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06/07/2022 | FRANCE | N°21TL24050

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juillet 2022, 21TL24050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'a invité à qu

itter le territoire français et l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ari...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'a invité à quitter le territoire français et l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Mme G... E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'a invitée à quitter le territoire français et l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2103332-2103334-2103430-2103431 du 16 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2021, sous le n° 21BX04050 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 21TL24050 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme E... épouse A..., représentée par M. C..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 de la préfète de l'Ariège en ce qu'elle a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a octroyé un délai de trente jours pour exécuter la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, l'arrêté du 4 juin 2021 de la préfète de l'Ariège en ce qu'elle l'a invitée à quitter le territoire français et l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'une semaine à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a statué infra petita sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans répondre à l'argument relatif aux risques encourus dans le pays d'origine ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur le motif tiré de ce que la préfète de l'Ariège pouvait prendre une nouvelle obligation de quitter le territoire français malgré l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par un jugement devenu définitif ;

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a procédé à une substitution de motifs sans chercher à examiner la situation personnelle des intéressés en ce qui concerne la décision interdisant son retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois ;

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision l'assignant à résidence méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'arrêté du 26 avril 2021 pris dans son ensemble :

- il est entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement devenu définitif par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé le pays de destination empêche la préfète de l'Ariège de reprendre la même décision et de poursuivre l'éloignement de l'exposante qui n'entre plus dans les cas pour lesquels une obligation de quitter le territoire français peut être délivrée ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision octroyant un délai de trente jours :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation justifie que le préfet lui accorde un délai supérieur à trente jours ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne peut suffire à caractériser un changement de circonstance de fait ou de droit permettant de faire obstacle au jugement devenu définitif par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé le pays de destination ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'alinéa 6 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision en date du 7 juin 2021 portant assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 21 avril 2021 et de la décision portant refus de titre de séjour du 4 juin 2021 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2021, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 15 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2022.

II- Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2021, sous le n° 21BX04050 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 21TL24050 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. A..., représenté par M. C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 de la préfète de l'Ariège en ce qu'elle a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a octroyé un délai de trente jours pour exécuter la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, l'arrêté du 4 juin 2021 de la préfète de l'Ariège en ce qu'elle l'a invité à quitter le territoire français et l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'une semaine à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a statué infra petita sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans répondre à l'argument relatif aux risques encourus dans le pays d'origine ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur le motif tiré de ce que la préfète de l'Ariège pouvait prendre une nouvelle obligation de quitter le territoire français malgré l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par un jugement devenu définitif ;

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a procédé à une substitution de motifs sans chercher à examiner la situation personnelle des intéressés en ce qui concerne la décision interdisant son retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois ;

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision l'assignant à résidence méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'arrêté du 26 avril 2021 pris dans son ensemble :

- il est entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement devenu définitif par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé le pays de destination empêche la préfète de l'Ariège de reprendre la même décision et de poursuivre l'éloignement de l'exposant qui n'entre plus dans les cas pour lesquels une obligation de quitter le territoire français peut être délivrée ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision octroyant un délai de trente jours :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation justifie que le préfet lui accorde un délai supérieur à trente jours ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne peut suffire à caractériser un changement de circonstance de fait ou de droit permettant de faire obstacle au jugement devenu définitif par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé le pays de destination ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 12 mois :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'alinéa 6 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision en date du 7 juin 2021 portant assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 21 avril 2021 et de la décision portant refus de titre de séjour du 4 juin 2021 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2021, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 15 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Nathalie Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants albanais nés respectivement le 1er juillet 1977 et le 25 novembre 1979, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 17 septembre 2018, accompagnés de leur enfant majeur, M. B... A..., ainsi que de leur enfant mineur, D.... Par des décisions en date du 31 mai 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leur demande d'asile. Par des arrêtés en date du 24 juillet 2019, la préfète de l'Ariège les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et les a assignés à résidence. Par un jugement en date du 2 août 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés précités en ce qu'ils fixent l'Albanie comme pays de renvoi. Par une décision en date du 23 octobre 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les recours formés par les requérants à l'encontre des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2019. Par arrêtés en date du 26 avril 2021, la préfète de l'Ariège les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi de la mesure d'éloignement et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. A la suite de leurs demandes d'admission exceptionnelle au séjour en date du 4 mai 2021, la préfète de l'Ariège a édicté, le 4 juin 2021, deux arrêtés portant rejet de ces demandes et les invitant à quitter le territoire français. Enfin, par deux arrêtés en date du 7 juin 2021, la préfète de l'Ariège a assigné M. et Mme A... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. et Mme A... font appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces derniers arrêtés.

2. Ces requêtes, enregistrées sous les n° 21TL24050 et 21TL24051, présentent à juger des questions semblables. Il y a, dès lors, lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

3. M. et Mme A... n'ont pas déposé de demande d'aide juridictionnelle depuis l'enregistrement de leurs requêtes. Par suite et en l'absence d'urgence, il n'y a pas lieu de les admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement :

4. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En tout état de cause, l'argument tenant aux risques encourus par les requérants en cas de retour dans leur pays d'origine est sans incidence sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point.

5. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a expressément répondu, dans son point 12, au moyen tiré de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français au regard de l'annulation par ce tribunal de précédentes décisions fixant l'Albanie comme pays de destination des requérants et ce, alors même que ce moyen était inopérant. Par suite, son jugement n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point.

6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le

juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement

justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également

fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après

avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi

sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis

d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle

s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution

demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale

liée au motif substitué. En l'espèce, il ressort de la lecture même du jugement de première instance, et notamment de son point 23, que la substitution de motif était demandée par la préfète de l'Ariège pour fonder les décisions en date du 26 avril 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois au regard de la situation existante à la date de ces décisions. Le jugement n'est donc, par suite, pas irrégulier. Le moyen tiré de ce que le magistrat désigné n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle des requérants pour opérer la substitution de motifs concerne, en tout état de cause, le bien-fondé du jugement et non pas sa régularité.

7. Si M. et Mme A... soutiennent que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort des pièces du dossier qu'un tel moyen ait été soulevé en première instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés de la préfète de l'Ariège en date du 26 avril 2021 :

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées au 9° l'article L. 611-3 de ce code, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article R. 611-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ".

9. D'une part, les requérants soutiennent que M. A... souffre d'un diabète de type I depuis seize ans et de troubles dépressifs et que leur fille, née le 13 novembre 2020, présente des troubles de l'audition. Toutefois, ils se bornent à produire des certificats médicaux montrant que M. A... nécessite plusieurs injections d'insuline quotidiennement, comme cela est le cas depuis seize ans, et est suivi au centre médico-psychologique de Foix. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui n'a d'ailleurs pas déposé de demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. De même, les requérants se bornent à produire des documents médicaux ne faisant état pour leur fille, que d'une gêne auditive légère justifiant de " nouvelles explorations objectives " dans quelques mois. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a pu, sans ordonner de mesures complémentaires, écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. D'autre part, pour les mêmes motifs que cités au point 9, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'un vice de procédure au regard des dispositions précitées de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En deuxième lieu, les moyens tirés du vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance de ces dispositions sont sans incidence sur la légalité des mesures d'éloignement attaquées, qui n'ont pas pour objet de refuser un titre de séjour aux requérants.

12. En troisième lieu, la circonstance qu'un jugement en date du 2 août 2019 du tribunal administratif de Toulouse ait annulé les arrêtés du 24 juillet 2019 en tant qu'ils fixaient l'Albanie comme pays de destination de la reconduite à la frontière des requérants n'emportait pas comme conséquence l'interdiction, pour l'autorité préfectorale, d'édicter à leur encontre de nouveaux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". L'article 3 de la même convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de désigner un pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ou que le défaut de prise en charge médicale emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour la fille des requérants.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au

respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y

avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette

ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société

démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être

économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés en France le 17 septembre 2018, respectivement à l'âge de trente-huit ans et quarante-et-un ans. Ils ont vécu l'essentiel de leur vie dans leur pays d'origine et ne se sont maintenus sur le territoire français qu'au bénéfice de demandes d'asile, qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2019 et par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre suivant. Ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que la situation de leur fils majeur au regard du droit au séjour serait en cours de régularisation, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions octroyant un délai de départ de trente jours :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le présent arrêt rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par conséquent, les moyens tirés du défaut de base légale des décisions accordant un délai de

départ volontaire doivent être écartés.

16. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle des requérants justifie un délai de départ supérieur à trente jours. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le présent arrêt rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par conséquent, les moyens tirés du défaut de base légale des décisions fixant le pays de renvoi des mesures d'éloignement doivent être écartés.

18. En second lieu, l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à un jugement d'annulation et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire rend illégales les décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

19. M. et Mme A... se prévalent du jugement définitif du 2 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions de la préfète de l'Ariège du 26 juillet 2019 fixant l'Albanie comme pays à destination duquel pouvaient être exécutées les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre le 26 juillet 2019 à la suite du rejet de leurs demandes d'asile. Toutefois, les décisions à présent contestées qui fixent l'Albanie comme pays de renvoi sont prises pour l'exécution des nouvelles obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre le 26 avril 2021. Elles ne constituent pas des décisions consécutives aux précédentes obligations du 26 juillet 2019 ou aux décisions fixant le pays de destination, qui ont été annulées par le tribunal administratif, et qui n'auraient pu être légalement prises en l'absence de ces décisions annulées fixant le pays de destination. En outre, en l'espèce, dès lors que la préfète de l'Ariège a mis en mesure les intéressés de présenter des observations sur les risques personnels et actuels éventuellement encourus en cas de retour dans leur pays d'origine, elles ne peuvent être regardées comme intervenues en raison des décisions annulées fixant le pays de destination. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions du 26 avril 2021 fixant l'Albanie comme pays de renvoi méconnaîtraient l'autorité absolue de la chose jugée par le tribunal administratif de Toulouse le 2 août 2019.

En ce qui concerne les décisions interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois :

20. En premier lieu, les décisions attaquées visent les dispositions dont il est fait

application et mentionnent les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de

M. et Mme A... sur lesquels elles se fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de

motivation des décisions contestées doit être écarté.

21. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision

motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le

territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation

de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à

l'étranger (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du

présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de

quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée

maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

(...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi

que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont

décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger

sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la

circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour

l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

22. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... ont fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire, dont la légalité a été confirmée par le tribunal, qu'ils sont entrés récemment sur le territoire français et ont gardé de fortes attaches en Albanie, pays dans lequel ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de trente-huit et quarante-et-un ans. Par suite, et alors même qu'ils ne présentent pas une menace pour l'ordre public, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard du 6ème alinéa du III de l'article L. 511-1 précité doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés de la préfète de l'Ariège en date du 7 juin 2021 portant assignation à résidence :

23. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité des arrêtés du 26 avril 2021 portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans doivent être écartés.

25. En deuxième lieu, les décisions attaquées comportent l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Par suite, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté.

26. En dernier lieu, la motivation de l'arrêté attaqué révèle que la préfète de l'Ariège a procédé à un examen circonstancié de la situation de M. et Mme A.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen sérieux de leur situation personnelle doit être également écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme A... ne sont pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à Mme G... E... épouse A..., à Me Bertrand C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL24050, 21TL24051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL24050
Date de la décision : 06/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BILLA;BILLA;BILLA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-06;21tl24050 ?
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