Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2105739 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme C... D..., représentée par Me Badji Ouali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande au titre de la " vie privée et familiale " ou subsidiairement au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 850 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil contre renonciation à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier, en estimant que le préfet avait suffisamment motivé au regard des éléments de fait, la décision de refus de séjour ;
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivés ;
- le tribunal a procédé à une interprétation erronée de sa vie privée et familiale en considérant qu'il n'y était pas porté une atteinte disproportionnée alors qu'à cet égard, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire ;
- eu égard à la relation entretenue avec M. A..., avec qui elle a emménagé dans un domicile commun et a conclu un pacte civil de solidarité, il ne peut être considéré qu'elle se trouverait sans attaches suffisantes sur le territoire français ; si ses parents et sa sœur se trouvent en Colombie, sa vie personnelle se trouve en France où elle souhaite fonder une famille et travailler ;
- bien qu'elle n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concerne les conjoints de Français, elle peut se prévaloir de l'article L. 423-23 du même code dès lors qu'elle justifie de trois ans de relations stables avec un ressortissant français, suivis d'une relation de concubinage et de la conclusion d'un pacte civil de solidarité ;
- la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., de nationalité colombienne, née le 8 septembre 2000, est entrée en France irrégulièrement, à une date qu'elle indique être le 23 juillet 2018. Elle a présenté le 23 août 2021, une demande de titre de séjour auprès du préfet de l'Hérault au titre de la vie privée et familiale en se prévalant d'un pacte civil de solidarité conclu le 14 juin 2021 avec un ressortissant français. Par un arrêté du 21 septembre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Par la présente requête, Mme C... D... relève appel du jugement du 9 février 2022, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier par les premiers juges ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation. Si Mme C... D... a entendu, en invoquant une telle dénaturation, contester l'analyse faite par les premiers juges des pièces qu'elle a produites, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.
4. En second lieu, Mme C... D... ne peut davantage contester au titre de la régularité du jugement l'appréciation portée par les premiers juges sur les faits qui lui étaient soumis. Un tel moyen relève de l'examen du bien-fondé du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la motivation du refus de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Il ressort, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, des termes de l'arrêté attaqué de refus de séjour, que le préfet de l'Hérault a visé les articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a entendu faire application. Cet arrêté est donc suffisamment motivé en droit. Cet arrêté est également suffisamment motivé au regard des éléments de fait, dès lors qu'il mentionne, notamment, les déclarations de l'intéressée quant à la date de son entrée, irrégulière, en France, le 23 juillet 2018, la date du 14 juin 2021, de conclusion d'un pacte civil de solidarité avec M. A..., de nationalité française, et la présence en Colombie de ses parents et de sa sœur. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du refus de séjour doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". En vertu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. En admettant même que Mme C... D... serait, comme elle l'affirme, entrée en France le 26 juillet 2018 et y aurait résidé depuis lors de façon habituelle, et que la vie commune alléguée avec un ressortissant français, aurait débuté en 2019, avant la conclusion d'un pacte civil de solidarité, le 14 juin 2021, cette vie commune était récente à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser à Mme C... D... qui est entrée irrégulièrement en France et qu'y est sans enfant, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme C... D... n'est pas non plus fondée à soutenir que le refus de séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des éléments qui viennent d'être mentionnés et de la circonstance selon laquelle les parents et sa sœur se trouvent en Colombie.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
9. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article L. 211-2. En l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, l'arrêté préfectoral est motivé en ce qui concerne le refus de séjour. L'obligation de quitter le territoire français qui vise, notamment, l'article L. 611-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit donc être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8 du présent arrêt, Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL20770
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