Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le président de la communauté de communes de la Save au Touch a estimé non imputables à l'accident de service du 11 septembre 2012, les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2013, et d'enjoindre à cette communauté de communes de le faire bénéficier rétroactivement de la position statutaire de congés imputables au service et de reconstituer sa carrière avec rappel des traitements et des conditions d'avancement et d'ancienneté y afférents, ainsi que de l'ensemble des droits sociaux et à la retraite et ce, à compter du 19 mars 2013, ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation en saisissant à nouveau la commission de réforme.
Par un jugement n° 1800457 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 28 février 2020, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire du 3 mars 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. E..., représenté par Me Kosseva-Venzal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 24 novembre 2017 par lequel le président de la communauté de communes de la Save au Touch a estimé non imputables à l'accident de service du 11 septembre 2012 les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2013 ;
3°) d'enjoindre à la communauté de communes de la Save au Touch de le faire bénéficier rétroactivement de la position statutaire de congés imputables au service et de reconstituer sa carrière avec rappel des traitements et des conditions d'avancement et d'ancienneté y afférents, ainsi que de l'ensemble des droits sociaux et à la retraite et ce, à compter du 19 mars 2013, ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation en saisissant à nouveau la commission de réforme, le tout dans le délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Save au Touch la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 24 novembre 2017 est entaché d'un défaut de motivation dès lors qu'il ne vise pas les articles des textes applicables, et ne mentionne ni la demande d'imputabilité au service initiale, ni la demande de reconnaissance de cet accident pas plus que la demande de reclassement, le seul fait de se référer seulement à l'avis émis par la commission de réforme étant à cet égard insuffisant ;
- la composition de la commission de réforme a été irrégulière, en raison de l'absence d'un chirurgien orthopédique traumatologique ou à défaut d'un rhumatologue, contrairement à ce qu'imposent l'article 3 de l'arrêté ministériel du 4 août 2004 ainsi que les articles 5 et 6 du décret du 14 mars 1986 et l'article 3 du 30 juillet 1987 ;
- la date de consolidation retenue par Mme F..., lors de son expertise en 2013, a été remise en cause tant par l'expert, M. C..., nommé par le tribunal, que par le docteur B... (chirurgien rhumatologue et spécialiste) et par le docteur A... (chirurgien orthopédique) ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et 57 alinéa 2 de la loi u 26 janvier 1984.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2022, la communauté de communes de la Save au Touch, représentée par Me Hermann, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une ordonnance du 5 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 modifié ;
- l'arrêté ministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Kosseva-Venzal pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... E..., adjoint technique principal employé par la communauté de communes de la Save au Touch, a été victime, le 11 septembre 2012, d'un traumatisme du genou droit dans le cadre de son activité d'agent de salubrité. Cet accident a été reconnu imputable au service par arrêté du 19 novembre 2012. M. E... a été placé en congé de longue maladie du 19 mars 2013 jusqu'au 19 mars 2016, puis en disponibilité d'office après expiration de ses droits à congés de longue maladie du 19 mars 2016 au 18 septembre 2016, puis, par prolongations successives, jusqu'au 18 mars 2018. Le 30 novembre 2016, M. E... a demandé l'imputabilité au service de ses congés de maladie au titre de la période postérieure au 19 mars 2013, date jusqu'à laquelle ses arrêts de travail ont été considérés par la collectivité comme imputables au service, en invoquant une rechute de son accident de service du 11 septembre 2012, ce qui, après nouvelle expertise et avis défavorable de la commission de réforme, lui a été refusé par arrêté du 24 novembre 2017 du président de la communauté de communes de la Save au Touch.
2. Par la présente requête, M. E... demande à la cour d'annuler le jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement et de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
4. L'imputabilité au service de la rechute d'un accident de service est subordonnée à la condition que l'affection mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec cet accident de service. L'existence d'un état antérieur, serait-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. Le juge administratif exerce en la matière un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale.
5. Pour considérer que l'état de santé de M. E..., après le 19 mars 2013, ne pouvait être regardé comme étant en lien direct avec l'accident de service survenu le 11 septembre 2012 et que, dès lors, la décision du 24 novembre 2017 du président de la communauté de communes refusant d'admettre cette imputabilité n'était pas entachée d'erreur d'appréciation, le tribunal a estimé, sur le fondement des rapports établis par Mme F..., médecin rhumatologue, qu'existait un état antérieur chez M. E... en relation avec son état de santé. De fait et ainsi que cela ressort du rapport d'expertise établi à la suite de l'examen de M. E... le 8 octobre 2018 par M. C..., désigné par ordonnance du 17 mai 2018 du président du tribunal administratif de Toulouse, document certes postérieur à la décision attaquée mais qui décrit son état antérieur, l'appelant présentait avant l'accident de service précité une gonarthrose fémoro-tibiale interne au genou droit. Toutefois, et contrairement, à ce qu'a affirmé Mme F..., l'existence d'un accident de service antérieur à celui du 11 septembre 2012 et ayant déjà touché le genou droit n'est pas établie. En outre, M. C... a également considéré que la " gonarthrose fémoro-tibiale interne était jusqu'au jour de l'accident, asymptomatique et méconnue " et a conclu au fait que " l'accident du travail du 11 septembre 2012, avec traumatisme direct sur ce genou droit, entorse du compartiment externe et développement d'une instabilité a entraîné une décompensation et une aggravation de cet état antérieur (...) cette décompensation de cet état antérieur, dégénératif, est en lien direct certain et exclusif avec l'instabilité du genou droit, elle-même conséquence directe de l'accident du travail du 11 septembre 2012 ". Il a, par ailleurs, estimé que la date de consolidation du genou droit de l'appelant devait être fixée au 6 juillet 2018.
6. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que M. E... est fondé à soutenir que l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le président de la communauté de communes de la Save au Touch a estimé non imputables au service les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2013 a fait une inexacte application des dispositions citées au point 3. Il suit de là qu'il est aussi fondé à demander l'annulation du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2017 du président de la communauté de communes de la Save au Touch.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Compte tenu du motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre à la communauté de communes de la Save au Touch de faire bénéficier M. E... de congés imputables au service et ce, à compter du 19 mars 2013 jusqu'au 24 novembre 2017, date de l'arrêté annulé de refus de prise en compte des arrêts de maladie, au titre de la rechute de l'accident de service du 11 septembre 2012, et, s'il y a lieu, de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la communauté de communes de la Save au Touch et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes de la Save au Touch une somme de 1 500 euros au profit de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2: L'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le président de la communauté de communes de la Save au Touch a estimé non imputables à l'accident de service du 11 septembre 2012 subi par M. E... les arrêts de travail postérieurs au 19 mars 2013 est annulé.
Article 3: Il est enjoint à la communauté de communes de la Save au Touch de faire bénéficier M. E... de congés imputables au service à compter du 19 mars 2013 jusqu'au 24 novembre 2017, et, s'il y a lieu, de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La communauté de communes de la Save au Touch versera la somme de 1 500 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté de communes de la Save au Touch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la communauté de communes de la Save au Touch.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20TL20744
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