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25/05/2022 | FRANCE | N°21TL02793

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 mai 2022, 21TL02793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Chemin du Genêt a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703859 du 25 juin 2018, ce tribunal a prononcé la décharge de ces impositions.

Par un arrêt n° 18MA04544 du 17 mars 2020, la cour administrative d'appel de Marseille

a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Chemin du Genêt a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703859 du 25 juin 2018, ce tribunal a prononcé la décharge de ces impositions.

Par un arrêt n° 18MA04544 du 17 mars 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par une décision n°440885 du 9 juillet 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille où elle a été à nouveau enregistrée sous le n° 21MA02793 et ensuite sous le n° 21TL02793 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse.

Procédure après renvoi du Conseil d'Etat :

Par un mémoire en reprise d'instance après cassation, enregistré le 10 septembre 2021, la société à responsabilité limitée Chemin du Genêt, représentée par Me Orbillo, demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les opérations de cession de terrains à bâtir en cause remplissent les conditions d'application du régime dérogatoire de taxe sur la valeur ajoutée dit " sur la marge " prévue par l'article 268 du code général des impôts dès lors que le terrain acheté ne constituait pas lors de son acquisition un terrain bâti, la construction existante étant inhabitable, mais un terrain à bâtir et que la division parcellaire du terrain est intervenue le 8 septembre 2011, soit préalablement à l'acquisition du 9 décembre 2011 ;

- il résulte de la doctrine référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2014 que le terrain doit être regardé comme un terrain à bâtir lors de son acquisition.

Par un mémoire en reprise d'instance après cassation enregistré le 9 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1703859 ;

2°) de rejeter la demande de la société Chemin du Genêt.

Il soutient que la société Chemin du Genêt ne remplit pas les conditions d'application du régime dérogatoire de taxe sur la valeur ajoutée dit " sur la marge " prévue par l'article 268 du code général des impôts.

Par ordonnance du 14 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2022 à 12 h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2021-1583 du 7 décembre 2020 et notamment son article 3 alinéa 2 ;

- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée Chemin du Genêt, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé à la cession, comme terrains à bâtir, de trois parcelles, situées sur le territoire de la commune de Sète (Hérault), résultant de la division d'une parcelle sur laquelle était édifié, à la date de l'acquisition, un immeuble d'habitation que la société a fait démolir préalablement à la division et à la vente. Elle a, dans les déclarations qu'elle a souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, estimé pouvoir faire application à ces opérations du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, procédant de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliqué. Par un jugement du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes. Par arrêt du 17 mars 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics à l'encontre de ce jugement. Par décision du 9 juillet 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 17 mars 2020 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 susvisée, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Aux termes de l'article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués (...) ".

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

5. Pour remettre en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit "sur la marge" appliqué par la SARL Chemin du Genêt sur la livraison en 2014 de terrains à bâtir acquis le 9 décembre 2011 sur le territoire de la commune de Sète et la soumettre de ce fait à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, l'administration s'est fondée sur les circonstances d'une part que ces biens n'ont pas été acquis comme terrains à bâtir et d'autre part qu'ils n'ont pas fait l'objet de divisions parcellaires préalablement à leur acquisition.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que c'est à tort que, pour prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes assignés à la SARL Chemin du Genêt, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur la circonstance que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée dit "sur la marge" ne serait pas subordonné, dans le cas de la livraison d'un terrain à bâtir, à la condition que le bien ait été acquis comme terrain à bâtir ou qu'il ait fait l'objet de divisions parcellaires préalablement à son acquisition.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Chemin du Genêt devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les autres moyens soulevés en première instance :

8. La société Chemin du Genêt soutient en premier lieu que le terrain qu'elle a acquis le 9 décembre 2011, alors cadastré AW 32 et d'une superficie de 2 990 m², doit être regardé dès cette date comme présentant le caractère de terrains à bâtir dès lors que, d'une part, la construction édifiée sur ce terrain était délabrée et impropre à toute utilisation et notamment à l'habitation en n'étant pas soumise à la taxe d'habitation et, d'autre part, que la division de la parcelle AW 32 serait intervenue préalablement à l'acquisition du terrain compte tenu de la décision de non opposition à cette division délivrée dès le 8 septembre 2011 à la société AC Promotion, un document d'arpentage ayant en outre été dressé en avril 2011 et déposé au service du cadastre en juin 2011. Elle n'établit toutefois pas la réalité de ses allégations en se bornant à produire une photographie de la construction prise à l'arrière du bâtiment qui ne confirme aucunement l'état de délabrement de la construction alors que l'acte d'acquisition du 9 décembre 2011 précise que la parcelle AW 32 constitue une " parcelle de terre sur laquelle existe une construction à usage d'habitation ". Quant à la circonstance que cette construction n'aurait pas été soumise à la taxe d'habitation, elle est dépourvue d'incidence sur la qualification de terrain non bâti pour l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée à la marge. En outre, la société Chemin du Genêt ne produit aucun document attestant de l'achèvement des travaux de division en trois lots à construire préalablement à l'acquisition, sa déclaration d'achèvement des travaux de division n'ayant été déposée que le 3 décembre 2013 à la suite d'une seconde décision de non opposition à une déclaration de travaux de division.

9. En second lieu, si la société Le Chemin du Genêt entend se prévaloir de la doctrine administrative portant la référence BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2014 et se rapportant à l'interprétation des dispositions du 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts en matière de " terrain à bâtir " et de la doctrine administrative portant la référence BOI-CAD-MAJ-10-30 du 2 septembre 2015 et se rapportant à la mise à jour des plans cadastraux à partir de documents d'arpentage, celles-ci ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale relative à l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 268 du même code. La société Chemin du Genêt ne peut donc s'en prévaloir dans la présente affaire sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances, de l'économie et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a déchargé la société Chemin du Genêt des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er au 31 décembre 2014 et des pénalités y afférentes. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Chemin du Genêt devant le tribunal administratif.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à la société Chemin du Genêt au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1703859 du 25 juin 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Chemin du Genêt devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Chemin du Genêt au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société à responsabilité limitée Chemin du Genêt.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Fabien, présidente,

- Mme Restino, première conseillère

- Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

La présidente- rapporteure,

M. A...L'assesseure la plus ancienne,

V. Restino

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL02793 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02793
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme FABIEN
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : MBA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-25;21tl02793 ?
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