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07/06/2022 | FRANCE | N°20TL21102

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 juin 2022, 20TL21102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Péchabou a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation des constructeurs à réparer les préjudices résultant de désordres consécutifs à des travaux portant sur la rénovation et l'extension d'un bâtiment destiné à accueillir la nouvelle mairie.

Par un jugement n°1702155 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement la société Adecotherm, Mme B... et la société Otéis, sur le fondement de la responsabilité décennale, à pa

yer à la commune de Péchabou la somme de 45 003,26 euros hors taxes en réparation du désord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Péchabou a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation des constructeurs à réparer les préjudices résultant de désordres consécutifs à des travaux portant sur la rénovation et l'extension d'un bâtiment destiné à accueillir la nouvelle mairie.

Par un jugement n°1702155 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement la société Adecotherm, Mme B... et la société Otéis, sur le fondement de la responsabilité décennale, à payer à la commune de Péchabou la somme de 45 003,26 euros hors taxes en réparation du désordre relatif au système de climatisation, a décidé que Mme B... garantirait la société Otéis à hauteur de 75 % de la condamnation prononcée à son encontre au titre de ce désordre relatif au système de climatisation, que la société Otéis garantirait Mme B... à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à son encontre au titre de ce désordre, que la société Adecotherm garantirait Mme B... et la société Otéis à hauteur de 5 % de la condamnation prononcée à leur encontre au titre du même désordre relatif au système de climatisation, a condamné la société Auguste Perusin à payer à la commune la somme de 1 600 euros en réparation du désordre résultant de traces blanches sur les menuiseries extérieures et la société Labastère 31 à payer à la commune la somme de 400 euros en réparation de ce désordre, a condamné la commune de Péchabou à verser à la société Otéis la somme de 7 137,31 euros et à Mme B... la somme de 10 695 euros au titre du règlement du marché, a décidé que Mme B... verserait à la commune la somme de 6 940,67 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, que la société Labastère 31 verserait à la commune la somme de 6 940,67 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, que la société Oteis verserait à la commune la somme de 1 542,38 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, que la somme de 1 000 euros est mise à la charge de Mme B... à verser à la commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, que la somme de 1 000 euros est mise à la charge de la société Auguste Perusin et de la société Labastère 31 à verser à la commune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°20BX01102, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL21102, la commune de Péchabou, représentée par Me Ramondenc, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement la société Adecotherm, Mme B... et la société Oteis à lui payer la somme de 45 003,26 euros hors taxes en réparation du désordre relatif au système de climatisation, en ce qu'il a condamné la société Perusin à lui payer la somme de 1 600 euros hors taxes et la société Labastère 31 à lui verser la somme de 400 euros hors taxes au titre de la reprise des traces blanches sur les menuiseries extérieures et en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Labastère 31 au titre de l'apurement des comptes, de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes s'agissant des désordres de défaut d'isolation thermique, de mauvaise fixation du garde-corps de la terrasse, et des désordres relevés dans la zone technique, de le réformer également en condamnant in solidum la société Labastère 31 et Mme B... à prendre en charge le coût des travaux de reprise relatifs au remplacement des parois en verre " profilit " d'un montant de 77 928,39 euros hors taxes, en condamnant la société Labastère 31 à prendre en charge le coût des travaux de reprise du garde-corps de la terrasse évalué à 1 000 euros hors taxes, en condamnant in solidum les parties intimées à prendre en charge les frais de maîtrise d'œuvre évalués à 20 040 euros toutes taxes comprises et en décidant que la commune n'est débitrice d'aucune somme à l'égard du groupement de maîtrise d'œuvre au titre de l'apurement des comptes ;

2°) subsidiairement, de condamner in solidum, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, Mme B... et l'entreprise Labastère 31 à prendre en charge le coût des travaux de reprise relatifs au remplacement des parois en verre " profilit " d'un montant de 77 928,39 euros hors taxes et, pour le surplus, confirmer le jugement entrepris ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant les dépens ainsi que le paiement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

en ce qui concerne les nuisances sonores provoquées par le système de chauffage climatisation :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum Mme B... et les sociétés Otéis et Adecotherm à lui verser la somme 45 003,26 euros hors taxes en réparation du désordre relatif au système de climatisation ;

en ce qui concerne le désordre relatif au défaut d'isolation thermique :

- les problématiques d'isolation thermique sont principalement imputables à l'entreprise Labastère 31 en raison d'erreurs d'exécution et du non-respect des caractéristiques techniques des panneaux verriers évoqués dans le descriptif des travaux ; la responsabilité de Mme B..., qui a fait preuve de négligence en lançant la mise en place de ces panneaux verriers sans être en possession du dossier technique d'exécution complet de l'entreprise, est également engagée ; l'ouvrage étant impropre à sa destination, les responsabilités décennales de la société Labastère 31 et de Mme B... sont engagées ;

- la réserve inscrite au procès-verbal de réception ne concernait que l'aspect esthétique de la paroi en profilit dont le résultat ne correspondait pas aux attentes de la commune ; le désordre en litige ne porte pas sur ces réserves d'ordre esthétique mais concerne l'inconfort thermique généré par la paroi et constaté à l'usage ; le désordre, qui ne porte pas sur la problématique de matériaux mais sur les conséquences que cela entraîne, n'était pas apparent lors des opérations de réception et n'a fait l'objet d'aucune réserve ; la réserve émise est sans lien avec le désordre d'inconfort thermique ; celui-ci ne s'était pas manifesté dans toute son ampleur en sorte que la garantie décennale trouve application ;

- sa demande subsidiaire devant le tribunal d'engagement de la responsabilité contractuelle des constructeurs concernant le désordre d'isolation thermique était recevable ; elle est fondée à présenter devant la cour cette même demande ;

en ce qui concerne le désordre relatif à la mauvaise fixation du garde-corps de la terrasse :

- le désordre, qui rend l'ouvrage impropre à sa destination résulte d'erreurs d'exécution de la société Labastère dont la responsabilité décennale est engagée ; il n'est apparu qu'après plusieurs vaines tentatives de l'entreprise de lever la réserve, subsidiairement, sa responsabilité contractuelle est engagée ;

en ce qui concerne le désordre affectant les menuiseries extérieures :

- le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Perusin et la société Labastère 31 à prendre en charge le coût du nettoyage des menuiseries évalué à 2 000 euros hors taxes ;

en ce qui concerne les désordres relevés dans la zone technique du rez-de-jardin :

- les problématiques relevées sur les panneaux d'isolation thermique et de protection coupe-feu en plafond sont imputables à des omissions de la société Bixio tandis que celle des blocs portes coupe-feu est imputable à la société Labastère ; ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; la découverte de ces désordres étant postérieure à la réception des travaux, la responsabilité décennale de l'entreprise Labastère est engagée et elle sera condamnée à prendre en charge le coût des travaux de reprise des blocs portes arrêté à 982,76 euros hors taxes ; la commune a formulé devant le tribunal une demande de condamnation chiffrée des constructeurs ; il conviendra d'inscrire au passif de la société Bixio la somme de 5 401,33 euros hors taxes correspondant aux travaux de reprise des désordres qui lui sont imputables ;

en ce qui concerne les frais de maîtrise d'œuvre :

- les entreprises et Mme B... seront condamnées in solidum à prendre en charge les frais de maîtrise d'œuvre relatifs à l'exécution des travaux de reprise, évalués à 20 040 euros toutes taxes comprises par l'expert, le tribunal n'ayant pas statué sur ce point ;

en ce qui concerne l'apurement des comptes :

- il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions de la société Labastère 31 estimant la commune débitrice d'une somme de 14 289,50 euros ; le trop perçu par la société Bixio d'un montant de 13 853,56 euros toutes taxes comprises sera inscrit à son passif ; elle n'est débitrice d'aucune somme à l'égard du groupement de maîtrise d'œuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, Mme A... B... et la mutuelle des architectes français, représentés par la société d'avocats ATCM agissant par Me Gendre, concluent :

- à titre principal, au rejet de la requête de la commune, au rejet comme irrecevables de ses demandes formulées à l'encontre de la mutuelle, au rejet de ses demandes nouvelles sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à la réformation du jugement en ce qu'il a imputé à Mme B... 75 % de la condamnation prononcée au titre du désordre relatif au système de climatisation et mis à sa charge le paiement d'une somme au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, à la condamnation des sociétés Otéis et Adecotherm à les garantir intégralement des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au titre du désordre relatif au système de climatisation ;

- à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Grontmij (Otéis), Labastère 31 et Adecotherm à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

- à ce que soient mis à la charge de la commune ou de tout succombant les dépens ainsi que le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- les demandes dirigées à l'encontre de la mutuelle sont irrecevables ;

- les désordres de nuisances sonores et d'isolation thermique ne sont pas imputables à Mme B... ;

- les demandes formulées sur le terrain de la responsabilité contractuelle devant le tribunal et la cour sont irrecevables ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de paiement d'honoraires de Mme B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2020, la société Labastère 31, représentée par la SCP Salesse et associés, agissant par Me Salesse, conclut :

- sur le désordre de défaut d'isolation thermique, à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la commune, subsidiairement à la limitation de sa part de responsabilité à 50% et à ce qu'elle soit garantie au-delà par Mme B... ;

- sur le désordre affectant le garde-corps, à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la commune ;

- sur le désordre affectant les menuiseries extérieures, à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité, au rejet des demandes formées à son encontre, à défaut, à la limitation de sa part de responsabilité à 20% et à ce qu'elle soit garantie au-delà par la société Perusin ;

- sur le désordre constaté en zone technique, à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la commune, à la limitation de sa responsabilité à la somme de 982,76 euros ;

- à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler à la commune la somme de 6 940,67 euros au titre des frais d'expertise ;

- à titre reconventionnel, à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 14 289,60 euros, à tout le moins, à ce que le solde du marché vienne en déduction des condamnations prononcées au titre des désordres ;

- à la mise à la charge de la commune de Péchabou du paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sur le désordre de défaut d'isolation thermique, à titre principal, la demande de la commune sur le fondement contractuel était tardive, comme l'a analysé le tribunal, et est nécessairement irrecevable en cause d'appel ; à titre subsidiaire, le désordre caché lors de la réception relevait de la responsabilité décennale des constructeurs ; un partage de responsabilité par moitié sera établi avec Mme B... dès lors qu'elle a été défaillante en phase conception et exécution ; pour le surplus, elle sera garantie par Mme B... ;

- sur le désordre relatif au garde-corps, la commune ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle au regard du principe de cristallisation du débat contentieux ;

- sur le désordre affectant les menuiseries extérieures, seule la société Perusin sera condamnée au paiement des sommes nécessaires au nettoyage des menuiseries ; le tribunal ne caractérisant pas sa faute, le jugement sera réformé, sa part de responsabilité sera limitée à 20% et pour le surplus, elle sera garantie par la société Perusin ;

- la commune n'a formé en première instance, aucune demande sur le désordre constaté en zone technique et ne peut la présenter pour la première fois en appel ;

- à titre reconventionnel, lui reste due une somme de 14 289,60 euros toutes taxes comprises que la commune sera condamnée à lui verser, à tout le moins, cette somme viendra en déduction des sommes dues au titre de la reprise des désordres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, la société Otéis, anciennement dénommée Grontmij, représentée par la SCP Barbier et associés, agissant par Me Chevrel-Barbier, conclut :

- sur les nuisances sonores, à la confirmation du jugement en ce qu'il a réparti entre les constructeurs la charge finale des responsabilités et en ce qu'il a fixé le montant du coût des travaux de reprise ;

- sur le défaut d'isolation, à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité décennale des constructeurs, et déclaré irrecevables les conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité contractuelle des constructeurs et au rejet de l'appel en garantie de Mme B... à son encontre ;

- sur les honoraires qui lui sont dus, à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la commune à verser à la société Otéis la somme de 7 137,31 euros au titre du règlement de son marché ;

- à confirmer le jugement en ses autres dispositions ;

- pour le surplus, à la condamnation de tout succombant à lui régler les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sur les nuisances sonores, le tribunal a retenu à bon droit la responsabilité principale de l'architecte B..., en relevant que le cahier des clauses techniques particulières du lot n°5 rédigé par ses soins comportait un article spécifique sur la correction acoustique ; il ressort de l'analyse de l'expert que l'architecte a commis une erreur de conception et il est faux de prétendre que l'expert aurait commis une erreur en imputant les désordres à une défaillance de rédaction du cahier des clauses techniques particulières du lot n°5, sa responsabilité est secondaire et c'est à juste titre que le tribunal l'a limitée à 20 % ;

- sur le défaut d'isolation thermique, la garantie décennale ne peut être mise en œuvre ; le désordre provient des caractéristiques des panneaux verriers installés en façade avant et de leur défaut d'étanchéité ; or, la réception a été prononcée avec une réserve sur la qualité du matériau, en rapport direct avec le désordre ; sa responsabilité sera écartée dès lors que l'expert ne retient que les responsabilités de l'entreprise Labastère 31 et de l'architecte, laquelle avait prévu la réalisation d'une paroi en verre en façade sud, et a laissé l'entreprise poser les panneaux sans avoir obtenu la confirmation de leur conformité aux caractéristiques attendues ;

- le tribunal a condamné à bon droit la commune à lui verser une somme de 7 137,31 euros au titre du règlement de son marché.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de Péchabou.

Par une lettre du 16 mai 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de Mme B... portant sur le désordre n°1, relatives à un chef de préjudice distinct de ceux sur lesquels porte l'appel principal de la commune, l'irrecevabilité des conclusions de Mme B... et de la société Labastère 31 relatives aux dépens qui soulèvent un litige distinct de celui qui a fait l'objet de l'appel principal de la commune, et l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par Mme B... et la société Labastère 31 (appels en garantie), dont la situation ne serait pas aggravée en cas de rejet par la cour de l'appel principal.

La société Labastère 31 a présenté ses observations en réponse le 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

-les observations de Me Lonjou, représentant Mme B... et la mutuelle des architectes français et les observations de Me Carrère, représentant la société Labastère 31.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Péchabou (Haute-Garonne) a conclu en 2011 un marché de travaux publics portant sur la rénovation et l'extension d'un bâtiment destiné à accueillir la nouvelle mairie. Par un acte d'engagement signé le 8 décembre 2011, la maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement composé de Mme B..., architecte et mandataire et du bureau d'études techniques Coplan Sud-Ouest, devenu société Grontmij, puis société Otéis. Par des actes d'engagement conclus le 17 février 2014, le lot n°1 " VRD, gros œuvre, démolition " a été confié à la société Perusin, le lot n°4 " menuiseries extérieures alu, mur rideau, serrurerie " à la société Labastère 31, le lot n°5 " cloisons sèches, doublages, faux-plafonds " à la société Joseph Bixio S.E. et le lot n°8 " plomberie, chauffage, ventilation sanitaire " à la société Adecotherm. La société Joseph Bixio n'a pas achevé les travaux de son lot n°5 du fait de sa mise en liquidation judiciaire. La réception de l'ensemble des lots, à l'exception du lot n°5, a été prononcée avec réserves le 17 juin 2015. La commune a déploré l'apparition de plusieurs désordres distincts résultant de nuisances sonores provoquées par le système de climatisation (désordre n° 1), d'un défaut d'isolation thermique de la façade avant (désordre n° 2), d'un défaut de fixation des garde-corps de la terrasse et du balcon de la salle du personnel (désordre n° 3), de la présence de traces blanches sur les menuiseries aluminium extérieures (désordre n° 4) et de diverses problématiques dans la zone technique en rez-de-jardin (désordre n° 5). Elle sollicite, ainsi que Mme B... et la société Labastère 31, intimées, la réformation du jugement susvisé n°1702155 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Toulouse.

Sur la mise en cause de l'assureur de Mme B... :

2. Si la commune de Péchabou a mis en cause dans la présente instance la société Mutuelle des Architectes Français, assureur de Mme B..., elle ne présente aucune demande de condamnation à l'encontre de cette société et ne conteste pas la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence de la juridiction administrative opposée à bon droit par les premiers juges.

Sur la recevabilité de l'appel incident de Mme B... portant sur le désordre n°1 relatif au système de climatisation :

3. Mme B... demande la réformation du jugement en ce qu'il lui a imputé 75 % de la condamnation prononcée au titre du désordre relatif au système de climatisation, en faisant valoir que ce désordre ne lui est pas imputable. Toutefois, ces conclusions présentées dans le cadre d'un appel incident sont relatives à un chef de préjudice distinct de ceux sur lesquels porte l'appel principal de la commune et ne sont, par suite, pas recevables.

Sur l'appel principal de la commune :

En ce qui concerne le désordre n° 2 de défaut d'isolation thermique :

4. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.

5. Il résulte de l'instruction que les travaux du lot n°4 attribué à la société Labastère 31 ont été réceptionnés le 17 juin 2015 avec des réserves concernant la paroi en " Profilit " en façade avant du bâtiment. L'annexe 1 du procès-verbal de réception des travaux relève notamment que la qualité du matériau " Profilit " ne correspond pas aux exigences voulues. Il ne résulte pas de l'instruction que cette réserve ait été ensuite levée. Contrairement à ce que soutient la commune, cette réserve, qui concerne la qualité du matériau posé, ne porte pas sur le seul aspect esthétique de la paroi et elle est, par ailleurs, en lien avec le désordre du défaut d'isolation thermique dans la mesure où ce dernier résulte directement des caractéristiques mêmes des panneaux verriers installés en façade avant sud/sud-est du bâtiment. Par suite, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs n'ont pas pris fin en ce qui concerne cette partie de l'ouvrage en sorte que la responsabilité de l'entreprise Labastère 31 et de Mme B... ne saurait être engagée sur le fondement de la garantie décennale. Si la commune soutient que ce désordre ne s'était pas manifesté dans toute son ampleur lors de la réception des travaux, cette circonstance est toutefois sans incidence sur la poursuite des rapports contractuels au titre de cette partie de l'ouvrage ayant fait l'objet de la réserve dont s'agit.

6. En second lieu, dans sa rédaction applicable aux requêtes introduites à compter du 1er janvier 2017, l'article R. 421-1 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Il en résulte qu'à compter de cette date d'entrée en vigueur, l'exception dont bénéficiait auparavant le contentieux des travaux publics en ce qui concerne la règle de la décision préalable a disparu. Dès lors, même en matière de travaux publics, aucune conclusion nouvelle ne peut plus être présentée plus de deux mois après l'introduction de la requête, délai à l'expiration duquel les causes juridiques pouvant être soumises au juge se trouvent cristallisées. En conséquence, les conclusions subsidiaires, présentées dans le cadre du présent litige introduites devant le tribunal le 19 septembre 2019 sur le terrain contractuel par la commune de Péchabou, présentent le caractère de conclusions nouvelles présentées plus de deux mois après l'enregistrement, le 12 mai 2017, de sa demande. Elles sont donc irrecevables, tant en première instance qu'en appel.

En ce qui concerne le désordre n° 3 affectant le garde-corps de la terrasse :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le désordre en litige affecte le garde-corps de la terrasse de la salle du personnel et que la réception du lot n°4 attribué à la société Labastère 31 prononcée le 17 juin 2015 était assortie d'une réserve concernant ce même garde-corps. L'annexe 1 du procès-verbal de réception des travaux du lot n° 4 relève la nécessité de le modifier et de mettre en place un barreaudage. Il ne résulte pas de l'instruction que cette réserve ait été ensuite levée. Si, selon l'expert, le désordre tel qu'il se présente actuellement ne serait apparu qu'après plusieurs vaines tentatives de reprise de l'entreprise Labastère 31, cette partie de l'ouvrage faisait l'objet d'une réserve à réception des travaux, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas été en lien avec le désordre. Par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les rapports contractuels entre la commune et la société Labastère 31 n'ont pas pris fin en ce qui concerne cette partie de l'ouvrage et la responsabilité de la société Labastère 31 ne peut être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

8. En second lieu, la commune s'est bornée, devant les premiers juges, à solliciter l'engagement de la responsabilité décennale de l'entreprise Labastère 31. Sa demande subsidiaire, fondée sur la responsabilité contractuelle, a le caractère d'une demande nouvelle en appel et est, par suite, irrecevable.

En ce qui concerne le désordre n° 5 affectant la zone technique en rez-de-jardin :

9. Il résulte de l'instruction que la commune de Péchabou s'est bornée, dans les conclusions récapitulatives qu'elle a présentées devant le tribunal et la cour, à solliciter l'engagement de la responsabilité décennale des sociétés Bixio et Labastère 31 sans toutefois reprendre sa demande de condamnation de ces constructeurs à la réparation de ce désordre. Par suite, à défaut de conclusions récapitulatives expresses tendant à la condamnation des sociétés Bixio et Labastère 31 à la réparation de ce désordre, il n'y a pas lieu de statuer sur la contestation exposée par la commune de Péchabou dans ses écritures concernant la mise en cause de ces sociétés au titre de la responsabilité décennale.

En ce qui concerne les frais de maîtrise d'œuvre pour l'exécution des travaux de reprise du désordre n° 1 relatif aux nuisances sonores provoquées par le système de climatisation :

10. Il résulte de l'instruction que les frais relatifs à la mission de maîtrise d'œuvre des travaux de déplacement des groupes extérieurs de climatisation indispensable à la reprise du désordre n°1 ont été évalués par l'expert à une somme de 8 200 euros hors taxes, et pris en compte par le tribunal au titre de la réparation de ce désordre. Il ne résulte pas de l'instruction que les autres frais de maîtrise d'œuvre, évalués à 8 500 euros hors taxes, auraient été nécessaires pour procéder à ladite reprise. Par suite, le tribunal, qui n'avait pas à les prendre en compte, les a à bon droit implicitement rejetés et le surplus de la demande présentée à ce titre par la commune de Péchabou ne peut qu'être rejeté.

En ce qui concerne l'apurement des comptes et les conclusions présentées à ce titre par la société Labastère 31 :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la commune de Péchabou est débitrice envers le groupement de maîtrise d'œuvre d'une somme globale de 17 837,05 euros toutes taxes comprises, au titre du solde du marché, qui se répartit en une somme de 7 137,31 euros toutes taxes comprises due à la société Otéis et une somme, déterminée après déduction de la part revenant à la société Otéis, de 10 695 euros due à Mme B.... En se bornant à soutenir que l'expertise a démontré les manquements, négligences et erreurs commis par la maîtrise d'œuvre, la commune de Péchabou ne conteste pas utilement la réalité de ces deux créances. Par suite, la commune n'est pas fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Otéis la somme de 7 137,31 euros et à Mme B... la somme de 10 695 euros.

12. En second lieu, si la société Labastère 31 fait valoir que la commune reste débitrice à son égard de la somme de 14 289,60 euros toutes taxes comprises au titre du solde de son marché, elle n'établit pas, ainsi que l'a jugé le tribunal, la réalité de cette créance en l'absence de levée des réserves sur son lot. Par suite, les demandes de cette société tendant à la condamnation de la commune à lui verser cette somme ou à ce que ladite somme vienne en déduction des condamnations prononcées à son encontre ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur l'appel incident de la société Labastère 31 portant sur le désordre n°4 relatif aux traces blanches sur les menuiseries aluminium extérieures :

13. Il résulte de l'instruction que les menuiseries aluminium ont présenté des profilés ternis ou blanchis par des traces d'enduit et de peinture sur leur face extérieure. Ces traces sur les profilés des menuiseries aluminium ont été constatées dès la réception des travaux du lot n° 4 confié à la société Labastère 31 et ont fait l'objet de réserves apparaissant à l'annexe 1 du procès-verbal de réception des travaux, invitant l'entreprise attributaire à nettoyer les menuiseries extérieures. L'expert, tout en indiquant qu'une partie significative des traces sur menuiseries extérieures sont le fait de résidus de sous-enduits réalisés par l'entreprise Perusin, a néanmoins relevé que le nettoyage des profilés des menuiseries incombait à l'entreprise Labastère. Dans ces conditions, la société Labastère, tenue à ses obligations contractuelles, n'est pas fondée à faire valoir que sa responsabilité ne serait pas engagée sur ce terrain contractuel et, compte-tenu des constatations de l'expert, c'est par une juste appréciation que le tribunal l'a condamnée à verser à la commune une indemnité correspondant à 20% du coût des frais de nettoyage des profilés, soit la somme de 400 euros. Par suite, il y a lieu de rejeter l'appel incident de la société Labastère 31.

Sur les appels en garantie :

14. Leur situation ne se trouvant pas aggravée par la solution donnée à l'appel principal, les appels en garantie de Mme B... contre les sociétés Otéis, Adecotherm et Labastère 31 et de la société Labastère 31 contre la société Perusin présentées par la voie de l'appel provoqué après l'expiration du délai d'appel sont irrecevables.

Sur les dépens :

15. Mme B... et la société Labastère 31 sollicitent la réformation du jugement contesté en ce qu'il les a chacune condamnées à régler à la commune de Péchabou une somme de 6 940,67 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, leurs conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, soulèvent un litige distinct de celui qui a fait l'objet de l'appel principal de la commune tendant à la réparation, sur le fondement de la garantie décennale ou de la responsabilité contractuelle, de désordres résultant des travaux effectués par les constructeurs et à ce qu'elle ne soit pas condamnée au titre de l'apurement des comptes.

Sur les autres frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Péchabou est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des autres parties sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Péchabou, à la société Otéis, à Mme A... B..., à la Mutuelle des Architectes Français, à la société Labastère 31, à la société Adecotherm, à la société Auguste Perusin et à Me Dutot, liquidateur judiciaire de la Sarl Joseph Bixio société d'exploitation.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°20TL21102


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