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27/10/2022 | FRANCE | N°22TL20823

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 27 octobre 2022, 22TL20823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103943 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2022, Mme A... C... épouse D..., représentée par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103943 du 18 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2022, Mme A... C... épouse D..., représentée par Me Baudard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2021 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie pour avis préalablement ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle aurait dû bénéficier de plein droit du visa de long séjour mentionné à l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle bénéficie d'un traitement contre l'infertilité ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est mariée avec un ressortissant français depuis le 16 octobre 2020 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, elle est dépourvue de fondement légal ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme A... C... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2022.

Par ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Virginie Restino, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... épouse D..., de nationalité marocaine, née en 1980, déclare être entrée en France irrégulièrement en septembre 2012. Ayant sollicité en septembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", elle s'est vu opposer un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Le 23 février 2021, elle a de nouveau sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en faisant valoir son mariage avec un ressortissant français. Par un arrêté du 18 mars 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Mme A... C... épouse D... relève appel du jugement du 18 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour contesté vise les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé. Par suite, la motivation, qui n'est pas stéréotypée, est suffisante. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article R. 212-6 du même code, alors en vigueur : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse n'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français : 1° S'il n'est pas assujetti à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois (...) ". Enfin, aux termes du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code, alors en vigueur : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant de nationalité française est subordonnée, non seulement aux conditions énoncées par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de la décision en litige, que, pour refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la requérante en tant que conjointe de ressortissant français, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur la circonstance qu'elle n'était pas munie d'un visa de long séjour et que, ne justifiant pas d'une entrée régulière sur le territoire français, elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant de statuer sur sa demande de visa de long séjour. En se bornant à soutenir qu'un visa de long séjour devait lui être délivré de plein droit, sans établir, ni même alléguer qu'elle serait entrée régulièrement sur le territoire national, la requérante ne conteste pas utilement le motif qui lui a été ainsi opposé. En outre, la circonstance qu'elle bénéficierait d'un traitement contre l'infertilité est sans incidence à cet égard. Par suite, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Hérault n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit, ni erreur d'appréciation. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Ainsi qu'il a été dit, Mme A... C... épouse D... n'établit pas qu'elle serait entrée sur le territoire national le 15 septembre 2012 et qu'elle y séjournerait de façon stable depuis lors. Par ailleurs, si elle se prévaut de son mariage, le 18 octobre 2020, avec M. D..., ressortissant français, cette union était récente à la date de la décision attaquée, de même que la communauté de vie avec son futur époux, justifiée depuis l'année 2019. La requérante est sans enfant à charge et ne justifie pas être dépourvue d'attaches au Maroc, où résident ses parents et des membres de sa fratrie. Si elle soutient qu'elle faisait l'objet, à la date de la décision attaquée, d'un traitement contre l'infertilité, elle n'en justifie pas par la seule production de résultats d'analyses biologiques intitulé " bilan de fertilité " datant du 15 mai 2021 et faisant suite à une demande du 28 avril 2021. Il en résulte que le préfet de l'Hérault, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et aux termes de l'article L. 312-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la requérante ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Le vice de procédure doit, en conséquence, être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui des conclusions présentées contre la mesure d'éloignement.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

11. L'obligation de quitter le territoire ayant été prise en raison du refus de titre de séjour, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. La motivation du refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 2, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.

12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 6, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement contestée sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

14. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... C... épouse D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C... épouse D..., à Me Mélanie Baudard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL20823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20823
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BAUDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-27;22tl20823 ?
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