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20/09/2022 | FRANCE | N°22TL00050

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 septembre 2022, 22TL00050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 avril 2021 portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours.

Par un jugement n° 2104593 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 6 janvier 2022, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marsei

lle, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en production...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 avril 2021 portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours.

Par un jugement n° 2104593 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 6 janvier 2022, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en production de pièces, Mme C... représentée par Me Bautès, demande à la cour :

1°) d'être admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence temporaire sur le fondement de l'article L 911-1 du code de justice administrative dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte ;

5°) à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de son conseil ou à défaut au bénéfice de la requérante ;

Elle soutient que :

- le préfet a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de l'existence d'une vie commune avec son futur époux depuis le mois d'août 2020, antérieure au mariage célébré le 9 janvier 2021 ; le caractère récent d'un mariage ne saurait fonder un refus de séjour dès lors qu'il doit être tenu compte de la vie commune antérieure ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle vit en France depuis le 22 septembre 2017 et justifie d'une vie commune avec son mari titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et qu'elle a par ailleurs développé de nombreux liens amicaux en France, où elle est particulièrement bien insérée ;

- si le préfet lui oppose l'absence de mise en œuvre de la procédure de regroupement familial, pour lui refuser la délivrance du certificat de résidence d'un an prévu, alors qu'elle entre dans la catégorie des personnes pouvant relever d'une telle procédure, cette absence de recours à la procédure de regroupement familial ne saurait à elle seule fonder le refus de séjour ; de plus, elle ne pouvait retourner en Algérie afin de solliciter un visa au titre du regroupement familial au risque d'être séparée de son époux ;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la vie commune avec son époux depuis le mois d'août 2020, du mariage le 9 janvier 2021 et des liens tissés en France et compte tenu par ailleurs de ses fonctions de bénévole au sein de l'association " Union locale de la CLCV de Montpellier " ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le centre de sa vie privée et familiale se trouve en France ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., épouse B... C..., ressortissante algérienne née le 29 mai 1994, est entrée en France le 22 septembre 2017 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Elle a bénéficié, le 6 mars 2018, d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant ", valable du 29 janvier 2018 au 29 janvier 2019, renouvelé jusqu'au 28 janvier 2021.

2. Mme C... a sollicité le 28 janvier 2021 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Elle demande l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 29 avril 2021 portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien :

3. En premier lieu, contrairement à ce que la requérante fait valoir, par un moyen qui relève de l'erreur de droit, le préfet ne s'est pas fondé à priori sur le caractère récent du mariage pour lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, mais a considéré que le seul fait de ce mariage était insuffisant pour lui délivrer un certificat de résidence.

4. En deuxième lieu aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il résulte des stipulations précitées que leur application est subordonnée à la question de l'ancienneté de la présence en France, et à l'existence et à l'intensité des liens familiaux et personnels en France. Le préfet, alors même que la requérante, pour établir la vie commune avec son époux, s'est bornée en première instance à produire des quittances de loyer aux deux noms établies pour les mois de mars, avril et mai 2021, ne remet pas en cause l'existence d'une vie commune à la date de la décision du 29 avril 2021 de refus de certificat de résidence, mais, comme il l'indique dans son mémoire en défense en première instance, fait valoir que l'ancienneté de la vie commune depuis août 2020, alléguée par Mme C..., n'est pas établie. À cet égard, pas plus en appel qu'en première instance, Mme C... n'a justifié , en se bornant à produire trois billets de train entre Paris et Montpellier de 2020, de l'ancienneté et de l'intensité des liens l'unissant à M. B..., avant le mariage intervenu le 9 janvier 2021.

6. Dans ces conditions, en dépit des éléments produits par Mme C..., au titre de la vie personnelle tendant à démontrer une volonté d'intégration en France, le préfet de l'Hérault a pu, compte tenu de l'absence d'éléments de nature à établir l'ancienneté et l'intensité des liens unissant la requérante à son mari, M. B..., sans commettre ni d'erreur de fait quant à l'ancienneté de son séjour, ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées de l de l'article 6 5) de l'accord franco-algérien, ni méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence. La circonstance, par ailleurs invoquée, selon laquelle l'instruction ministérielle du 15 août 2020 a instauré des restrictions à la circulation des personnes venant d'Algérie, ce qui aurait dissuadé son conjoint d'entreprendre une procédure de regroupement familial, ne peut qu'être écartée dès lors qu'en tout état de cause à la date de la décision attaquée, comme l'indique la requérante elle-même ces restrictions avaient été levées par l'ordonnance du Conseil d'État du 21 janvier 2021 n° 447878, qui a suspendu l'exécution de la circulaire n° 6239/SG du Premier ministre du 29 décembre 2020 en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogations à l'interdiction d'entrée en France pour les bénéficiaires d'un visa au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale et qui a également suspendu l'instruction donnée par le ministre de l'intérieur de ne pas délivrer les visas demandés dans le cadre de ces procédures est suspendue.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

7. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire, fondée sur le 3° du I des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige, n'a pas, en vertu de l'avant dernier alinéa du I dudit article L. 511-1 du même code, à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour, qui est suffisamment motivée aussi bien au regard des éléments de droit que de fait, ce que ne conteste pas la requérante.

8. En deuxième lieu, le moyen invoqué contre l'obligation de quitter le territoire par voie d'exception d'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence doit être écarté compte tenu du rejet des conclusions dirigées contre ce refus.

9. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 3 du présent jugement, en prenant à l'encontre de Mme C..., une obligation de quitter le territoire le préfet n'a ni commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle, ni méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C..., épouse B..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL00050

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00050
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Pierre-Maurice BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BAUTES GEORGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-20;22tl00050 ?
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