La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2022 | FRANCE | N°21TL02108

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 juin 2022, 21TL02108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mai 2019 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a radié des cadres pour abandon de poste à compter de sa date de notification, d'enjoindre à la région de le réintégrer dans un délai d'un mois et de reconstituer sa carrière, de condamner la région à lui verser une somme de 10 000 euros pour abus de voie de droit, et de mettre à la charge de la région une somme de 5 000 euros au

titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mai 2019 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a radié des cadres pour abandon de poste à compter de sa date de notification, d'enjoindre à la région de le réintégrer dans un délai d'un mois et de reconstituer sa carrière, de condamner la région à lui verser une somme de 10 000 euros pour abus de voie de droit, et de mettre à la charge de la région une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903812 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2021, sous le n°21MA02108 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL02108, ainsi que des pièces complémentaires, enregistrées le 8 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse qui n'ont pas été communiquées, M. A..., représenté par la SCP Juris Excell, agissant par Me Hiault Spitzer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2019 par lequel la présidente de la région Occitanie l'a radié des cadres pour abandon de poste ;

3°) d'enjoindre à la région de le réintégrer dans son cadre d'emploi sur un poste de mi-temps thérapeutique à la date du 1er avril 2019, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la région le paiement des dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la région a méconnu la procédure applicable à la contestation des arrêts de maladie, prévue par l'article 15 du décret du 30 juillet 1987 ;

- le délai de 48 heures fixé par les deux mises en demeure du 25 mars et 5 avril 2019 ne constitue pas un délai raisonnable et suffisant ;

- la mise en demeure du 5 avril 2019 n'est pas régulière, elle ne saurait s'analyser en une injonction de reprendre son poste, dès lors, la région ne pouvait poursuivre la procédure d'abandon de poste, elle n'indique pas les caractéristiques de l'emploi sur lequel il devait reprendre, cette absence de précision sur l'aménagement de son poste l'a mis dans l'impossibilité de se présenter sur son lieu de travail ;

- la maladie est une cause " légitimante " d'absence, il s'est présenté au lycée le 1er avril 2019 et a fourni un arrêt de maladie couvrant la période du 11 mars au 15 mai 2019, il a donc manifesté son intention de ne pas abandonner son poste et de ne pas rompre le lien avec le service, il a adressé plusieurs arrêts de maladie couvrant la période du 11 mai au 16 juin 2019 montrant ainsi sa volonté de ne pas rompre le lien avec le service ;

- l'absence d'aménagement de poste l'a conduit à demeurer en arrêt de maladie, il pouvait bénéficier d'un temps partiel thérapeutique, en tentant de l'obliger à une reprise à plein temps, la région a méconnu les avis du médecin de prévention et du comité médical et l'a mis délibérément dans l'impossibilité de reprendre son travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2021, la région Occitanie, représentée par la SCP Vinsonneau Paliès Noy Gauer et associés, agissant par Me Constans, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duarté, représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. Agent technique stagiaire au sein de la région Occitanie depuis le 5 juillet 2014, M. B... A... était affecté au service restauration du lycée. Le 21 mai 2015, il a été placé en congé de maladie ordinaire et a épuisé ses droits au 20 mai 2016. A la suite de l'avis défavorable du comité médical émis le 23 septembre 2016 sur sa demande de congé de longue maladie, M. A... a été placé en congé sans traitement. Par un arrêté du 18 décembre 2017, son congé sans traitement a été prolongé pour la période du 2 mars 2017 au 1er septembre 2018. Par un avis du 7 décembre 2018, le comité médical a émis un avis d'aptitude de l'agent à l'exercice de ses fonctions dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique à 50 %, pour une durée de trois mois. Par lettre du 25 mars 2019, la directrice des ressources humaines de la région Occitanie a adressé à M. A... une mise en demeure de reprendre son service au sein du lycée dans un délai de 48 heures à compter de sa réception. Par lettre du 5 avril 2019, elle l'a mis en demeure de justifier de son absence de reprise de fonction dans le même délai de 48 heures. Par un arrêté du 22 mai 2019, la présidente de région a procédé à la radiation des cadres pour abandon de poste de M. A... à compter de sa date de notification. M. A... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

3. L'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 2 ci-dessus, son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur l'état de santé de l'intéressé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.

4. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental a émis, le 7 décembre 2018, un avis favorable à la reprise de M. A... sur un poste à mi-temps thérapeutique. Il s'est alors vu proposer par l'administration, par une lettre du 7 janvier 2019, de reprendre ses fonctions dans le cadre d'une nouvelle affectation et a été notamment informé de la possibilité de présenter une demande de temps partiel ainsi que de la suite favorable qui serait donnée à cette demande. Par une lettre du 25 mars 2019, M. A..., qui n'avait pas répondu à la proposition de l'administration et n'avait effectué aucune demande de mi-temps, a été mis en demeure de reprendre son service au sein du lycée dans un délai de 48 heures à compter de sa réception. Cette lettre, qui lui a été notifiée le 27 mars, l'informait du risque encouru de radiation des cadres. M. A... s'est alors rendu au lycée le 1er avril suivant et a, à cette occasion, présenté à l'administration l'arrêt de travail délivré pour la période du 11 mars au 14 avril 2019, qu'il avait déjà transmis à la région par un courrier du 13 mars. Par une lettre du 5 avril 2019, M. A... a été mis en demeure de justifier de son absence de reprise de fonction dans le délai de 48 heures, et a été informé de ce qu'il s'exposait, à défaut, au risque d'une radiation des cadres pour abandon de poste. M. A... a alors transmis à l'administration des avis de prolongation d'arrêts de travail pour les périodes du 8 avril 2019 au 12 mai 2019 puis du 10 mai 2019 au 16 juin 2019.

5. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai de 48 heures imparti à M. A... par la mise en demeure de reprendre ses fonctions en date du 25 mars 2019 n'aurait pas été suffisant. D'autre part, il n'est pas établi, ni même allégué, que les arrêts de travail qu'il a transmis apportaient des éléments nouveaux sur son état de santé par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du 7 décembre 2018 du comité médical. Il suit de là que la décision de radiation des cadres a été précédée d'une mise en demeure régulière dont M. A... pouvait faire l'objet en l'absence d'éléments nouveaux sur son état de santé. En l'absence de tels éléments, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, l'administration n'était également pas tenue de faire procéder à une contre-visite médicale.

6. Par ailleurs, M. A... ne peut utilement contester la régularité de la mise en demeure du 5 avril 2019, qui n'avait pas pour objet une reprise de service mais la justification de son absence de reprise de fonction. S'il s'est rendu au lycée le 1er avril 2019, soit après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure du 25 mars, cette démarche, à l'occasion de laquelle il a, au demeurant, présenté un arrêt de travail, tout comme l'envoi d'autres arrêts de travail, ne sont pas de nature à établir une réelle intention de M. A... de reprendre son poste alors qu'il est constant qu'il n'a jamais présenté de demande de reprise de ses fonctions à temps partiel, ni contesté, en temps utile, la décision du 7 janvier 2019 lui refusant une reprise à temps partiel thérapeutique.

7. Si M. A... soutient également qu'il pouvait bénéficier de droit d'un mi-temps thérapeutique, la décision attaquée n'a pas pour objet de lui refuser un temps partiel thérapeutique et l'intéressé n'a pas, ainsi qu'il a été dit au point précédent, contesté la décision de la directrice des ressources humaines de la région du 7 janvier 2019 l'informant de ce que sa reprise ne pouvait être envisagée dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique.

8. Enfin, il n'est pas établi que l'administration aurait entendu obliger M. A... à travailler à plein temps alors qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de sa lettre du 7 janvier 2019, qu'elle envisageait seulement de l'autoriser à travailler à temps partiel. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que sa reprise aurait rendu nécessaire un aménagement de poste, le comité médical s'étant borné à préconiser une reprise à mi-temps. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le défaut d'aménagement de poste l'aurait conduit à demeurer en arrêt de travail.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., qui ne justifie pas s'être trouvé dans l'impossibilité de reprendre son travail, doit être regardé, dans ces conditions, comme ayant rompu le lieu qui l'unissait à la région Occitanie. La région pouvait, par suite, prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste sans entacher sa décision d'illégalité. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Occitanie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme demandée par la région Occitanie au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la région Occitanie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la région Occitanie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL02108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02108
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIERE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : JURIS EXCELL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-07;21tl02108 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award