Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence de l'abbaye a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la restitution partielle des cotisations primitives de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que le remboursement d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des mêmes années.
Par un jugement n° 1803843 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la restitution des cotisations primitives de taxe sur les salaires auxquelles l'établissement Résidence de l'abbaye a été assujetti, et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février 2020 et 2 septembre 2021 sous le n° 20BX00530 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL20530 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, l'établissement Résidence de l'abbaye, représenté par Me Nassiet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des années 2014 à 2016 ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des années 2014, 2015 et 2016, pour un montant total de 179 327 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son activité est assujettie à l'impôt sur les sociétés sur le fondement des articles 206 et 1654 du code général des impôts et il ne bénéficie pas de l'exonération prévue à l'article 207 du même code ;
- dans une mise à jour de la doctrine administrative, l'administration a reproduit un rescrit dans lequel elle se range à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne pour la détermination du caractère lucratif d'une mutuelle pour apprécier le droit au remboursement du crédit d'impôt revendiqué.
Par deux mémoires, enregistrés les 15 septembre 2020 et 16 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de l'établissement Résidence de l'abbaye.
Vu le jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Nassiet, représentant l'établissement Résidence de l'abbaye.
Une note en délibéré, présentée pour l'établissement Résidence de l'abbaye, a été enregistrée le 8 juillet 2022.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence de l'abbaye, établissement public situé à Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne), a sollicité le remboursement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des années 2014, 2015 et 2016, en revendiquant l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Après le rejet de sa réclamation, l'établissement a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer ce remboursement. L'établissement Résidence de l'abbaye relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 244 quater C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les entreprises imposées [à l'impôt sur les sociétés] d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 decies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement (...) ".
3. Aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " et aux termes du premier alinéa de l'article 1654 du même code : " Les établissements publics (...) doivent (...) acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions des articles 206 et 1654 du code général des impôts qu'un établissement public n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés si le service qu'il gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d'une exploitation à caractère lucratif. Doivent, notamment, être regardés comme gérés dans des conditions particulières de nature à faire regarder leur exploitation comme non lucrative les services destinés à un public ne pouvant accéder aux prestations offertes par les entreprises commerciales et dont les tarifs sont, à cet effet, soit inférieurs à ceux du secteur concurrentiel, compte tenu de l'incidence des impôts commerciaux supportés par ce dernier, soit modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
6. Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui sont exploités par des établissements publics, des établissements privés à but non lucratif ou des établissements privés à but lucratif, fournissent à leurs résidents des prestations de soins, d'assistance à la dépendance et d'hébergement, en ce compris notamment la restauration, l'animation et le blanchissage. Les prestations de soins sont, quel que soit le type d'établissement, prises en charge par l'assurance maladie. Les prestations d'assistance à la dépendance, dont le tarif est fixé par le président du conseil départemental quel que soit le type d'établissement, sont à la charge des résidents sous réserve de leurs droits à l'allocation personnalisée d'autonomie, en fonction de leur niveau de ressources et de dépendance. Les prestations d'hébergement sont à la charge des résidents sauf si, du fait de leur niveau de ressources, ils bénéficient pour tout ou partie de l'aide sociale à l'hébergement et, dans un tel cas, le tarif de l'hébergement est fixé par le président du conseil départemental.
7. L'établissement Résidence de l'abbaye est un établissement public régi par l'article L. 315-9 du code de l'action sociale et des familles relatif aux établissement publics sociaux et médico-sociaux. Il a pour objet de fournir aux personnes âgées dépendantes qu'il accueille, des prestations de soins, d'assistance à la dépendance et d'hébergement, en ce compris notamment la restauration, l'animation et le blanchissage. Eu égard à leur nature, ces prestations peuvent aussi être rendues par des établissements exploités par des entreprises commerciales.
8. Il résulte de l'instruction que, pour ce qui concerne les prestations de soins et d'assistance à la dépendance, les conditions d'exploitation de l'établissement Résidence de l'abbaye ne se distinguent pas, compte tenu des modalités de leur détermination et de leur prise en charge par la collectivité publique, de celles des établissements gérés par des entreprises commerciales. Toutefois, pour ce qui concerne les prestations d'hébergement, le ministre fait valoir, sans être contredit, que l'établissement Résidence de l'abbaye est habilité, pour la totalité de ses places, à l'aide sociale à l'hébergement visée à l'article L. 231-4 du code de l'action sociale et des familles, dont le montant est modulé en fonction des ressources, conformément à l'article L. 231-2 du même code. Compte tenu de la part des prestations d'hébergement dans le coût des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à la charge des résidents, sous réserve de leurs droits à l'allocation personnalisée d'autonomie et, le cas échéant, à l'aide sociale à l'hébergement, l'établissement Résidence de l'abbaye propose un service destiné à des personnes âgées dépendantes disposant de faibles ressources, ne pouvant accéder aux prestations offertes par les établissements privés à but lucratif qui, en général, ne proposent pas ou proposent en nombre très limité des places éligibles à l'aide sociale à l'hébergement.
9. A cet effet, d'une part, le tarif de l'hébergement est fixé par le président du conseil départemental, conformément au 3° du I de l'article L. 314-2 du même code, à un niveau le plus souvent inférieur à ceux proposés par les établissements privés à but lucratif, lorsqu'ils sont fixés librement. A cet égard, le ministre fait valoir, sans être contredit, que les tarifs d'hébergement des établissements privés à but lucratif situés dans le Tarn-et-Garonne, tel l'établissement Les floralies, sont supérieurs de 25 % au moins à ceux de l'établissement requérant. D'autre part, le montant de l'aide sociale à l'hébergement accordé aux résidents éligibles de l'établissement Résidence de l'abbaye est modulé en fonction de leurs ressources et peut couvrir le coût total de l'hébergement. Par conséquent, l'établissement Résidence de l'abbaye ne relève pas, eu égard aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d'une exploitation à caractère lucratif. La circonstance qu'il aurait des méthodes commerciales comparables à celles des établissements exploités par des entreprises commerciales est sans incidence à cet égard. C'est donc à bon droit que l'administration a estimé qu'il ne pouvait être assujetti à l'impôt sur les sociétés et, partant, bénéficier du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
10. En second lieu, l'interprétation administrative énoncée dans un rescrit publié au bulletin officiel des finances publiques le 12 juin 2019 sous la référence BOI-RES-000013, auquel renvoie le paragraphe 50 des commentaires administratifs publiés le même jour sous la référence BOI-BIC-RICI-10-150-30, est postérieure aux années d'imposition en litige. L'établissement Résidence de l'Abbaye ne peut donc s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales. Au surplus, cet établissement n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine qui, en tout état de cause, ne contient aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ci-dessus.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement Résidence de l'abbaye n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à l'établissement requérant, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'établissement Résidence de l'abbaye est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence de l'abbaye et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Fabien, présidente assesseure,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.
La rapporteure,
V. A...Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL20530 2