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06/10/2022 | FRANCE | N°22TL00129

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 06 octobre 2022, 22TL00129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102746 en date du 29 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2022 sous le n°

22MA00129 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00129 au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102746 en date du 29 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2022 sous le n° 22MA00129 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00129 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme A... D... C..., représentée par Me Viens, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 de la préfète du Gard portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas pris en compte son mémoire en réplique du 24 septembre 2021 et qu'il n'a pas répondu au vice de procédure soulevé dans ce mémoire ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que la préfète ne s'est pas prononcée sur sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas produit ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle lui oppose l'absence de demande de renouvellement d'un titre de séjour inexistant ;

- elle est entachée d'une erreur de fait au regard de l'état de santé de sa fille qui lui permet de prétendre à un titre de séjour en qualité d'accompagnante d'un enfant malade ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen dès lors que la préfète n'a pas sollicité un nouvel avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de risques de mauvais traitements et de l'absence de soins appropriés au Nigéria.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de l'absence de production de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est inopérant ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale le 17 décembre 2021.

La clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jazeron, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante nigériane, née le 5 mai 1980 à Benin City (Nigeria), serait entrée sur le territoire français le 19 août 2019, accompagnée de son mari M. B... et de leurs deux enfants. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 5 septembre 2019, puis au titre de son état de santé le 12 novembre 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 novembre 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 16 avril 2021. Par un arrêté édicté le 3 août 2021, la préfète du Gard l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 29 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) ". L'article R. 611-2 dudit code ajoute que : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger résidant habituellement en France présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

3. Il ressort des pièces du dossier que, saisi de la situation de Mme C... lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé, par un avis du 2 mars 2020, que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins devaient, en l'état, être poursuivis pendant une durée de douze mois. Pour décider, par l'arrêté attaqué du 3 août 2021, d'obliger Mme C... à quitter le territoire français, la préfète du Gard s'est fondée sur ce que les soins nécessités par son état de santé lui avaient bien été apportés pendant une durée de douze mois suivant l'avis du collège de médecins et sur ce qu'elle ne remplissait donc plus les conditions prévues pour se voir délivrer un titre de séjour pour motif médical, d'autant qu'elle n'en avait pas sollicité le renouvellement.

4. Toutefois, d'une part, il est constant que l'autorité préfectorale n'avait pas expressément statué sur la demande de titre de séjour de l'appelante avant de prendre l'arrêté en litige et que l'intéressée n'avait pas même été informée du sens de l'avis du collège de médecins de l'office. Par suite, l'administration ne pouvait pas sérieusement lui reprocher de n'avoir pas sollicité le renouvellement d'un titre de séjour dont elle n'avait jamais été bénéficiaire. D'autre part, la seule circonstance que ledit collège ait indiqué, le 2 mars 2020, que les soins devaient se poursuivre pendant une durée de douze mois n'était pas suffisante, en l'absence de toute autre information sur l'évolution de l'état de santé de Mme C..., pour permettre de considérer l'intéressée comme n'étant plus susceptible d'entrer dans le champ des dispositions précitées à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, la préfète du Gard ne pouvait pas légalement prononcer une mesure d'éloignement sans recueillir préalablement un nouvel avis du collège de médecins dans les conditions rappelées au point 2 ci-dessus. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir qu'il n'a pas été procédé à un examen suffisant de sa situation avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, ni de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en cause, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de ses motifs, que la préfète du Gard réexamine la situation de Mme C..., dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme C... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir de l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Viens, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Viens d'une somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Gard du 13 août 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Gard de réexaminer la situation de Mme C... et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Viens, avocate de Mme C..., une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Anne-Catherine Viens.

Copie en sera adressée à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00129
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS VIENS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-06;22tl00129 ?
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