Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision notifiée le 12 juillet 2018 par laquelle le centre hospitalier universitaire de Toulouse a prononcé à son encontre la sanction de révocation.
Par un jugement n° 1804203 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. D..., représenté par Me Laffourcade Mokkadem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision de révocation notifiée le 12 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Toulouse de procéder, d'une part, à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière à compter de la date d'effet de la mesure de révocation jusqu'à la date de sa réintégration et, d'autre part, à sa réintégration physique dans les effectifs et enfin, de reprendre à compter de la notification de l'arrêt, le versement de son traitement et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre à la seconde branche du moyen figurant dans son mémoire en réplique non communiqué, tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, à savoir que la mention des actes délégués était formulée de manière imprécise en méconnaissance de l'article D. 6143-34 du code de la santé publique et que la preuve de l'affichage de la décision de délégation n'était pas rapportée par le centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
- ils ont également méconnu le contradictoire en s'abstenant de communiquer au centre hospitalier universitaire son mémoire en réplique qui contenait un moyen nouveau tiré de la méconnaissance des articles 9 et 11 du décret du 7 novembre 1989 ;
- la décision de révocation est entachée d'incompétence dès lors que la décision portant délégation de signature produite par le centre hospitalier universitaire de Toulouse est irrégulière et ne permet pas de considérer que sa signataire est compétente ; d'une part, la mention de la nature des actes délégués est formulée de manière imprécise en méconnaissance des dispositions de l'article D. 6143-34 du code de la santé publique ; d'autre part, le centre hospitalier universitaire de Toulouse n'établit pas que la décision de délégation a été affichée conformément aux dispositions de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique ;
- elle méconnaît les articles 9 et 11 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière dès lors qu'il n'a pas reçu l'avis motivé émis par le conseil de discipline préalablement à la décision de révocation et qu'il ne s'est pas vu préciser les motifs fondant cet avis ; le procès-verbal produit par le centre hospitalier universitaire ne comporte pas l'avis motivé du conseil de discipline ; faute d'avoir eu connaissance des raisons sur lesquelles repose cet avis, il a été privé d'une garantie ;
- elle repose sur des faits matériellement inexacts ; les faits reprochés ne reposent que sur les déclarations de sa collègue aide-soignante ; s'agissant des faits de violence à l'égard d'un patient, il a expliqué dès l'origine à sa hiérarchie que ce patient, agité, avait glissé sur le sol mouillé de la salle de bain au moment de la douche ; l'état de sidération dont fait état sa collègue pour expliquer son silence pendant six jours avant d'alerter sa hiérarchie sur la situation, n'est pas établi ; il n'a jamais fait preuve d'aucun signe de violence envers ses collègues ; les déclarations de sa collègue ne sont pas précises et concordantes dès lors que ses récits successifs sur le déroulement de l'événement diffèrent sur le mur contre lequel il aurait projeté le patient ; compte tenu de la hernie discale dont il souffre et de la corpulence du patient, il est difficilement concevable qu'il ait pu physiquement soulever et projeter le patient contre le mur ; aucune trace de violence n'a été constatée sur le patient lors de son examen par l'équipe médicale ; en ce qui concerne les menaces à l'encontre du cadre de santé, ces faits non datés reposent uniquement sur les déclarations de sa collègue aide-soignante ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits reprochés n'étaient pas de nature à justifier la sanction disciplinaire de révocation qui constitue la sanction la plus sévère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. D... le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le mémoire en réplique qui a été regardé par les premiers juges comme n'apportant aucun élément nouveau venant nourrir le débat contentieux, n'avait pas à être communiqué ; en outre, la méconnaissance du contradictoire ne peut être invoquée que par la partie à laquelle elle a préjudicié ;
- la délégation de signature a été rédigée en des termes suffisamment précis conformément à l'article D. 6143-34 du code de la santé publique ;
- l'avis du conseil de discipline a été porté à la connaissance du requérant ainsi que le précise le procès-verbal du 4 juillet 2018 ; les articles 9 et 11 du décret du 7 novembre 1989 n'imposent aucun formalisme particulier à la communication dudit avis ; l'absence de transmission de l'avis et de ses motifs préalablement au prononcé de la sanction ne rend pas la procédure irrégulière ;
- la matérialité des faits ne souffre aucune contestation dès lors qu'ils ont été constatés par le juge pénal ; le récit du requérant n'a pas cessé d'évoluer au gré de l'avancement de la procédure ; Mme A..., seul témoin direct des agissements reprochés à M. D... va livrer une version identique des faits le 7 mars 2018 à M. C..., puis à sa cadre de santé le 12 mars suivant ; le délai de six jours mis par Mme A... avant d'alerter sa hiérarchie s'explique par son état de sidération ; s'agissant des menaces proférées à l'encontre du cadre de santé par le requérant, les déclarations de Mme A... sont corroborées par celles de M. C... ;
- les faits reprochés au requérant sont d'autant plus graves qu'il exerçait les fonctions d'aide-soignant et que la victime, âgée de 81 ans et souffrant de la maladie d'Alzheimer, était particulièrement vulnérable.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2022 à 12 heures.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 17 mars 2022.
Une note en délibéré a été enregistrée le 15 novembre 2022 pour le centre hospitalier universitaire de Toulouse et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Roy substituant Me Laffourcade, représentant M. D... et celles de Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été recruté le 17 décembre 2009 et titularisé en tant qu'aide-soignant le 1er janvier 2012 au centre hospitalier universitaire de Toulouse. Le 13 mars 2018, après une chute ayant causé de multiples fractures à un patient âgé, la cellule des affaires juridiques de la direction des ressources humaines du centre hospitalier universitaire a ouvert une enquête administrative. Le 14 mars 2018, M. D... a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire compte tenu des suspicions de maltraitances sur ce patient et, par une décision notifiée le 12 juillet 2018, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a prononcé la révocation de ses fonctions. Il a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de cette décision. Il relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, l'appelant soutient que le tribunal administratif a omis de répondre à la seconde partie du moyen énoncé dans son mémoire en réplique, non communiqué, tiré de l'incompétence de la signataire de la décision contestée, à savoir que la mention des actes délégués était formulée de manière imprécise en méconnaissance de l'article D. 6143-34 du code de la santé publique et que la preuve de l'affichage de la décision de délégation n'était pas rapportée par le centre hospitalier universitaire de Toulouse. Toutefois, en jugeant que l'arrêté portant délégation de signature consentie à la directrice des ressources humaines par le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse, avait été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne le 31 juillet 2018 et que cette délégation portait sur toute décision se rapportant aux attributions de la direction des ressources humaines, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté le moyen du demandeur, y compris s'agissant de l'imprécision de la délégation et de l'absence de publication. Par suite, le tribunal administratif, qui, au demeurant, n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties énoncés au soutien de leurs moyens, n'a pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant révocation de M. D....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité.
4. Le mémoire en réplique de M. D..., non communiqué, enregistré le 19 août 2019, soit avant la clôture de l'instruction intervenue trois jours avant l'audience, comportait l'énoncé d'un moyen nouveau tiré de la méconnaissance des articles 9 et 11 du décret du 7 novembre 1989 en ce qu'il n'avait pas reçu communication de l'avis motivé du conseil de discipline préalablement à la décision de révocation. Toutefois, dès lors que les premiers juges ont visé et répondu à ce moyen en l'écartant aux motifs que " il ressort du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline, en date du 21 août 2018, signé par son président et les secrétaires de séance que ledit avis a été porté à la connaissance de l'intéressé ", l'absence de communication de ce mémoire au centre hospitalier universitaire de Toulouse n'a pas affecté le respect du contradictoire, à l'égard du requérant, et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par lui.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse serait irrégulier.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Quant à la régularité formelle de la sanction de révocation :
6. En premier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. "
7. La décision du 2 juillet 2018 portant délégation de signature du directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse au profit de la directrice des ressources humaines, signataire de la décision de révocation litigieuse, énumère dans son article 1.1 les actes sur lesquels la délégation de signature est accordée et dans son article 1.2 ceux qui en sont exclus. Cette délégation, qui mentionne en outre les nom et qualité du délégataire, indique, ainsi, la nature des actes délégués en des termes suffisamment précis pour permettre de s'assurer que la signataire n'avait pas excédé le champ de sa délégation. En tout état de cause, la décision de révocation contestée entre dans le champ des décisions se rapportant aux attributions de la direction des ressources humaines pour lesquelles la directrice des ressources humaines bénéficiait de ladite délégation de signature.
8. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ". Aux termes de l'article D. 6143-35 de ce code : " Les délégations mentionnées à la présente sous-section, de même que leurs éventuelles modifications sont notifiées aux intéressés et publiées par tout moyen les rendant consultables (...) ". Aux termes de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique, dans sa version alors applicable du 29 décembre 2015 au 23 août 2019 : " Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège ".
9. La décision de révocation en litige a été signée par la directrice des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Toulouse. L'établissement hospitalier a produit la décision du 2 juillet 2018 portant délégation de signature du directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse au profit de la directrice des ressources humaines. Pour justifier que cette décision ayant un caractère réglementaire aurait fait l'objet d'un affichage sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et usagers, il se borne à se référer aux dispositions de l'article 3 de cette délégation prévoyant sa prise d'effet " à compter de sa publication la rendant consultable ". Ces seules indications ne sauraient toutefois suffire à apporter la preuve effective d'un affichage de la délégation consentie, conforme aux prescriptions de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique, dans sa version applicable à la date de cette délégation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision de révocation doit être accueilli.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...). / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. / (...) ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée ".
11. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'exigence de motivation de l'avis de la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline qu'elles prévoient constitue une garantie et, d'autre part, que cette motivation peut être attestée par la production, sinon de l'avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion de cette commission comportant des mentions suffisantes.
12. Si l'administration a produit, en première instance, le procès-verbal du 4 juillet 2018 du conseil de discipline réuni pour se prononcer sur les faits reprochés à M. D..., elle ne justifie pas cependant, en l'absence de production de l'avis émis par cet organe collégial, que l'exigence de motivation prévue à l'article 9 du décret précité, a bien été respectée. En outre, le procès-verbal de cette réunion du conseil de discipline ne rend compte que des propos tenus par les différents participants à la réunion du conseil de discipline avant son délibéré, sans énoncer, même indirectement, les griefs sur lesquels le conseil de discipline s'est appuyé pour adopter son avis et n'est donc pas de nature à remédier à l'absence de motivation de l'avis adopté par le conseil de discipline. Dès lors, en l'absence de justification de toute motivation en fait et en droit de l'avis du conseil de discipline, en lui-même ou dans le procès-verbal de la réunion à l'issue de laquelle il a été adopté, M. D... est fondé à soutenir qu'il a été privé d'une garantie.
Quant au bien-fondé de la sanction de révocation :
13. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Et aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) quatrième groupe (...) la révocation (...) ".
14. D'autre part, l'autorité absolue de chose jugée s'attache aux constatations effectuées par le juge pénal sur l'existence matérielle des faits qui sont le support nécessaire de ses décisions devenues définitives et statuent sur le fond de l'action publique.
15. Il ressort des indications portées sur le jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 4 février 2019 qu'il a été frappé d'un appel principal de M. D... et d'un appel incident du ministère public, interjetés le 5 février 2019. Ce jugement ne présentant pas un caractère définitif, les constatations de fait effectuées par le juge correctionnel ne s'imposent donc pas à la juridiction administrative. Pour autant, il appartient au juge administratif d'apprécier librement l'ensemble des éléments produits dans la cause au titre desquels peuvent figurer des pièces issues d'une procédure pénale.
16. Pour prononcer à l'encontre de M. D... la sanction de la révocation, qui constitue la sanction disciplinaire la plus lourde qui puisse être infligée à un fonctionnaire hospitalier, l'administration lui a opposé les griefs selon lesquels, d'une part, il a fait preuve, le 6 mars 2018, d'un comportement extrêmement violent à l'égard d'un patient, âgé de 81 ans et atteint de la maladie d'Alzheimer et, d'autre part, il a proféré des menaces à l'encontre d'un cadre de santé. Le requérant soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.
17. Il ressort des pièces du dossier que les griefs retenus à l'encontre de M. D... reposent essentiellement sur les déclarations de sa collègue aide-soignante, Mme A..., qui est également le seul témoin direct des faits survenus le 6 mars 2018. Il n'est pas contesté par le requérant que Mme A... entretenait avec lui de bons rapports professionnels. À cet égard, la seule circonstance qu'elle ait attendu six jours pour signaler à sa hiérarchie l'incident du 6 mars 2018, ne suffit pas à faire douter de la sincérité de son témoignage dès lors que l'état de sidération et l'empathie éprouvée pour son collègue dont elle connaissait les difficultés personnelles, sont de nature à expliquer la durée de son silence. En outre, il ressort des pièces du dossier que le récit de M. D... sur son implication dans le déroulement de l'incident du 6 mars 2018, a évolué au cours des procédures disciplinaire et pénale engagées à son encontre. S'il soutenait initialement n'avoir fait preuve d'aucune forme de violence à l'égard du patient qui avait glissé et chuté sur le sol mouillé de la salle de bain au moment de la douche, il a cependant admis devant le conseil de discipline " avoir pris le patient et l'avoir bousculé " et reconnu, lors de l'audience devant le tribunal correctionnel, avoir saisi le patient, qui se débattait et s'opposait à son intervention, aux épaules, l'amenant ainsi en direction de la salle de bain en le poussant, et l'avoir bousculé, ce qui a entraîné sa chute. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les faits fondant la sanction prise par l'administration soient inexacts. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction disciplinaire qui lui a été infligée reposerait sur des faits matériellement inexacts, ne peut qu'être écarté.
18. Ces faits de violence physique commis le 6 mars 2018 par M. D... à l'encontre d'un patient dont il connaissait, eu égard à son âge et à sa pathologie, l'extrême vulnérabilité, constituent une faute particulièrement grave au regard des fonctions d'aide-soignant exercées par le requérant. Dans ces conditions, malgré l'absence d'antécédents disciplinaires du requérant, la sanction de révocation revêt un caractère proportionné.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision notifiée le 12 juillet 2018 prononçant sa révocation.
Sur les conclusions en injonction :
20. Le présent arrêt implique seulement que la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. D... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au centre hospitalier de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre hospitalier universitaire de Toulouse sur ce fondement.
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 7 juillet 2020 et la décision du 10 juillet 2018 du directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier universitaire de Toulouse de reprendre, le cas échéant, la procédure disciplinaire à l'encontre de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL22920