La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2022 | FRANCE | N°19TL05036

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 13 septembre 2022, 19TL05036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de C... à lui verser une indemnité de 30 345,56 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 21 avril 2017, et capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703292 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, sous le n°19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de C... à lui verser une indemnité de 30 345,56 euros, avec intérêts à taux légal à compter du 21 avril 2017, et capitalisation des intérêts et de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703292 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, sous le n°19MA05036 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°19TL05036, Mme A... B..., représentée par Me Dillenschneider, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juillet 2019 ;

2°) d'annuler le refus implicite opposé à sa demande indemnitaire ;

3°) de condamner la commune de C... à lui verser une indemnité de 30 345,56 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 21 avril 2017 et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa réclamation préalable sollicitait l'indemnisation d'un préjudice moral en lien avec la procédure disciplinaire et en raison de l'absence d'attribution de missions au sein des services techniques, de sorte que sa demande d'indemnisation de ce chef de préjudice n'était pas irrecevable ;

- le tribunal devait relever un faisceau d'indices démontrant l'existence d'une faute et ne pas analyser une à une les irrégularités ;

- la commune a commis des fautes manifestées par la procédure disciplinaire engagée et la gestion de sa carrière depuis 2016 ;

- elle a commis une faute en lui imposant de poser ses congés annuels ;

- elle a également commis une faute en saisissant le conseil de discipline afin qu'elle soit révoquée alors qu'il n'existait aucune matérialité des faits de maltraitance envers les enfants qui lui étaient reprochés ;

- elle a également commis une faute en l'affectant aux services techniques sans lui confier aucune mission en raison de lourdes restrictions d'aptitudes médicales incompatibles avec le service ;

- l'engagement d'une procédure disciplinaire pour des faits tels que maltraitance sur enfant lui a causé une dépression réactionnelle ;

- elle a subi des troubles dans les conditions d'existence en raison de la perte de ses primes durant son congé de maladie ordinaire correspondent à la différence entre ce qu'elle aurait touché si elle avait pu normalement effectuer son service et la somme qu'elle a perçue, soit un montant de 1 345,56 euros ;

- elle a subi un préjudice moral lié à la dégradation de son état de santé et l'atteinte à sa réputation notamment parmi les parents fréquentant la crèche et les agents, évalué à 10 000 euros ;

- elle a subi un préjudice moral du fait de sa mutation au service technique où elle s'est sentie inutile et où l'immobilité et le stress ont aggravé son état de santé ; son préjudice a duré 19 mois jusqu'à sa nomination au service temps libre.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2020, la commune de C..., représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la réclamation du 21 avril 2017 de Mme B... portait uniquement sur l'indemnisation de troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral en raison de la saisine du conseil de discipline, qui correspond à un fait générateur distinct de celui lié à l'absence de mission confiée dans le cadre de ses fonctions ;

- aucune faute n'a été commise par la commune dans la gestion de la carrière de Mme B... et ses préjudices ne sont pas indemnisables ;

- Mme B... a été placée en congé annuel dans l'intérêt du service et par mesure de précaution au regard des signalements mettant en cause son comportement inadapté vis-à-vis des enfants ; la responsabilité de la commune aurait été engagée si un drame avait été à déplorer ; à supposer que le placement d'office en congé de maladie n'ait pas été autorisé, le préjudice de Mme B... n'est pas démontré ; seulement six jours après son placement en congé d'office, Mme B... a été placée en congé de maladie ordinaire ;

- un faisceau d'indices concordants mettait en cause le comportement de l'intéressée envers les enfants de la crèche, de sorte que l'autorité administrative était tenue de saisir le conseil de discipline ; le fait que les signalements portés à la connaissance du conseil de discipline n'aient finalement donné lieu à aucune sanction ne caractérise pas une faute de l'administration ;

- la commune a confié à Mme B... l'exécution de missions en lui adressant une fiche de poste prenant en compte les recommandations du médecin de prévention ; lorsque la commune a proposé à l'intéressée un nouveau poste au sein du pôle solidarité temps libre, elle a préféré demeurer au service technique, alors qu'elle contestait jusqu'alors sa mutation au sein de ce service ;

- Mme B... a adopté une attitude contradictoire, contestant sa mutation au service technique et lorsqu'un changement de poste lui est proposé, elle fait savoir finalement souhaiter rester dans ce service ;

- l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à corroborer la dépression réactionnelle qu'elle indique avoir développée à la suite de l'engagement de la procédure disciplinaire et à justifier un lien entre cet état dépressif et la saisine du conseil de discipline ; l'évaluation des préjudices qui en résulteraient n'est pas justifiée ;

- la commune a suivi les modalités de la procédure disciplinaire prévue par les textes, son préjudice moral à hauteur de 10 000 euros en raison d'une supposée brutalité de la procédure disciplinaire n'est pas justifié ;

- l'intéressée ne justifie pas s'être sentie inutile au service technique ; elle s'y plaisait au ayant d'ailleurs refusé son affectation au sein d'un autre pôle.

Par une ordonnance du 30 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2020 à 12h.

Par une décision du 25 octobre 2019, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique,

- le décret n°85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Merland pour la commune de C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent technique de deuxième classe, exerçait depuis 2002 des fonctions d'agent polyvalent à la crèche " les petits loups " de la commune de C... (Hérault). A la suite d'un rapport de son supérieur hiérarchique faisant état de comportements inadaptés envers les enfants, l'intéressée a été placée d'office, par décision du 7 avril 2016, en congés annuels du 8 avril au 23 mai 2016. Elle a été mutée au service des espaces verts par décision du 11 mai 2016. Puis l'intéressée a été placée, après avis du comité médical, en congé de maladie ordinaire à compter du 12 avril 2016 pour une durée d'un an. L'avis émis le 15 décembre 2016 par le conseil de discipline a été suivi par la collectivité qui n'a prononcé aucune sanction. L'intéressée a ensuite été mutée au service technique par décision du 21 février 2017. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande sollicitant la condamnation de la commune de C... à lui verser une somme de 30 345,56 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort de la réclamation du 21 avril 2017 que Mme B... sollicitait l'indemnisation d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence en raison de la mise en cause fautive de son comportement envers les enfants, sans invoquer l'indemnisation de tels préjudices du fait de l'absence d'attribution de missions depuis son affectation aux services techniques. Ainsi les conclusions de Mme B... demandant à être indemnisée des conséquences dommageables d'un fait générateur distinct de celui invoqué dans sa demande initiale, n'ont pas été précédées d'une décision administrative susceptible de lier le contentieux et n'ont pas donné lieu à une réponse au fond de l'administration au cours de l'instance devant le tribunal administratif. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté ces conclusions comme étant irrecevables.

3. En second lieu, le moyen tiré de que les premiers juges ont analysé une à une les irrégularités commises par la commune sans utiliser la méthode du faisceau d'indices, relève du bien-fondé du jugement et n'est pas susceptible d'affecter sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article 1 du décret du 26 novembre 1985 susvisé : " Tout fonctionnaire territorial en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. Les congés prévus à l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à l'article 57 et au troisième alinéa de l'article 74 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 sont considérés, pour l'application de cette disposition, comme service accompli.(...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le calendrier des congés définis aux articles 1er et 2 est fixé, par l'autorité territoriale, après consultation des fonctionnaires intéressés, compte tenu des fractionnements et échelonnements de congés que l'intérêt du service peut rendre nécessaires. Les fonctionnaires chargés de famille bénéficient d'une priorité pour le choix des périodes de congés annuels. ". Il résulte de ces dispositions que l'organisation des congés annuels est soumise à l'autorisation du chef du service qui peut les refuser ou les imposer lorsque les nécessités de services l'exigent.

5. D'autre part, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ". La mesure provisoire de suspension prise sur le fondement de ces dispositions ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire mais est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure de formuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.

6. La décision du 7 avril 2016 de la maire de C... plaçant Mme B... en congé annuels du 8 avril au 23 mai 2016 a été prise afin de l'éloigner de la structure petite enfance, à la suite d'un rapport du supérieur hiérarchique de l'intéressée signalant des comportements inadaptés envers des enfants. En plaçant Mme B... dans une telle position sans que les nécessités de service le justifient, alors qu'il appartenait dans ce cas à l'autorité hiérarchique de la suspendre de ses fonctions, la commune de C... a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. Mme B... n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir que la position de congé annuel d'office dans laquelle elle a été illégalement placée ait été pour elle à l'origine d'un préjudice direct et certain correspondant à la différence entre le salaire qu'elle aurait perçu si elle avait pu normalement effectuer son service et celui qui a été le sien. De la même manière, l'intéressée ne justifie pas plus en appel qu'en première instance que son placement en congé annuel d'office ait été à l'origine d'un préjudice moral correspondant à une atteinte à sa réputation.

8. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que le préjudice financier que Mme B... allègue avoir subi du fait de son placement en congé de maladie ordinaire soit en lien direct et certain avec son placement en congé annuel d'office.

9. La commune de C..., à laquelle il appartenait d'apprécier l'opportunité des poursuites disciplinaires, a saisi le conseil de discipline de faits de maltraitance physique et psychologique ainsi que des comportements inadaptés de Mme B... avec l'équipe professionnelle, à la suite d'un rapport du supérieur hiérarchique de l'intéressée et de l'audition de trois personnes, collègues et parents d'enfants de la crèche. Ces faits présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier l'éloignement de l'intéressée du service et de l'engagement de poursuites disciplinaires. Dans ces conditions, la commune n'a pas commis de faute en saisissant le conseil de discipline, alors même que la matérialité des faits a finalement été regardée comme n'étant pas établie.

10. Ainsi qu'il a été dit indiqué au point 2, la demande de Mme B... sollicitant l'engagement de la responsabilité de la commune pour ne pas lui avoir confié de mission lors de son affectation aux services techniques est irrecevable, faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable. La circonstance qu'elle a présenté une telle demande au cours de la présente instance d'appel, le 15 février 2020, qui a été rejetée le 11 mars 2020, n'a pu avoir pour effet de régulariser l'irrecevabilité entachant sa demande de première instance. Par suite, ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent être rejetées.

11. Il résulte de ce qui précède Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de C....

Délibéré après l'audience du 30 août 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19TL05036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19TL05036
Date de la décision : 13/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : MB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-13;19tl05036 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award