Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... C..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2106051 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative de Toulouse, Mme A... C..., épouse D..., représentée par la SCP d'avocats Dessalces, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement d'ordonner au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle en cas d'admission au bénéfice de cette aide, ou à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en l'absence d'admission à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité faute pour le tribunal d'avoir répondu à son moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de l'ancienneté de sa présence depuis 2014 en France, qui est établie par les nombreuses pièces qu'elle produit, et par ses attaches personnelles et familiales en France où elle a fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux ;
- en effet, elle réside en France avec M. D... avec lequel elle s'est mariée le 24 juillet 2014, et qui y est titulaire d'un titre de séjour pluriannuel valable du 12 février 2021 jusqu'au 11 février 2023 ; le couple a donné naissance à deux enfants, nés respectivement les 28 mars 2015 et 6 octobre 2018, et qui sont scolarisés ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa vie personnelle et familiale est établie en France;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 octobre 2022.
Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1226 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... C..., de nationalité marocaine, née le 1er janvier 1976, est entrée en France irrégulièrement, à une date qu'elle indique être le 4 mai 2014, et sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes. Elle s'est mariée en France, le 24 juillet 2014, avec M. D..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle. De cette union sont nés deux enfants, les 28 mars 2015 et 6 octobre 2018. Après le dépôt par M. D..., le 2 mars 2018, d'une demande de regroupement familial au profit de son épouse auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à laquelle il est constant qu'aucune suite favorable n'a été donnée par l'administration, Mme A... C... a sollicité, le 12 janvier 2021, du préfet de l'Hérault son admission au séjour au titre de sa vie privée familiale. Par arrêté du 11 octobre 2021 le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer le titre de séjour ainsi sollicité et a obligé Mme A... C... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par la présente requête, Mme A... C... relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, le tribunal administratif dans son jugement, au point 7, a répondu au moyen qu'elle invoquait tiré de l'atteinte disproportionnée portée par l'obligation de quitter le territoire français à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen d'irrégularité du jugement invoqué par Mme A... C... doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté de refus de séjour est suffisamment motivé dès lors qu'il vise les articles des textes, notamment de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet a entendu faire application et donc se trouve suffisamment motivé au regard des éléments de droit. Cet arrêté de refus de séjour est également suffisamment motivé au regard des éléments de fait, dès lors qu'il fait état des conditions d'entrée et de séjour de Mme A... C... en France, mentionne son mariage avec un ressortissant de nationalité marocaine titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et avec lequel elle a eu deux enfants, relève qu'elle a obtenu le renouvellement de son titre de séjour italien le 18 mai 2017 jusqu'au 25 juillet 2018, ce qui indique une nouvelle date d'entrée en France postérieure à celle du 4 mai 2014 déclarée par l'intéressée, puis expose les raisons pour lesquelles son admission au séjour est refusée. L'arrêté attaqué énonce donc les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte conformément aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". En vertu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme A... C... se prévaut de son mariage avec un ressortissant marocain en situation régulière et de la naissance en France de deux enfants, nés le 2 février 2019 et le 8 février 2020. Toutefois, en admettant même que Mme A... C... serait entrée en France comme elle l'affirme, le 4 mai 2014, et y ait résidé depuis lors de façon habituelle, ce qui est au demeurant contredit par le fait comme il est indiqué au point 3, qu'elle a obtenu le renouvellement de son titre de séjour italien le 18 mai 2017 jusqu'au 25 juillet 2018, il ne ressort d'aucune des pièces au dossier que la cellule familiale que Mme A... C... forme avec M. D..., qui est également de nationalité marocaine, et leurs deux enfants, ne pourrait se reconstituer dans leur pays d'origine où Mme A... C... a vécu au moins jusqu'à l'âge de 38 ans et dans lequel il n'est pas allégué qu'elle y serait dépourvue d'attaches. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser à Mme A... C... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et Mme A... C... n'est pas non plus fondée à soutenir que le refus de séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme A... C..., alors même que ses enfants sont scolarisés en France et que son mari y réside régulièrement n'est également pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en lui refusant le séjour en France.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
6. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C..., épouse D..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL00672
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