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13/09/2022 | FRANCE | N°21TL04854

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 13 septembre 2022, 21TL04854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination vers lequel il pourra être reconduit d'office, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la cha

rge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination vers lequel il pourra être reconduit d'office, d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée.

Par un jugement n° 2101825 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 21 décembre 2021 sous le numéro 21MA04854, puis, le 1er mars 2022 à la cour administrative d'appel de Toulouse sous le numéro 21TL04854, ainsi que par un mémoire et un dépôt de pièces, enregistrés à la cour administrative d'appel de Toulouse les 20 et 25 avril 2022, M. A..., représenté par Me Belaïche, demande à la cour :

1°) d'annuler ou de réformer le jugement n°2101825 du tribunal administratif de Nîmes du 28 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance du titre séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut de débat contradictoire et méconnaît les articles L. 114-6 et L.114-8 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 47 du code civil ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle méconnait les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 21 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire ;

- elle méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'un débat contradictoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 21 décembre 2021 puis, le 1er mars 2022, à la cour administrative d'appel de Toulouse, M. A... demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale.

Il soutient que :

- les dispositions du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale sont applicables au litige dès lors que la préfète de Gard s'est fondée sur un rappel à la loi prononcé à son encontre par le parquet d'Evry le 10 avril 2019 pour prendre les décisions contestées ;

- les dispositions du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel ;

- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux dans la mesure où, par une décision n° 2014-390 du 11 avril 2014, le conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale et qu'il soulève dans son mémoire les mêmes griefs d'inconstitutionnalité à l'encontre du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale qui n'est pas conforme aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ;

- il n'appartient pas aux tribunaux et cours administratives d'appel d'examiner le caractère sérieux de la question posée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire du 24 avril 1961, complété par les accords sous forme d'échanges de lettres du 11 avril 1986 et du 13 juillet 1989 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Teulière, premier conseiller,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, au mois de juin 2017. Il a alors été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Gard puis a sollicité, en janvier 2020, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 22 avril 2021, la préfète du Gard a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 28 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a notamment rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 avril 2021.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale : " S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République : 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance n°581067 du 7 novembre 1958 : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité qu'à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. En l'espèce, si l'arrêté querellé précise que l'intéressé a fait l'objet d'un rappel à la loi pour délivrance indue d'un document destiné à constater une identité, à savoir un passeport ivoirien n°18AT52254, en présentant un faux extrait du registre des actes de l'état civil ivoirien, la préfète du Gard n'a pas fondé l'arrêté en litige sur la circonstance que les faits reprochés au requérant avaient fait l'objet d'un rappel à la loi mais s'est livrée à une appréciation sur la portée de ces faits au regard de la demande d'admission au séjour dont elle était saisie, indépendamment du choix effectué par le procureur de la République de procéder ou non à un tel rappel.

5. Il résulte de ce qui précède, que les dispositions du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale ne sont pas applicables au présent litige. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres conditions relatives à son renvoi, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance du titre de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1°/ restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux terme de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

7. La décision attaquée cite notamment les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient le requérant, elle précise les éléments de fait qui la fondent, en particulier, l'irrégularité affectant l'extrait d'acte de naissance n°529 du 20 décembre 2001 qu'il a produit et lui permettait ainsi de comprendre les motifs du refus qui lui a été opposé. Par suite, elle est suffisamment motivée.

8. Aux termes de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à une administration est affectée par un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen et que ce vice est susceptible d'être couvert dans les délais légaux, l'administration invite l'auteur de la demande à la régulariser en lui indiquant le délai imparti pour cette régularisation, les formalités ou les procédures à respecter ainsi que les dispositions légales et réglementaires qui les prévoient. ". L'article L. 114-8 du même code dispose que : " (...). Une administration chargée de traiter une demande ou une déclaration mentionnée à l'alinéa précédent fait connaître à la personne concernée les informations ou données qui sont nécessaires à cette fin et celles qu'elle se procure directement auprès d'autres administrations françaises, qui en sont à l'origine ou qui les détiennent en vertu de leur mission. Le public est informé du droit d'accès et de rectification dont dispose chaque personne intéressée sur les informations et données mentionnées au présent article ".

9. En l'espèce, la préfète du Gard a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, pour des motifs de fond après examen de sa situation et ne s'est pas fondée sur un vice de forme ou de procédure affectant cette demande qui aurait fait obstacle à un tel examen, en sorte que le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a saisi les services préfectoraux, le 22 janvier 2020, en vue de l'obtention d'un titre de séjour, était en mesure de produire l'ensemble des éléments caractérisant sa situation et il lui appartenait de fournir toute pièce qu'il aurait lui-même jugée utile à l'instruction de sa demande, le préfet n'étant pas tenu de solliciter la production d'éléments supplémentaires. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 114-6 et L. 114-8 du code des relations entre le public et l'administration et du défaut d'instruction contradictoire doivent être écartés.

10. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".

11. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

12. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ce dernier dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, le juge administratif doit former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

13. Pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Gard a estimé que l'intéressé avait usé de faux documents, qu'il ne justifiait ainsi ni de sa nationalité ni de son état civil, et qu'il ne démontrait en conséquence pas sa minorité lors de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.

14. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit un extrait d'acte de naissance n° 529 du 20 décembre 2001, délivré le 8 février 2018. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'analyse du document effectuée par un policier analyste le 9 avril 2019 dans le cadre d'une procédure judiciaire initiée par le parquet d'Evry a conduit au constat, non sérieusement contesté, que son " formalisme général n'est pas respecté tout particulièrement la partie sous le cadre des mentions ", révélant ainsi une contrefaçon de cet acte. Il ressort également des pièces du dossier qu'à l'occasion d'une perquisition au domicile d'un tiers en date du 8 avril 2019, a été découvert un autre extrait d'acte de naissance n° 404 du 30 novembre 2000, également établi au nom de M. B... A... avec la même filiation mais comportant une date de naissance au 20 décembre 2000. L'analyse documentaire a également conclu à une contrefaçon de cet acte. Si l'appelant se fonde sur la production d'un nouvel extrait d'acte de naissance délivré le 29 avril 2021 et d'une copie intégrale délivrée le 15 décembre 2021 du registre des actes de l'état-civil pour l'acte n°529 du 20 décembre 2001, dont les signatures sont légalisées, le caractère probant de ces actes ne peut être déduit des seules légalisations de signature. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, les extraits d'acte délivrés les 8 février 2018 et 29 avril 2021 ne sont pas conformes, en l'absence de mentions de l'heure de naissance ou du sexe de l'enfant, au modèle fixé par décret du président de la République de Côte d'Ivoire n° 2019-805 du 2 octobre 2019. M. A... ne peut, en outre, se prévaloir de la circonstance qu'un passeport ainsi qu'une carte consulaire lui ont été délivrés respectivement les 31 janvier 2019 et 9 août 2018 sur présentation d'un document d'état-civil contrefait. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. A... a, à plusieurs reprises, fourni des indications contradictoires quant à sa date de naissance. Dans ces conditions, il ne ressort pas de l'ensemble des éléments produits par les parties que le requérant puisse être regardé comme ayant été confié au service de l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision en litige par laquelle la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 47 du code civil et des erreurs d'appréciation et de fait dont la décision contestée serait entachée ne peuvent qu'être écartés.

15. Si M. A... se prévaut des stipulations de l'article 21 de l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d'Ivoire aux termes desquelles : " Seront admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République de Côte-d'Ivoire les documents suivants établis par les autorités administratives et judiciaires de chacun des deux Etats : Les expéditions des actes de l'état civil (...) Les documents énumérés ci-dessus devront être revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, être certifiés conformes à l'original par ladite autorité. En tout état de cause, ils seront établis matériellement de manière à faire apparaître leur authenticité. ", celles-ci ne font toutefois pas obstacle au pouvoir d'appréciation par les autorités administratives de la sincérité des actes d'état-civil produits devant elles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

16. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

17. Il ressort des pièces du dossier et notamment des différents procès-verbaux d'audition produits que M. A..., qui a quitté la Côte d'Ivoire en avril 2017, déclare maintenir des liens avec sa mère qui demeure dans son pays d'origine. Par ailleurs, M. A... est célibataire, sans enfant et ne dispose pas de liens familiaux sur le territoire français. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour prise à son encontre porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Gard n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation du requérant avant de prendre la décision attaquée, dont la motivation se confond avec celle de la décision portant refus de droit au séjour, qui est suffisante ainsi qu'il a été dit au point 7.

19. En deuxième lieu, en invoquant le défaut de débat contradictoire, M. A... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il y a toutefois lieu d'écarter ce moyen, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 24 de son jugement.

20. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 17, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A... ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

21. Pour les motifs indiqués aux points 18 à 20, le requérant n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

22. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 avril 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions accessoires :

23. Il y a lieu, par voie de conséquence du rejet de ses conclusions à fin d'annulation, de rejeter les conclusions de M. A... à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

(Copie en sera adressée à la préfète du Gard)

Délibéré après l'audience du 30 août 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL04854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04854
Date de la décision : 13/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Questions générales.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-13;21tl04854 ?
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