La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2022 | FRANCE | N°21TL04038

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21TL04038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et de lui allouer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis

trative ;

Par un jugement n° 2002858 du 21 septembre 2021, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et de lui allouer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 2002858 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. B... et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2021, sous le n°21MA04038 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04038, M. B..., représenté par Me Jarraya, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet prise par le préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement, insuffisamment motivé, méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ainsi que le droit, garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;

- la décision contestée est entachée d'insuffisance de motivation alors qu'il avait demandé au préfet de lui en communiquer les motifs ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par ordonnance du 15 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 24 septembre 1988, de nationalité algérienne, est entré en France de manière irrégulière le 30 mars 2018. Il a sollicité, le 10 janvier 2020, auprès des services de la préfecture des Pyrénées-Orientales, la délivrance d'un certificat de résidence. Cette demande a été implicitement rejetée. M. B..., qui a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Montpellier, relève appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel ce tribunal a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de sa requête.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont accueilli l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet des Pyrénées-Orientales aux motifs qu'en cours d'instance, cette autorité a pris à l'encontre de M. B..., par un arrêté du 28 juin 2021 régulièrement notifié à l'intéressé à la dernière adresse connue du service, une décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et que " cet arrêté a implicitement mais nécessairement rapporté le refus implicite contesté ". Toutefois si, en l'espèce, une décision expresse de refus de titre de séjour s'est substituée à la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur la demande de M. B..., il en résulte que les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet litigieuses devaient être regardées comme dirigées contre la décision expresse. Par suite, c'est à tort que le tribunal a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. B.... Il en résulte que le jugement doit, dès lors, être annulé.

3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les demandes de M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet présentées par M. B... devant être regardées comme dirigées contre la décision expresse de refus de séjour du 28 juin 2021, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. M. B..., entré en France à l'âge de 31 ans, se prévaut de la présence en France de son père et de sept demi-frères et sœurs de nationalité française. Toutefois, il n'apporte pas d'éléments permettant d'apprécier l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille de nationalité française résidant sur le territoire, alors qu'il a toujours auparavant vécu en Algérie séparé d'eux. En outre, célibataire et sans enfant, il n'est entré que récemment en France de manière irrégulière, ne justifie pas d'une intégration particulière, ni ne démontre être dépourvu de toute attache en Algérie où il gérait personnellement une entreprise de chauffeur poids lourds. Dès lors, la mesure de refus de séjour litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. B... et de ses conséquences sur sa vie personnelle.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de refus de séjour prise à son encontre. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B... demande sur ce fondement soient mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 juin 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL04038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04038
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIERE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : JARRAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-21;21tl04038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award