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21/06/2022 | FRANCE | N°21TL01805

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21TL01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a supprimé l'aménagement de ses horaires de travail et décidé d'une retenue sur traitement pour service non fait, d'annuler la décision du 16 avril 2019 refusant d'aménager ses horaires de travail et la décision implicite de rejet du 4 août 2019, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Montpellier de lui accorder un aménagement d'horaires et

de fixer le mardi comme jour libéré et de condamner l'Etat à lui verser une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Montpellier a supprimé l'aménagement de ses horaires de travail et décidé d'une retenue sur traitement pour service non fait, d'annuler la décision du 16 avril 2019 refusant d'aménager ses horaires de travail et la décision implicite de rejet du 4 août 2019, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Montpellier de lui accorder un aménagement d'horaires et de fixer le mardi comme jour libéré et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi.

Par un jugement n° 1904684 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2021, sous le n°21MA01805, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL01805, et un mémoire enregistré le 2 juin 2022, non communiqué, Mme A... B..., représentée par Me Charre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 mars 2021 ;

2°) d'annuler les décisions de la rectrice de l'académie de Montpellier du 28 janvier 2019 et du 16 avril 2019 et de lui enjoindre de lui accorder un aménagement d'horaires et de fixer le mardi comme jour libéré ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 864,13 euros en réparation de son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation ;

- il a dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;

- la décision du 16 avril 2019 a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision refusant d'aménager ses horaires est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée de la saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail alors que les propositions du médecin du travail n'ont pas été suivies ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 40 de la loi du 11 janvier 1984, elle avait droit à un aménagement de poste du fait de la reconnaissance de sa qualité de travailleur en situation de handicap ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation, de sorte qu'elle ne pouvait être placée en absence injustifiée durant 16 jours ;

- la responsabilité du rectorat est engagée en raison de l'illégalité de cette décision ;

- elle a dû attendre 14 mois avant d'être reçue par le médecin de prévention, preuve d'une carence et d'une inertie administrative ;

- le rectorat a fait preuve d'inertie et d'acharnement de nature à engager sa responsabilité ; il n'a pas respecté ses obligations en ne s'assurant pas de la compatibilité des conditions d'exercice de ses fonctions et de son état de santé ;

- elle a subi un préjudice moral qu'elle évalue à 15 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2022, la rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., adjointe administrative principale de l'éducation nationale, reconnue travailleuse handicapée, exerçait depuis le 1er septembre 2016 ses fonctions à temps complet à raison de quatre matinées ... et quatre après-midi au centre d'information et d'orientation de .... Au début de l'année scolaire 2018/2019, le rectorat de l'académie de Montpellier a informé Mme B... qu'elle ne pouvait prétendre à un allègement de service et devait exercer ses fonctions sur cinq jours. Mme B... relève appel du jugement du 19 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 28 janvier 2019 de la rectrice de l'académie de Montpellier lui refusant l'aménagement de ses horaires de travail et l'informant qu'une retenue sur traitement pour seize journées d'absences injustifiées serait opérée, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cette décision ainsi que l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'illégalité de ces décisions et du fait des agissements qu'elle estimait fautifs dans la gestion de sa situation.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se fonder sur une erreur de droit, des dénaturations des faits de l'espèce ou une erreur d'appréciation que le tribunal aurait commises pour contester la régularité du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation:

3. ..., secrétaire générale adjointe et directrice des ressources humaines, a reçu délégation de signature par arrêté de la rectrice de la région académique Occitanie du 10 septembre 2018 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la région Occitanie du 12 septembre 2018, à l'effet de signer, notamment, en cas d'absence ou d'empêchement de ..., secrétaire général de l'académie de Montpellier, les décisions dans le domaine administratif dans la limite de ses attributions. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir que ... n'était pas effectivement empêché. Par suite le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

4. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article 40 ter de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Des aménagements d'horaires propres à faciliter son exercice professionnel ou son maintien dans l'emploi sont accordés à sa demande au fonctionnaire handicapé relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail, dans toute la mesure compatible avec les nécessités du fonctionnement du service. (...) ". Aux termes de l'article 26 du décret du 28 mai 1982 susvisé : " lorsque les propositions du médecin du travail ne sont pas agréées par l'administration, celle-ci doit motiver son refus et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit en être tenu informé. ".

5. Il résulte de ces dispositions que si l'aménagement du poste de travail constitue un droit destiné à faciliter le maintien en activité des personnels confrontés à l'altération de leur état de santé, il peut revêtir des formes diverses dont l'aménagement des horaires constitue une des modalités. Par suite, la décision accordant un aménagement d'horaires ne constitue pas un droit pour le fonctionnaire qui le sollicite et ne peut ainsi être regardée comme une décision devant être motivée en application des dispositions de l'article L 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, le médecin du travail ayant formulé des propositions les 23 mai et 27 juin 2019 postérieurement à la décision litigieuse, Mme B... ne peut utilement invoquer l'insuffisance de motivation au sens des dispositions du décret du 28 mai 1982 pour contester la légalité de la décision du 28 janvier 2019. Par suite, le moyen nouveau en appel tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 28 janvier 2019 en tant qu'elle refuse un aménagement de poste sur quatre jours doit être écarté.

6. D'une part, aux termes de l'article 58 du même décret du 28 mai 1982 : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté sur les mesures générales prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment sur l'aménagement des postes de travail ". Ces dispositions s'appliquent aux mesures générales d'organisation du service et non aux décisions individuelles comme en l'espèce. D'autre part, les dispositions de l'article 26 du décret du 28 mai 1982 citées au point 4 en ce qu'elles imposent l'information du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans l'hypothèse où les propositions d'aménagement de poste formulées par le médecin de prévention ne sont pas agréées par l'administration, sont sans incidence sur la légalité des décisions de refus ou d'agrément d'aménagement de poste. Le moyen nouveau en appel tiré de l'absence de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à la mesure individuelle d'aménagement horaire doit, par suite, être écarté.

7. Il résulte par ailleurs des dispositions citées au point 4 que l'autorité administrative a l'obligation d'adopter, au cas par cas, les mesures appropriées pour permettre l'accès d'une personne handicapée à l'emploi auquel elle postule ainsi que le maintien de l'emploi qu'elle occupe sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service. A cet égard, des aménagements d'horaire peuvent être proposés, sous réserve qu'ils soient compatibles avec les nécessités de fonctionnement du service.

8. Si plusieurs avis médicaux ont recommandé un aménagement du poste de travail de Mme B... sur quatre jours comportant la journée de mardi libérée, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des éléments à l'origine de cette préconisation, à savoir la réalisation de soins, en particulier un suivi psychiatrique, des soins de kinésithérapie et des séances de sophrologie nécessités par l'état de santé de l'intéressée, que celui-ci ne pouvait être assuré par d'autres modalités d'aménagement horaire de son temps plein, compatibles avec les nécessités de service. Par suite, alors que Mme B... avait d'ailleurs la possibilité de solliciter le bénéfice d'un temps partiel, la circonstance qu'elle ait bénéficié d'un allègement d'horaire au cours de l'année scolaire 2016/2017 ou que le principal et la directrice du centre d'information et d'orientation, pour la partie de l'emploi du temps qui les concerne chacun, n'auraient pas été opposés à un aménagement sur quatre jours au cours de l'année scolaire suivante, ne sont pas de nature à établir que la rectrice ait entaché sa décision d'erreur de droit ou d'appréciation en refusant l'aménagement horaire sollicité sur une durée de quatre jours dont la journée du mardi libérée pour nécessité de service.

9. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement (...) ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 portant loi de finances rectificative pour 1961 : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. Il n'y a pas service fait : / 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; /2°) Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements (...)".

10. Le traitement de Mme B... a fait l'objet de retenues pour absence de service fait à raison de seize journées au cours de la période du 3 septembre au 4 décembre 2018 et du 8 au 15 janvier 2019. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'aménagement horaire qu'elle a sollicité aurait dû lui être accordé. Il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier que le rectorat aurait indûment pris en compte une période au cours de laquelle Mme B... était en congé annuel. En s'abstenant de se conformer aux nouveaux horaires en dépit des demandes faites par sa hiérarchie, Mme B... a manqué aux obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles que définies dans leurs modalités par l'autorité hiérarchiquement compétente. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 28 janvier 2019 est entachée d'une erreur d'appréciation.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui accorder l'aménagement horaire qu'elle a sollicité et en la plaçant durant seize jours en absence pour service non fait, la rectrice de l'académie de Montpellier aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

12. Mme B..., qui a sollicité pour la première fois un aménagement d'horaire le 11 novembre 2018, n'établit pas qu'en refusant, par sa décision du 28 janvier 2019, de faire droit à sa demande, la rectrice de l'académie de Montpellier aurait fait preuve d'une inertie fautive dans la gestion de sa situation administrative. A supposer même par ailleurs que le délai mis par le rectorat pour organiser une visite avec le médecin de prévention soit fautif, l'existence d'un lien entre cette faute et les préjudices invoqués n'est pas établie, pas plus que l'acharnement de la rectrice à l'égard de Mme B....

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

C.Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21T01805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01805
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-006 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers. - Frais de changement de résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CHARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-21;21tl01805 ?
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