La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°22TL00168

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 22 septembre 2022, 22TL00168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103506 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier

2022, sous le n° 22MA00168 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103506 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2022, sous le n° 22MA00168 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00168 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme A... B... épouse C..., représentée par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ou, à défaut, de procéder au réexamen de son dossier et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement ne mentionne pas la situation familiale complète de son époux et se trouve ainsi entaché d'un défaut de motivation ;

- en s'abstenant de prendre en compte les conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de l'enfant du couple qui sera séparée de son père et de sa sœur, le jugement est entaché d'un défaut d'examen réel et complet du moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté du préfet rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas suffisamment motivé au regard des circonstances invoquées et le jugement attaqué, qui écarte le moyen tiré du défaut de motivation, est entaché d'une erreur de droit ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté pris à son encontre par le préfet de l'Hérault n'est pas suffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intérêt supérieur de son enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est méconnu dès lors que l'arrêté entraîne une séparation de son enfant avec son père ;

- en refusant son admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B... épouse C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabert, président,

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse C... relève appel du jugement n° 2103506 du 1er octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2021 du préfet de l'Hérault lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse C... est entrée en France dans le courant du mois d'août 2019 à l'âge de 24 ans et s'est mariée le 15 février 2020 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025. Le couple a donné naissance à une fille le 24 septembre 2020 et il ressort également des pièces du dossier que le conjoint de la requérante s'occupe de sa première fille née le 18 février 2013 d'une précédente union et dont la mère réside régulièrement en France en qualité de réfugiée. La requérante verse également au débat des photographies qui attestent de l'existence de relations entre les deux filles mineures de son époux. Si, comme le soutient en défense le préfet de l'Hérault, la requérante et sa fille relèvent de la procédure du regroupement familial qui n'a pas été mise en œuvre, l'exécution de l'arrêté du préfet portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français aurait pour effet soit de priver l'enfant de la présence de sa mère pour le cas où cette enfant resterait en France aux côtés de son père, soit de la présence de son père dans le cas inverse où elle accompagnerait sa mère en Arménie, alors que son père s'occupe de ses deux filles mineures vivant en France. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'arrêté attaqué doit être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de la fille mineure de la requérante née en France et qui était âgée de six mois à la date de cet arrêté. Par suite, le moyen tiré de la violation par l'arrêté attaqué de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être accueilli.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... épouse C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme B... épouse C... un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de sa notification. Il y a lieu également d'ordonner au préfet de l'Hérault de remettre à l'intéressée dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme B... épouse C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Moulin, avocat de Mme B... épouse C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Moulin de la somme de 1 400 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103506 du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer à Mme B... épouse C... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer un titre de séjour à Mme B... épouse C... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêté et de le lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Moulin, avocat de Mme B... épouse C..., une somme de 1 400 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de l'Hérault et à Me Moulin.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président assesseur,

X. Haïli La greffière,

M.-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL00168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00168
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-22;22tl00168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award