La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2022 | FRANCE | N°21TL21598

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 15 septembre 2022, 21TL21598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Il'Yasovitch C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006117, 2006118 du 4 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril

2021 sous le n° 21BX01598 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Il'Yasovitch C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006117, 2006118 du 4 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2021 sous le n° 21BX01598 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL21598 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. C..., représenté par Me Brel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité russe et né le 29 janvier 1993 à Gvardeisk, déclare être entré en France le 5 janvier 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 3 avril 2020, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile le 12 novembre 2020. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. C... relève appel du jugement du 4 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. C..., qui est entré en France accompagné de son épouse, Mme F..., également de nationalité russe, ne se prévaut d'aucun lien particulier sur le territoire français, hormis la présence de cousins, alors qu'il détient des attaches en Russie, pays où résident notamment ses parents et l'un de ses frères. En outre, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour effet de séparer M. C... de son épouse, qui a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

5. Si M. C... mentionne les risques qu'il encourrait en cas de retour en Russie, cette circonstance est sans incidence sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui ne fixe pas, par elle-même, le pays de destination.

Sur la décision fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, M. C..., qui est d'origine tchétchène, soutient qu'il est exposé à des persécutions en cas de retour dans la Fédération de Russie de la part des autorités russes et tchétchènes en raison des opinions politiques que celles-ci lui imputent compte tenu de l'implication de certains de ses proches dans un attentat commis en 2015. Il soutient qu'il a été arrêté et torturé par les autorités tchétchènes en février 2015 à la suite d'une explosion qui aurait visé M. Ramzan Kadyrov, président tchétchène, en raison de ses liens de parenté avec M. H..., et de ses liens d'amitié avec M. G... considérés responsables de cette explosion. Toutefois, M. C... indique avoir résidé à Moscou entre mars 2015 et la fin de l'année 2016 sans y être inquiété et il se borne à produire des documents à caractère général mentionnant les arrestations arbitraires dont font l'objet les civils tchétchènes, en raison notamment de leurs liens familiaux avec de prétendus terroristes. En faisant seulement valoir son lien de parenté avec M. E..., il ne démontre pas avoir entretenu des liens d'une intensité particulière avec ce dernier. Il a par ailleurs déclaré, devant la cour nationale du droit d'asile, ne pas avoir de contact avec ce dernier et ne pas avoir fait ses études avec lui. Enfin, la circonstance que quatre de ses cousins aient obtenu le statut de réfugié en France est insuffisante pour démontrer l'existence de risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... Il'Yasovitch C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Julien Brel.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022.

La rapporteure,

V. B...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL21598


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 15/09/2022
Date de l'import : 18/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21TL21598
Numéro NOR : CETATEXT000046297926 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-15;21tl21598 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award