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22/11/2022 | FRANCE | N°21TL20135

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 22 novembre 2022, 21TL20135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saint-Affrique Nettoyage a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2013 au 31 mars 2017 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018.

Par un

jugement n° 1904600, 1904605, 1904606 et 1905946 du 3 novembre 2020, le tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saint-Affrique Nettoyage a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2013 au 31 mars 2017 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018.

Par un jugement n° 1904600, 1904605, 1904606 et 1905946 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2021 sous le n° 21BX00135 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL20135 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la société Saint-Affrique Nettoyage, représentée par Me Francin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de décharge des impositions, en droits et pénalités, mises à sa charge ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rehaussement de 53 360 euros de ses recettes de l'activité de nettoyage au titre de l'année 2014 n'est pas motivé ;

- ses bases d'imposition ont été déterminées par l'administration à partir d'éléments incomplets ;

- la méthode de reconstitution des recettes de son activité de nettoyage pour les exercices clos en 2014, 2017 et 2018 est excessivement sommaire dès lors que le taux de charge forfaitaire de 72,2 % a été retenu par référence à l'exercice clos en 2015 sans tenir compte de la réalité de ses charges ;

- le montant de charges admis en déduction pour la détermination des résultats de son activité de nettoyage est insuffisant au regard des bilans et comptes de résultats établis ultérieurement par son expert-comptable ;

- le montant des produits pris en compte pour la détermination des résultats de son activité de nettoyage doit être réduit des recettes encaissées par la société Saint-Affrique Nettoyage SL située à Figueras (Espagne) ;

- la reconstitution des recettes de son activité de vente de santons aboutit à des résultats irréalistes ;

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 n'est pas justifié dès lors qu'il correspond à une minoration de taxe sur des recettes reconstituées au titre de l'année 2014 et que cette reconstitution de recettes n'est pas motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Saint-Affrique Nettoyage.

Par ordonnance du 13 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duarte, substituant Me Francin, représentant la société Saint-Affrique Nettoyage.

Considérant ce qui suit :

1. La société Saint-Affrique Nettoyage, qui exerce une activité de nettoyage de bâtiments et de vente de santons, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2013 au 31 mars 2017 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016 en matière d'impôt sur les sociétés. Elle a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2017 et 2018. Ayant estimé que la comptabilité n'était pas probante, la vérificatrice a reconstitué les recettes provenant de ses activités, et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des rehaussements des bases imposables à l'impôt sur les sociétés par une proposition de rectification du 16 novembre 2017 faisant suite à la vérification de comptabilité, et par une proposition de rectification du 6 mars 2019 faisant suite au contrôle sur pièces. Il en est résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2013 au 31 mars 2017 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015, 2016 et 2017, assortis de pénalités. La société Saint-Affrique Nettoyage relève appel du jugement n° 1904600, 1904605, 1904606, 1905946 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".

3. La société requérante soutient que la proposition de rectification du 16 novembre 2017 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne précise pas les modalités de détermination du rehaussement de ses résultats imposables, à hauteur de 53 360 euros, au titre de l'exercice clos en 2014 à raison de la reconstitution de ses recettes tirées de l'activité de nettoyage. Il ressort toutefois des termes mêmes de cette proposition de rectification que ce rehaussement a été établi en rapprochant le montant des charges, le taux de charge retenu et les recettes figurant dans le journal des recettes. Dès lors, elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". La société requérante ayant été régulièrement taxée d'office en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 sur le fondement des dispositions combinées du 2° de l'article L. 66 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales faute de dépôt de ses déclarations de résultats, la charge de la preuve du caractère exagéré des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge lui incombe. Elle a également été régulièrement taxée d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du mois de juillet 2013 et de la période du 1er septembre 2013 au 31 décembre 2016, de sorte que la charge de la preuve du caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge lui incombe aussi pour ces périodes.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes de l'activité de nettoyage :

5. Pour reconstituer les résultats de la société Saint-Affrique Nettoyage imposables à l'impôt sur les sociétés, l'administration a déterminé, d'une part, les produits à partir des factures enregistrées et des factures révélées par l'exercice du droit de communication et, d'autre part, ses charges, en prenant en compte celles enregistrées, à l'exclusion des amortissements non inscrits en comptabilité dans les délais requis et des pénalités. Les charges sociales, faute d'avoir été enregistrées en comptabilité, ont été déterminées à partir du journal des payes, des états de charges communiqués et des déclarations de cotisation foncière des entreprises. Pour l'exercice clos en 2014, l'administration a écarté le taux de charges de 102,49 % revendiqué par la société, estimant qu'il traduisait des dissimulations de recettes, pour appliquer le taux de charges de 72,20 % constaté pour les résultats de l'exercice clos en 2015. Elle a appliqué ce même taux de charges pour la détermination des résultats des exercices clos en 2017 et 2018.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la vérificatrice a dressé le 7 juillet 2017 un procès-verbal pour défaut de présentation de comptabilité probante, dont il ressort que la société requérante n'a pas tenu de comptabilité pendant plusieurs années, que sa comptabilité était en cours de mise à jour et que les fichiers des écritures comptables étaient provisoires. Par suite, la société requérante, qui ne conteste pas le caractère non probant de sa comptabilité, n'est pas fondée à se plaindre de ce que l'administration se serait fondée sur des éléments incomplets pour asseoir les impositions en litige.

7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la méthode employée pour la reconstitution de ses recettes au titre des exercices clos en 2014, 2017 et 2018, à savoir l'application au montant des produits d'un taux de charges de 72 20 % constaté pour l'exercice clos en 2015, serait excessivement sommaire. Selon elle, son taux de charges s'établirait à 85,05 %, 91,03 %, 106,47 % et 96,06 % respectivement au titre des exercices clos en 2014, 2015, 2016 et 2017. Toutefois, elle ne le démontre pas en produisant des documents comptables reconstitués postérieurement aux périodes d'imposition en litige, notamment des justificatifs de charges, dont certains sont établis à un autre nom ou bien ne comportent pas de nom, ou encore, sont illisibles.

8. En troisième lieu, la société requérante soutient que les produits correspondant au règlement de trois factures émises au nom de la société A..., pour un montant de 86 558 euros hors taxes, doivent être retranchés de ses produits au motif qu'ils ont été encaissés par la société Saint-Affrique Nettoyage SL ayant son siège en Espagne. Toutefois, d'une part, il est constant que les factures en cause ont été établies par la société requérante et, d'autre part, il n'est pas même allégué que les prestations facturées auraient été réalisées par la société espagnole. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à demander que les produits correspondant à ces trois factures soient retranchés pour la détermination de ses résultats imposables de l'exercice clos en 2016.

En ce qui concerne la reconstitution des recettes de l'activité de vente de santons :

9. Pour reconstituer les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, l'administration a pris en compte les factures de fournisseurs obtenues en exerçant son droit de communication. La société requérante n'ayant fourni aucun document de nature à attester des règlements reçus en espèces, et par chèque pour la période 2014 et 2015, et seuls les règlements par carte bancaire figurant dans les comptes de la société, ainsi que des chèques remis en 2013 et 2016 ayant été fournis, la vérificatrice a appliqué un coefficient de 1,4238 aux achats revendus pour déterminer le produit résultant de l'activité de vente de santons. Aucun stock n'a été retenu en l'absence de détail présenté par la société requérante.

10. La société requérante ne démontre pas, ainsi qu'il lui incombe, que le montant des recettes reconstitué de son activité de vente de santons serait exagéré en se bornant à soutenir que le résultat reconstitué au titre de l'exercice clos en 2016, soit 21 412 euros, serait trois fois supérieur à ceux des exercices précédents.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

11. Pour reconstituer, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le chiffre d'affaires de la société Saint-Affrique Nettoyage, l'administration a déterminé, d'une part, la taxe collectée à partir des encaissements des prestations de nettoyage et, d'autre part, la taxe déductible à raison des biens et services utilisés pour les besoins de l'activité, à l'exclusion de la taxe relative à une tondeuse à gazon acquise pour les besoins personnels du gérant de la société requérante.

12. La société requérante doit être regardée comme soutenant que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 10 556,28 euros au titre de la période allant du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 est injustifié aux motifs qu'il s'agit de la taxe collectée sur les recettes reconstituées de l'activité de nettoyage au titre d'une période différente, à savoir l'année 2014. Toutefois, il résulte de l'instruction que le rehaussement d'un montant de 53 360 euros, sur lequel l'administration s'est fondée pour calculer le rappel de taxe en litige et dont la société requérante n'établit ni même n'allègue qu'il serait exagéré, a été notifié non pas au titre de l'année 2014 mais au titre de l'exercice clos en 2014, lequel s'est ouvert le 1er juillet 2013 et s'est achevé le 30 juin 2014. Il en résulte que la période au titre de laquelle la taxe sur la valeur ajoutée est rappelée concorde avec celle au titre de laquelle le rehaussement des bases imposables à l'impôt sur les sociétés a été notifié. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Saint-Affrique Nettoyage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Saint-Affrique Nettoyage, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Saint-Affrique Nettoyage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Saint-Affrique Nettoyage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

V. B...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL20135 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL20135
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET PLMC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-22;21tl20135 ?
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