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09/06/2022 | FRANCE | N°21TL00339

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 09 juin 2022, 21TL00339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802602 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier et 6 mai 2021 sous le n

° 21MA00339 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL003...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802602 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier et 6 mai 2021 sous le n° 21MA00339 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00339 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. et Mme E..., représentés par Me Da Cunha, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer dès lors qu'il ne se prononce pas sur le refus de l'administration de leur communiquer les éléments comptables et le rapport de vérification de la société A... ;

- la proposition de rectification du 29 juin 2017 a été irrégulièrement notifiée ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- la proposition de rectification ne mentionne pas la teneur et l'origine des informations obtenues de tiers sur lesquelles elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses ;

- ils ont été induits en erreur par la base légale initialement retenue par l'administration pour fonder les rehaussements, à savoir l'article 79 du code général des impôts ;

- l'administration ne démontre pas que les sommes en litige ont le caractère de rémunération au sens de l'article 62 du code général des impôts ;

- Mme E... a perçu des rémunérations de la société A... pour les montants régulièrement déclarés de 48 000 euros au titre de chacune des deux années en litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 avril et 1er juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de cette requête.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société A... dont Mme E... était associée minoritaire et co-gérante au titre des années 2014 et 2015, les requérants ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années. Ils relèvent appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal a répondu, et de manière suffisante, au moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en n'informant pas les requérants des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels seraient fondées les impositions en litige, au point 6 du jugement attaqué. Ce dernier n'est dès lors pas entaché d'omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux, en cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire de services postaux informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré.

5. En cas de contestation de la notification à un contribuable d'une proposition de rectification, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la réglementation postale, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

6. Il ressort de la copie de l'avis de réception du pli recommandé contenant la proposition de rectification du 29 juin 2017, produit par l'administration devant la cour de céans, que ce pli a été présenté à l'adresse des requérants le 12 juillet 2017, qu'il a été retourné au motif que le pli a été " avisé et non réclamé ". Il ressort de l'attestation de La Poste du 27 avril 2018, produite par les requérants, que ce pli a été réexpédié à l'administration le 28 juillet 2017, soit après l'expiration du délai de mise en instance de quinze jours qui avait pour point de départ le 13 juillet et pour point d'arrêt le 27 juillet 2017. Par conséquent, la proposition de rectification du 29 juin 2017 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée aux requérants.

7. En deuxième lieu, il résulte des termes de la proposition de rectification du 29 juin 2017 que l'administration a indiqué qu'il ressortait de la vérification de comptabilité de la société A... que la requérante avait perçu des rémunérations en tant que cogérante de cette société pour des montants de 98 338 euros et 55 000 euros, respectivement au titre des années 2014 et 2015, alors qu'elle avait déclaré des traitements et salaires d'un montant de 48 000 euros au titre de chacune de ces deux années. L'administration a estimé qu'en résultait une omission de déclaration d'un montant de 50 338 euros pour l'année 2014 et d'un montant de 7 000 euros pour l'année 2015, dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 79 du code général des impôts. Il est ensuite précisé qu'après application de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels prévue au 3° de l'article 83 de ce code, les rémunérations nettes de la requérante s'élèvent à 88 504 euros et 49 500 euros, respectivement au titre des années 2014 et 2015. Ainsi, la proposition de rectification indique, l'année d'imposition, l'impôt, ainsi que la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Cette obligation ne s'étend pas aux informations fournies annuellement par des tiers à l'administration et au contribuable conformément aux dispositions du code général des impôts.

9. Il résulte de l'instruction que les informations en cause devaient être fournies par les entreprises à l'administration fiscale en application de l'article 87 du code général des impôts. Il est en outre constant que les requérants n'ont pas demandé, avant la mise en recouvrement des impositions contestées, à obtenir la communication de ces éléments obtenus de tiers sur lesquels l'administration se serait fondée pour asseoir les rehaussements. Par conséquent et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

10. Aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA ou à l'article 239 bis AB (...) Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu (...) ".

11. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ". Il est constant que les requérants n'ont pas formulé d'observations en réponse à la proposition de rectification du 29 juin 2017 qui leur a été régulièrement notifiée. Par suite, ils supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions.

12. Il résulte de l'instruction que, à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société A..., dont Mme E... était associée minoritaire et cogérante, l'administration a constaté, en consultant les écritures comptables de cette société que celle-ci avait porté au crédit d'un compte de charges de personnel intitulé " rémunération de la gérance " des sommes de 98 338 euros et 55 000 euros au nom de cette dernière, respectivement au titre des années 2014 et 2015. Dans la proposition de rectification du 29 juin 2017, l'administration a notifié aux requérants les rehaussements dans la catégorie des traitements et salaires correspondant à la différence entre les sommes déclarées par les requérants et les sommes allouées à Mme E... par la société A..., sur le fondement de l'article 79 du code général des impôts. Toutefois, les requérants ayant signalé, dans leur réclamation du 22 février 2018 que Mme E... était membre du collège de gérance majoritaire, de sorte que le montant de ses rémunérations de gérance imposables à l'impôt sur le revenu devait être déterminé selon les règles prévues en matière de traitements et salaires, conformément aux dispositions précitées de l'article 62 du code général des impôts, l'administration a pris acte de cette information et modifié en conséquence la base légale des impositions litigieuses dans la décision de rejet de leur réclamation.

13. En premier lieu, l'administration peut procéder à une substitution de base légale à tout moment dès lors que cette substitution n'a pas pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi. Par suite, le moyen tiré de ce que les requérants auraient été induits en erreur par la base légale initialement retenue ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, dès lors qu'en l'espèce la substitution de base légale à laquelle l'administration a procédé pour rejeter la réclamation ne les a privés d'aucune garantie.

14. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que l'administration n'établit pas que les sommes litigieuses allouées à Mme E... par la société A... auraient le caractère de rémunération au sens de l'article 62 du code général des impôts, qui comprennent seulement les traitements, les remboursements de frais et autres rémunérations admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés. Pour contester cette qualification, ils se bornent à émettre l'hypothèse que les sommes en cause pourraient avoir, par exemple, le caractère de dividendes, qui sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Toutefois, ce faisant, ils ne contestent pas sérieusement la qualification des revenus en cause alors même qu'il résulte de l'instruction que la société A... n'avait pas opté, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, pour le régime fiscal des sociétés de personnes, de sorte que les rémunérations allouées aux gérants majoritaires de cette société étaient imposables à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires, conformément aux dispositions de cet article 62.

15. En dernier lieu, les requérants se prévalent des relevés de situation du régime social des indépendants établis sur la base des déclarations de Mme E... et de courriels d'un expert-comptable affirmant que les rémunérations de gérance allouées à cette dernière par la société A... s'élèvent à 48 000 euros par an au titre des années 2014 et 2015. Toutefois, en se bornant à faire état de ces éléments qui sont contraires aux écritures comptables de la société dont l'intéressée était cogérante au cours des années en litige, les requérants ne rapportent pas la preuve du caractère exagéré des impositions en litige.

16. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête tendant à l'octroi d'intérêts moratoires, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser aux requérants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Fabien, présidente assesseure,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

V. C...Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL00339 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL00339
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : DA CUNHA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-09;21tl00339 ?
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