Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2018 par lequel le maire de Pertuis a accordé un permis de construire à la société CDPL pour un projet tendant à " la rénovation et l'extension d'un dépôt d'hydrocarbure et de distribution de carburants ".
Par un jugement n° 1900445 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, annulé ce permis de construire, d'autre part, mis à la charge de la société CDPL et de la commune de Pertuis une somme de 800 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté les conclusions présentées par la société et la commune à ce même titre.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 16 septembre 2020 sous le n° 20MA03577 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03577 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 17 novembre 2021, la société CDPL, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900445 susvisé ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... et M. C... devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... et M. C... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré la demande recevable alors que Mme A... et M. C... ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre l'arrêté en litige ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le projet méconnaît l'article 6 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant de l'Eze ;
- le moyen tiré de l'absence de notice relative à la gestion des eaux pluviales dans le dossier de demande de permis de construire est inopérant ;
- les autres moyens invoqués par les demandeurs ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2021, Mme A... et M. C..., représentés par Me Poncelet, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société CDPL une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 16 juin 2022 en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2020 sous le n° 20MA03580 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03580 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 17 décembre 2021, la commune de Pertuis, représentée par Me Xoual, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900445 susvisé ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par Mme A... et M. C... devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) à titre subsidiaire, de faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de Mme A... et M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le projet méconnaît l'article 6 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant de l'Eze ;
- les autres moyens invoqués par les demandeurs ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2021, Mme A... et M. C..., représentés par Me Poncelet, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Pertuis une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 16 juin 2022 en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Becquevort, représentant la société CDPL, de Me Molland, substituant Me Xoual, représentant la commune de Pertuis, et de Me Poncelet, représentant les intimés.
Considérant ce qui suit :
1. La société CDPL exploite un supermarché sous l'enseigne " Hyper U " sur le territoire de la commune de Pertuis (Vaucluse) et a déposé, le 11 mai 2018, auprès du service instructeur de cette commune, une demande de permis de construire présentée comme visant à " la rénovation et l'extension d'un dépôt d'hydrocarbure et distribution de carburants ", sur les huit parcelles cadastrées ..., situées en bordure du boulevard Jean Guigues. Par un arrêté du 26 juillet 2018, le maire de Pertuis a délivré à cette société le permis de construire ainsi sollicité. Mme A... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette autorisation d'urbanisme. Par un jugement n° 1900445 du 10 juillet 2020, ledit tribunal administratif a annulé l'arrêté en litige et a mis à la charge de la société CDPL et de la commune de Pertuis une somme de 800 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par leurs requêtes respectives n° 20TL03577 et n° 20TL03580, la société CDPL et la commune de Pertuis font appel de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 20TL03577 et n° 20TL03580 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu pour la cour de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de ce dernier. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que le projet de la société CDPL consiste à implanter une station service comportant dix pistes pour véhicules légers et deux pistes pour poids lourds, sur une unité foncière d'une superficie de 4 372,61 m2 supportant actuellement, sur sa partie est, deux maisons d'habitation avec garage et jardin et, sur sa partie ouest, un terrain utilisé pour le stationnement de véhicules de location et équipé d'une installation à usage de dépôt de fioul domestique. Mme A... et M. C... possèdent une maison d'habitation dans laquelle ils résident au ... du boulevard Jean Guigues, sur la parcelle cadastrée ..., située en face de l'extrémité est du terrain d'assiette du projet, dont elle n'est séparée que par un chemin et où est prévue l'une des sorties de la station service. Si la partie ouest de l'unité foncière enregistre déjà actuellement des mouvements de véhicules, les nouvelles pistes de distribution de carburant doivent être implantées en partie centrale du terrain à moins de 70 mètres de la propriété des demandeurs et ont vocation à être utilisées 24 heures sur 24 par un public plus important. Eu égard à la proximité des installations projetées, à l'importance de l'activité attendue, aux nuisances susceptibles d'en résulter en termes visuels et sonores et aux risques potentiels liés à la pollution et à l'imperméabilisation des sols dans une zone par ailleurs inondable, le projet de la société CDPL est de nature à affecter de manière directe les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de la propriété de Mme A... et M. C.... C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que les intéressés justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 26 juillet 2018.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
5. Le titre 2 du règlement du plan de prévention des risques naturels d'inondation du bassin versant de l'Eze et de ses affluents, qui couvre le territoire de la commune de Pertuis, définit comme suit les principes applicables dans la zone rouge dans laquelle se situent les parcelles formant le terrain d'assiette du projet : " La zone rouge du PPRI de l'Eze est constituée principalement par le lit moyen de l'Eze et de ses affluents et par les axes d'écoulement préférentiels de ruissellement. C'est une zone où les vitesses et les hauteurs d'eau peuvent être élevées. Les risques y sont très importants. Le principe du PPRI est d'y interdire toutes constructions nouvelles et d'y limiter les aménagements. ". L'article 6 de ce même règlement dispose que : " Sont interdits en zone rouge : / Tous les travaux, aménagements, constructions ou installations diverses qui ne sont pas expressément autorisés par le présent titre et notamment la création ou l'aménagement de sous-sols, la création ou l'extension de camping ou d'aire de caravaning. D'autre part, les remblaiements sont interdits sauf s'ils sont directement liés à des travaux autorisés. / Peuvent être autorisés en zone rouge sous conditions : / ' l'aménagement et la surélévation des constructions à usage de logement existant à condition qu'il n'y ait pas de création de nouveau logement, / ' l'aménagement et la surélévation des constructions à usage d'hébergement existant, à condition qu'il n'y ait pas d'augmentation de la capacité d'hébergement, / ' l'aménagement et la surélévation des constructions de nature à provoquer un rassemblement de personnes (par exemple : commerce ou artisanat, entrepôts commerciaux, locaux industriels, bureaux...), à condition que cela n'ait pas pour effet d'augmenter le nombre de personnes rassemblées. / Et aux autres conditions suivantes : / ' qu'il n'y ait pas d'augmentation de l'emprise au sol, ni changement de destination, sauf si ce changement tend à réduire le nombre de personnes rassemblées, / (...) / ' que soit créée, lors de l'aménagement ou la surélévation de constructions de nature à provoquer un rassemblement de personnes (...) une desserte par 2 voies dont une devra permettre le croisement de véhicules de secours. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, hormis les deux habitations situées en partie est de l'unité foncière et un bâtiment en ruine implanté sur sa limite nord, lesquels ont vocation à être démolis pour la réalisation du projet, le terrain d'assiette de l'opération litigieuse ne supporte qu'une dalle de taille mesurée masquant trois cuves enterrées sur sa partie ouest et, pour seuls éléments dépassant du sol à ce même endroit, trois bras de chargement d'hydrocarbures utilisés par la société CDPL pour le remplissage de camions-citernes en vue de la livraison de fioul domestique. Le reste de la partie ouest de l'unité foncière se présente comme une vaste superficie de terre battue servant au stationnement des véhicules de location exploités par ladite société. Le dossier de demande de permis de construire révèle que, si le projet prévoit le maintien de la piste pour poids lourds existante à l'extrémité ouest du terrain avec les trois cuves enterrées et les trois bras de chargement, il a principalement pour objet de créer, sur des parcelles représentant une superficie totale de près de 5 000 m², une station de distribution de carburant ouverte au public proposant dix pistes pour véhicules légers abritées par un auvent métallique d'une emprise au sol de 245 m², une piste supplémentaire pour poids lourds ainsi qu'une cabine de paiement d'une surface de 8,75 m2, le tout positionné au-dessus de trois nouvelles cuves souterraines. La notice établie par la société pétitionnaire précise en outre que les parties carrossables, représentant une surface de 3 248,81 m2, sont prévues en enrobé ou en dalle béton étanche. Eu égard à sa nature et à ses dimensions, alors au surplus que l'exploitant reconnaît que l'objectif est de transférer à terme sur cette unité foncière l'ensemble de l'activité de la station service actuelle située sur le parking du supermarché de l'autre côté du boulevard Jean Guigues, le projet en litige ne peut pas être regardé comme se limitant à une simple opération d'aménagement ou de surélévation de la modeste installation préexistante. Par suite et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les travaux envisagés par la société CDPL ne relèvent d'aucune des catégories d'opérations pouvant être autorisées en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation, telles que limitativement énumérées par l'article 6 du règlement de ce plan. En accordant le permis de construire sollicité par cette société, le maire de Pertuis a donc méconnu les prescriptions règlementaires mentionnées au point 5.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
7. D'une part, selon l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". D'autre part, selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
8. Eu égard à sa nature et à sa portée, l'illégalité constatée au point 6 du présent arrêt au regard des prescriptions du règlement du plan de prévention des risques d'inondation ne peut être regardée ni comme affectant une partie seulement du projet de la société CDPL, ni comme susceptible d'être régularisée par l'intervention d'un permis de construire modificatif sans que la nature même du projet n'en soit changée. Dès lors, il n'y a lieu ni de prononcer une annulation partielle en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, ni de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 de ce même code. Par voie de conséquence, les conclusions subsidiaires présentées par la commune de Pertuis en ce sens ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que la société CDPL et la commune de Pertuis ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du maire de Pertuis en date du 26 juillet 2018.
Sur les frais liés aux litiges :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soient mises à la charge de Mme A... et M. C..., qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, les sommes réclamées par les appelantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de la société CDPL et une somme de même montant à la charge de la commune de Pertuis à verser à Mme A... et M. C... au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 20TL03577 de la société CDPL et n° 20TL03580 de la commune de Pertuis sont rejetées.
Article 2 : La société CDPL et la commune de Pertuis verseront chacune une somme de 1 000 euros à Mme A... et M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée CDPL, à la commune de Pertuis, à Mme B... A... et à M. D... C....
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20TL03577, 20TL03580