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10/11/2022 | FRANCE | N°20TL01770

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 10 novembre 2022, 20TL01770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et la société civile immobilière Encantade ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 par lequel le maire de Vauvert a accordé un permis de construire modificatif au groupement foncier agricole du Cantaïre pour la modification d'ouvertures de façades sur un hangar agricole.

Par un jugement n° 1800987 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 3 juillet 2017, a mis à la charge de la commune de Vauvert le paieme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et la société civile immobilière Encantade ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 par lequel le maire de Vauvert a accordé un permis de construire modificatif au groupement foncier agricole du Cantaïre pour la modification d'ouvertures de façades sur un hangar agricole.

Par un jugement n° 1800987 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 3 juillet 2017, a mis à la charge de la commune de Vauvert le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par ladite commune à ce même titre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2020 sous le n° 20MA01770 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL01770 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le groupement foncier agricole du Cantaïre, représenté par Me Néant, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 10 mars 2020 en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... et la société civile Encantade devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de M. A... et de la société civile Encantade une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu la recevabilité de la demande au regard des prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la recevabilité de la demande en l'absence d'intérêt pour agir des demandeurs contre l'autorisation litigieuse ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la construction n'était pas conforme et que le permis contesté avait été obtenu de manière frauduleuse.

Par des mémoires en observations enregistrés le 9 juin 2020 et le 29 janvier 2021, la commune de Vauvert, représentée par la SELARL Gil-Cros, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du 10 mars 2020 ;

2°) au rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) à ce que soit mise à la charge de M. A... et de la société civile Encantade une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'analyse pas et ne répond pas à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir des demandeurs ;

- le jugement est irrégulier dès lors que la note en délibéré n'a pas été communiquée en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la recevabilité de la demande au regard des prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la recevabilité de la demande en l'absence d'intérêt pour agir des demandeurs contre l'autorisation litigieuse ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le permis de construire modificatif en litige avait été obtenu de manière frauduleuse ;

- les autres moyens invoqués par les demandeurs devant le tribunal administratif sont soit inopérants, soit non fondés ;

- en outre, les conclusions à fin d'injonction présentées par les intimés devant la cour sont irrecevables car nouvelles en appel.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2021, M. B... A... et la société civile Encantade, représentés par la SCP CGCB et associés, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la confirmation de l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2017 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint à la commune de Vauvert d'édicter un procès-verbal de constat de l'irrégularité de la construction dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à ce que soit mise à la charge du groupement foncier agricole du Cantaïre et de la commune de Vauvert une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les conclusions à fin d'annulation présentées par la commune sont irrecevables dès lors qu'elles sont distinctes des conclusions de l'appelant ;

- les moyens invoqués tant par le groupement foncier agricole du Cantaïre que par la commune de Vauvert ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er mars 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Le groupement foncier agricole du Cantaïre, représenté par Me Néant, a produit un mémoire le 26 avril 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Néant, représentant le groupement requérant, de Me Navarro, représentant les intimés, et de Me Crespy, représentant la commune de Vauvert.

M. A... et la société civile Encantade, représentés par la SCP CGCB et associés, ont produit une note en délibéré le 24 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement foncier agricole du Cantaïre, ayant son siège à Vauvert (Gard), a sollicité le 16 juin 2010 un permis de construire pour l'édification d'un hangar agricole d'une surface hors œuvre brute de 302 m2 sur une parcelle cadastrée ... situé au lieu-dit " Mas Tempié " sur le territoire de cette commune. Par un arrêté du 31 août 2010, le maire de Vauvert lui a accordé le permis ainsi sollicité. Dans un rapport établi le 7 novembre 2012, le garde champêtre municipal a constaté que la construction en cours sur le terrain ne correspondait pas aux plans du permis de construire et qu'elle présentait notamment, sur l'ensemble des façades, des ouvertures supplémentaires ou de dimensions supérieures à ces plans. Par arrêté du 21 novembre 2012, le maire de Vauvert, agissant au nom de l'Etat, a mis en demeure le groupement foncier agricole de cesser immédiatement les travaux en cours. Ledit groupement a présenté le 24 mai 2017 une demande de permis de construire modificatif portant sur la modification d'ouvertures sur les façades de ce hangar agricole. Par un arrêté du 3 juillet 2017, le maire de Vauvert lui a accordé ce permis de construire modificatif, assorti d'une prescription relative aux clôtures. M. A... et la société civile Encantade dont il est le gérant ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de ce dernier arrêté. Le groupement foncier agricole du Cantaïre relève appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel ledit tribunal a annulé le permis de construire modificatif qui lui avait été délivré le 3 juillet 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de la demande de première instance, dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... et la société civile Encantade sont propriétaires d'un ensemble immobilier incluant une maison d'habitation et plusieurs annexes, lequel est situé sur les parcelles limitrophes de celle du bâtiment objet de la demande de permis de construire modificatif présentée par le groupement foncier agricole du Cantaïre. Les intéressés n'ayant pas contesté l'arrêté du 31 août 2010 par lequel le maire de Vauvert avait délivré à ce groupement le permis de construire initial pour l'édification de ce hangar, leur intérêt pour agir à l'encontre du permis modificatif du 3 juillet 2017 doit s'apprécier, en application des principes rappelés au point précédent, au regard des seules modifications que ledit permis apporte au projet initialement autorisé.

5. D'autre part, il ressort du formulaire de demande et de l'arrêté attaqué lui-même que le permis modificatif en litige a pour seul objet d'autoriser la modification d'ouvertures de façades sur le hangar agricole existant. La note de présentation produite par le pétitionnaire à l'appui de sa demande expose qu'il a été réalisé des ouvertures différentes de celles du permis initial et que le permis modificatif est sollicité pour régulariser cette situation en déplaçant ou en supprimant certaines ouvertures. Le même document précise que le bâtiment existant conservera sa vocation initiale de construction agricole. Le rapprochement des plans du permis initial et des photographies versées aux débats par les parties confirme que les modifications autorisées par l'arrêté contesté se limitent à la création, au déplacement ou à la suppression de quelques portes ou fenêtres, sans affecter l'implantation ou les dimensions du hangar. Eu égard à la portée réduite de ces évolutions architecturales opérées sur un bâtiment situé à plus de 76 mètres des constructions leur appartenant, les demandeurs ne peuvent être regardés comme justifiant d'une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens de nature à leur conférer un intérêt à agir contre le permis modificatif.

6. Enfin, si les intéressés soutiennent que le permis de construire modificatif qu'ils contestent a été obtenu de manière frauduleuse en raison de la dissimulation par le groupement foncier agricole du Cantaïre de la transformation d'une partie du hangar agricole en habitation, une telle circonstance, à la supposer établie, n'a pas pour conséquence de leur conférer un intérêt à agir contre cette autorisation d'urbanisme dès lors que cet intérêt s'apprécie au regard des conclusions de leur demande et non au regard des moyens. Dans ces conditions, l'appelant est fondé à soutenir que la demande présentée par M. A... et la société civile Encantade devant le tribunal administratif de Nîmes était entachée d'irrecevabilité.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement du 10 mars 2020, ni sur les autres moyens de la requête d'appel, que le groupement foncier agricole du Cantaïre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du maire de Vauvert en date du 3 juillet 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par les intimés :

8. Le présent arrêt annulant le jugement du 10 mars 2020 et rejetant la demande de première instance, il n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... et la société civile Encantade ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A... et la société civile Encantade, qui ont la qualité de parties perdantes, ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des autres parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1800987 du 10 mars 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... et la société civile Encantade devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole de Cantaïre, à la commune de Vauvert, à M. B... A... et à la société civile Encantade.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nîmes et à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète du Gard, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL01770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01770
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements - Exécution des jugements.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-11-10;20tl01770 ?
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