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10/11/2022 | FRANCE | N°22TL00703

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 10 novembre 2022, 22TL00703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 18 mai 2021 A... lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner le territoire français pour une durée d'un an.

A... un jugement n° 2102637 du 21 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

A... une requête enregistrée le 27 février 2022, sous le n° 22MA00703

au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 22TL00703 au greffe de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 18 mai 2021 A... lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner le territoire français pour une durée d'un an.

A... un jugement n° 2102637 du 21 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

A... une requête enregistrée le 27 février 2022, sous le n° 22MA00703 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 22TL00703 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B..., représenté A... Me Bazin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans le même délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à défaut à verser au requérant.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une insuffisante motivation en fait et en droit ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation privée en France ;

Sur la décision interdisant le retour en France pour une durée d'un an :

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation.

A... un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

A... lettre du 31 août 2022, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

A... ordonnance du 30 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2022.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 13 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, entré en France en 2020 selon ses dires, et se présentant comme mineur, a sollicité le 14 août 2020, les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Hérault. M. B... a été placé en garde à vue A... les services de police le 17 mai 2021 pour escroquerie et détention de faux documents administratifs. A... un arrêté du 18 mai 2021, le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. A... la présente requête, M. B... interjette appel du jugement n° 2103637 du 21 juillet 2021 A... lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

2. Les conclusions de l'appelant tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault fixant le pays de renvoi n'ont pas été soumises aux premiers juges et ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel. Elles sont, A... suite, irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

3. En premier lieu, le requérant reprend en appel son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation. Il ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse retenue A... le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen A... adoption des motifs retenus A... les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 5o Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Selon les termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 1o L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies A... l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Selon l'article 388 du même code : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé ".

5. La présomption de validité des actes d'état civil établis A... une autorité étrangère ne peut être renversée A... l'administration qu'en apportant la preuve, en menant les vérifications utiles, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il en va ainsi lorsqu'il s'agit pour le préfet d'établir qu'un étranger est majeur et ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection prévue en faveur des étrangers mineurs A... le 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a déclaré n'avoir jamais fait l'objet d'un relevé de ses empreintes durant son parcours, a toutefois été identifié en Espagne, lors de son entrée illégale dans ce pays le 20 janvier 2020, où il a alors déclaré se nommer Lamine B... Mohamed et être né le 1er janvier 2000 en Guinée. Pour justifier de sa minorité, l'appelant a produit un jugement supplétif d'acte de naissance, attestant de son identité comme M. C... B... né le 12 février 2004 à Dubreka (Guinée), un certificat de nationalité et une carte d'identité consulaire. Dans le cadre d'une enquête judiciaire diligentée sur instruction du vice-procureur de la République chargé des mineurs près le tribunal judiciaire de Montpellier, le service de fraude documentaire de la police judiciaire de Montpellier a relevé notamment que le jugement supplétif porte deux dates différentes en 2016 et 2020, que les articles du code civil guinéen ne correspondent pas à la filiation de parents guinéens dont se prévaut l'intéressé, et que le certificat de nationalité n'a pas fait l'objet d'une légalisation. En outre, sur réquisition du Parquet, une expertise osseuse du requérant a été réalisée le 8 avril 2021 A... un médecin expert judiciaire, avec le consentement de l'intéressé. Ce médecin a estimé, sur la base de cet examen, que le requérant présentait un âge de maturité osseuse comprise entre 17 ans et 3 mois pour la fourchette basse et 29 ans, pour la fourchette haute. En outre, le médecin légiste a relevé que ses constatations ne corroborent pas l'âge allégué A... M. B... de 16 ans et sept mois. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et nonobstant la marge d'erreur des tests osseux et la production d'une carte d'identité consulaire, qui a été délivrée sur le fondement du jugement supplétif précité et ne peut être ainsi de nature à établir l'état-civil de l'intéressé, le préfet de l'Hérault a pu estimer que le requérant n'établissait pas être mineur et prendre à son encontre la mesure d'éloignement litigieuse, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni le principe de présomption de validité des actes d'état civil établis A... une autorité étrangère prévu A... l'article 47 du code civil.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B..., célibataire et sans enfant, a déclaré être entré en France en juillet 2020. Si l'intéressé justifie avoir été scolarisé au sein de l'école Utoa dans laquelle il suit des cours de français, et avoir suivi, postérieurement à la date de l'arrêté en litige, un stage au centre régional d'éducation physique et sportive (CREPS) de Montpellier du 31 janvier au 18 février 2022, il ne démontre pas que son processus de formation ne pourrait pas être poursuivi dans son pays d'origine. A... ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches en Guinée où résident sa mère et sa sœur. En outre, son séjour sur le territoire national présente un caractère récent, soit dix mois, et il n'est pas établi qu'il aurait déplacé en France le centre de ses intérêts privés, ni qu'il aurait développé en France des liens personnels ou familiaux d'une réelle intensité. A... suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

9. Les conclusions de l'appelant dirigées contre la décision spécifique refusant d'accorder un délai de départ volontaire ne sont assorties d'aucun moyen propre de légalité. A... suite, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

11. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

12. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le requérant a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire. Le requérant ne fait état d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Eu égard aux circonstances indiquées au point 8 du présent arrêt et dont il résulte que M. B... ne peut se prévaloir d'attaches privées d'une intensité particulière en France alors en outre qu'il s'y est maintenu en se prévalant indûment d'une minorité lui ayant permis d'être admis au bénéfice de l'aide sociale à l'enfance dans le département de l'Hérault, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à un an la durée d'interdiction de retour sur le territoire français le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation quand bien même le requérant n'aurait commis aucun trouble à l'ordre public.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, A... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président-assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

Le greffier,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22TL00703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00703
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-10;22tl00703 ?
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