Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2104771 du 12 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, sous le n° 22BA00207, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL20207, Mme B..., représentée par Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 novembre 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et ordonner le réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
Sur le bien-fondé du jugement :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors qu'il mentionne à tort qu'elle est du genre masculin, qu'il ignore les éléments portés à la connaissance de l'administration dans sa lettre du 16 juin 2021, tels que sa fuite de son pays d'origine en raison des violences, abus sexuels et excision qu'elle a subis dans le cadre de son mariage forcé ainsi que son impossibilité de se présenter à l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile compte tenu de sa grossesse pathologique l'empêchant de se déplacer et qu'il a été pris de façon automatique alors que la Cour nationale du droit d'asile avait rejeté sa demande sans lui avoir permis de présenter des observations à l'audience et sans tenir compte de ses observations sérieuses à l'encontre du rejet abusif de sa demande ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 33 de la convention de Genève, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les dispositions combinées des articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 11 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juillet 2022 à 12 heures.
Un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, a été présenté pour le préfet de la Haute-Garonne et n'a pas été communiqué.
Par une décision du 16 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, née le 14 juin 1995 à Sinfra (Côte d'Ivoire), est entrée sur le territoire français le 5 janvier 2019. Sa demande d'asile présentée le 23 avril 2019 a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 mai 2021, notifiée le 2 juin 2021. Par un arrêté du 6 juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de ces décisions, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 12 novembre 2021 dont Mme B... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal.
3. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté du 6 juillet 2021 que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'encontre de Mme B... sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant l'adoption de cette mesure d'éloignement lorsque l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 de ce code. Si cet arrêté comporte des mentions inexactes s'agissant du genre de l'intéressée et de son statut marital, ces erreurs purement matérielles sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. En outre, le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision les éléments prétendument portés à sa connaissance par Mme B... dans sa lettre du 16 juin 2021 dont la réception par les services préfectoraux n'est, au demeurant, pas établie dès lors que, d'une part, les craintes invoquées par cette dernière en cas de retour dans son pays d'origine de persécutions personnelles de la part de sa famille ou de son précédent conjoint et d'excision de sa fille constituaient de simples allégations peu circonstanciées et que, d'autre part, il ne lui appartenait pas de se prononcer ni de tirer des conséquences de l'irrégularité supposée de la procédure suivie devant la Cour nationale du droit d'asile. Enfin, si Mme B... reproche au préfet de ne pas avoir examiné les risques qu'elle encourt en cas de retour en Côte d'Ivoire, l'arrêté mentionne cependant qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle et notamment du risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", aux termes de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
5. Si, ainsi que le fait valoir Mme B..., le bénéfice du doute doit être accordé au demandeur d'asile lorsqu'il s'agit d'apprécier la crédibilité de sa déclaration, il incombe néanmoins à ce demandeur de fournir des explications cohérentes de nature à ne pas faire douter de la véracité de son récit. L'intéressée se prévaut de craintes de persécutions et de violences personnelles liées au mariage que lui a imposé sa famille et de craintes de voir sa fille exposée à un risque d'excision en cas de retour en Côte d'Ivoire. Il ressort toutefois de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 mai 2021 que Mme B... n'a fourni devant l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, et en particulier, lors de l'entretien dont elle a bénéficié le 4 février 2020, que des déclarations très peu circonstanciées ou personnalisées, voire schématiques et peu cohérentes et, par suite, peu crédibles sur les faits allégués qui seraient à l'origine de son départ de la Côte d'Ivoire. En outre, l'appelante qui se borne à faire état de publications anciennes, datant de 2016, de la commission de l'immigration et du statut de réfugié au Canada et d'un quotidien ivoirien sur la pratique du mariage forcé en Côte d'Ivoire, n'apporte dans la présente instance aucun élément personnalisé de nature à établir la réalité des risques invoqués. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Si Mme B... soutient qu'elle a donné naissance, le 17 juin 2021, à Toulouse, à un fils pour lequel elle a présenté le 28 juillet 2021 une demande de protection de la France, l'enregistrement de cette demande de protection, qui est intervenue postérieurement à l'intervention de l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, est toutefois sans incidence sur la légalité de cette mesure. Cette circonstance est seulement de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile eu égard aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions combinées des articles 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent qu'être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 6 juillet 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20207