Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel la préfète de la Lozère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination.
Par un jugement n° 2101697 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2022 sous le numéro 22MA00320 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le numéro 22TL00320 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B... représenté par Me Ezzaïtab, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel la préfète de la Lozère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, d'ordonner un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, en cas de non admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France où il réside depuis décembre 2017 à la suite de quoi il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance et qu'il a bénéficié d'un contrat jeune majeur ;
- il a transmis au préfet les mêmes photocopies afin de faire reconnaître sa qualité de mineur non-accompagné et l'authenticité de ces actes d'état civil n'a jamais été remise en question par la décision rendue par le juge des enfants qui a autorité de chose jugée ;
- la préfète n'a pas examiné la demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 414-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas pris en compte son identité ni les mesures d'assistance éducative dont il a fait l'objet ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- par exception d'illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2022, la préfète de la Lozère conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 novembre 2021.
Par une ordonnance du 23 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 septembre 2022, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant guinéen né le 2 janvier 2002 en Guinée, déclare être entré en France en décembre 2017 et avoir été placé à l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé par un jugement du 19 mars 2018. Par un courrier du 21 février 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 mai 2021, la préfète de Lozère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 16 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :
2. L'arrêté attaqué comporte les considérations utiles de droit et de fait sur lesquelles la préfète de Lozère s'est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour et obliger M. B... à quitter le territoire. La circonstance que l'arrêté indique que le requérant ait sollicité une admission exceptionnelle au séjour alors que l'intéressé allègue avoir présenté une demande de carte de séjour " jeunes majeurs " est sans influence sur le caractère suffisant de cette motivation qui s'apprécie indépendamment de la pertinence des motifs retenus par l'autorité préfectorale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée et du fondement de la demande de titre de séjour sollicité par le requérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, la préfète de Lozère n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.
En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , dans sa version applicable au litige : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Aux termes de l'article L. 423-22 du même code : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
4. Contrairement à ce qu'il est soutenu dans la requête, M. B... n'a pas sollicité une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort en effet des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que ce dernier a présenté auprès des services préfectoraux une demande d'admission exceptionnelle au séjour signée par ses soins le 25 mars 2021 sur le fondement de l'article L. 435-3 de ce code, comme cela ressort de l'imprimé de demande de titre de séjour produit par la préfète de la Lozère. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 423-22 et L. 414-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu et en tout état de cause, aux termes de l'article R. 431-10 de ce même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Il résulte également des dispositions précitées, d'une part, que, dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour, les services préfectoraux sont en droit d'exiger que, sauf impossibilité qu'il lui appartient de justifier, l'étranger produise à l'appui de cette demande les originaux des documents destinés à justifier de son état civil et de sa nationalité et non une simple photocopie de ces documents et que, d'autre part, l'administration peut mettre en œuvre des mesures de vérifications et faire procéder à des enquêtes pour lutter contre la fraude documentaire des étrangers sollicitant un titre de séjour.
8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, la photocopie d'un jugement supplétif et d'un acte de naissance établi sur le fondement de ce jugement supplétif. Lors de son entretien à la préfecture, il lui a été demandé de fournir les originaux de ses documents d'état civil pour expertise Pour refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B..., la préfète de Lozère a relevé que l'intéressé n'a pas été en mesure de produire des originaux de ses documents d'identité mais seulement des copies et qu'en l'absence de pouvoir identifier l'identité de l'intéressé, la démarche de produire un titre de séjour français ne peut être accomplie. Le requérant, qui ne fait état d'aucune impossibilité, ne conteste pas utilement ne pas avoir transmis les originaux du jugement supplétif et de l'acte de naissance dont il s'est prévalu devant les services de la préfecture. Par suite, la préfète de Lozère n'a pas méconnu les dispositions précitées en estimant que l'intéressé ne justifiait pas de son état civil et, par suite ne remplissait pas les conditions prévues pour la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, ou en tout état de cause sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Par ailleurs, si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle ne se prononce. En l'espèce, si M. B... se prévaut nouvellement de sa carte d'identité consulaire délivrée le 6 mai 2020 par les autorités consulaires guinéennes en France, celle-ci, si elle constitue une pièce d'identité, n'est pas un document d'état civil. Dans ces conditions, la copie de l'acte de naissance produit et les pièces versées au dossier par le requérant ne sont pas de nature à établir son identité, nonobstant la circonstance que M. B... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à la suite d'un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants de A... en date du 12 mars 2018, dont la chose jugée ne faisait pas obstacle à ce que la préfète s'interroge sur l'état-civil de l'intéressé, et ne lie pas la présente cour. Par suite, et dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Lozère aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour pour ce motif.
10. En troisième lieu, le requérant n'articule aucune considération propre à sa situation personnelle et familiale à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté comme non assorti de précision suffisante pour mettre à même la cour d'en apprécier le bien-fondé.
11. En quatrième et dernier lieu, le requérant reprend en appel le moyen, déjà invoqué en première instance, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ce moyen, à l'appui duquel le requérant n'apporte aucune argumentation circonstanciée, ni élément nouveau, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au points 11 de son jugement.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de séjour ne peut être accueilli.
13. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de l'intéressé que M. B... se borne à reproduire en appel sans l'assortir d'élément nouveau, ni même d'une argumentation étayée.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent égales être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Wafae Ezzaïtab et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
Le greffier,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL00320