des traitements opérés sur les fichiers remis à l'administration, qui ont consisté à vérifier la cohérence et l'exhaustivité des commandes, ventes et règlements enregistrés, à contrôler les taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux articles vendus, à suivre les flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits et à examiner les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisse. La proposition de rectification mentionnait également l'utilisation des données fournies sur le logiciel d'encaissement utilisé par l'entreprise, ainsi que les résultats obtenus par le service dans le cadre de ces traitements, portant sur le chiffre d'affaires toutes taxes comprises enregistré dans le logiciel, la quantité vendue par article, le chiffre d'affaires toutes taxes comprises par article et le détail de l'ensemble des articles proposés à la vente. Les résultats de ces simples extractions d'informations étaient ensuite explicités et pris en compte pour reconstituer les recettes des produits solides et liquides, à partir des discordances relevées avec le chiffre d'affaires déclaré. Il en résulte que la proposition de rectification, alors même qu'elle ne comprenait en annexe ni le courrier du vérificateur du 21 avril 2016, ni le document matérialisant le choix de la contribuable pour l'option prévue au c du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, ni les accusés de réception visés au point 9 ci-dessus, précisait la nature des traitements effectués au sens des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et permettait à la société contribuable de présenter utilement ses observations. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des propositions de rectification des 8 et 24 novembre 2016, qui aurait privé la contribuable de débat oral et contradictoire, manquent en fait et doivent être écartés.

15. En quatrième lieu, sont opposables à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt. Par suite, la société Mama Pina ne peut utilement invoquer, sur le fondement de ces dispositions, la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 et BOI-CF-IOR-60-40-30, dès lors les indications qu'elle contient concernent la procédure d'imposition.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

16. Eu égard à l'ensemble des graves irrégularités relevées au point 8, c'est à bon droit que le vérificateur a écarté la comptabilité de la société Mama Pina comme non probante et a reconstitué son chiffre d'affaires. La contribuable n'est, à ce titre, n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-50 n° 640, qui ne peut être regardée comme comportant une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application.

17. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées (...) c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; d. Les dépenses et charges de toute nature afférentes aux immeubles qui ne sont pas affectés à l'exploitation (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il incombe toujours au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

18. L'administration a réintégré dans les résultats des exercices clos en 2013 et 2015 de la société Mama Pina les frais d'entretien du chauffe-eau de l'appartement mis à disposition de son dirigeant. La contribuable n'apporte aucun élément permettant de considérer que ces frais auraient été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise. Elle n'apporte pas davantage la preuve, qui lui incombe, que les sommes en cause, comptabilisées en charge, aient un lien quelconque avec l'activité de ce dirigeant au sein de l'entreprise et qu'elles devraient ainsi être regardées comme des compléments de rémunérations. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction des frais correspondants pour la détermination du bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés.

19. La société Mama Pina n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-IS-BASE-30-20-10 du 12 septembre 2012, paragraphe n° 80, qui précise que certains avantages en nature et les avantages en espèces constituent un élément de la rémunération du dirigeant et sont à comprendre parmi les charges déductibles " dans la mesure où ils satisfont aux conditions générales de déduction " et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité du jugement, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge des rappels, suppléments d'impositions et pénalités restant en litige et à demander à ce qu'ils soient remis à la charge de la société Mama Pina.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800286 du tribunal administratif de Nîmes du 21 février 2020 est annulé en tant qu'il a déchargé, en droits et pénalités, la société Mama Pina des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

Article 2 : Les conclusions en décharge présentées par la société Mama Pina devant le tribunal administratif de Nîmes restant en litige sont rejetées.

Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, dont les premiers juges ont prononcé la décharge, sont remis à la charge de la société Mama Pina.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Mama Pina.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL01276 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01276
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité. - Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : TURRIN MARION

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-01;20tl01276 ?
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