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12/05/2022 | FRANCE | N°20TL02975

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 12 mai 2022, 20TL02975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800600 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Nîm

es a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800600 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société D... a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013 à raison de la réduction de la base d'imposition d'un montant de 39 673 euros, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2020 sous le n° 20MA02975 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL02975 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire, enregistré le 23 mars 2021, la société D..., représentée par Me Pomares, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes restant en litige ;

3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles les bénéficiaires des distributions ont été assujettis sur le fondement des dispositions du 1° et du 2° du I de l'article 109 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif, en ne prononçant pas la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles les personnes réputées bénéficiaires des distributions ont été assujetties, a statué infra petita ;

- les renonciations à recettes de loyer qu'elle a consenties au profit de la société C... sont justifiées par l'augmentation excessive du montant du loyer et le risque d'interruption de l'exploitation du camping et ne constituent donc pas un acte anormal de gestion ;

- la mise à disposition gratuite de logements au profit des salariés constitue un avantage en nature, en application de la " loi comptable " et des énonciations de la doctrine administrative portant la référence BOI-IS-BASE-30-20-10 du 12 septembre 2012, et les sommes correspondantes ne doivent pas être incluses dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- ces avantages en nature ne constituent pas des revenus distribués et l'imposition des bénéficiaires sur ce fondement doit être déchargée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2021.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société D....

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles seraient assujettis les bénéficiaires de distributions de la société D..., en l'absence d'intérêt pour agir de celle-ci et en l'absence de réclamation préalable portant sur ces cotisations supplémentaires.

Par un mémoire enregistré le 31 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société D..., qui a conclu en tant que bailleresse deux baux commerciaux pour la location d'une activité de restauration et de gestion d'un camping ainsi que deux baux d'habitation, a fait l'objet de rectifications consistant notamment à réintégrer dans son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des renonciations à recettes, regardées comme un acte anormal de gestion, correspondant à des loyers non encaissés. Elle fait appel du jugement du 26 juin 2020 en tant qu'après avoir prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013 à raison d'une réduction de la base imposable d'un montant de 39 673 euros, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles les bénéficiaires des distributions auraient été assujettis :

2. Par de telles conclusions, la société D... entend demander la décharge d'impositions auxquelles elle n'a pas été assujettie et pour lesquelles, notamment, elle ne justifie pas d'un mandat régulier ni ne prétend qu'elle en serait le débiteur solidaire. Ainsi, en application des articles R. 190-1 et R. 197-4 du livre des procédures fiscales, elle est dépourvue d'intérêt pour agir et ces conclusions sont donc irrecevables. Au surplus, il résulte de la réclamation du 23 avril 2017 que la société D... a seulement contesté devant le service territorial compétent de la direction générale des finances publiques les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. Ainsi, en application de l'article R. 190-1, en l'absence de réclamation préalable, les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles les bénéficiaires des distributions auraient été assujettis sont, pour ce motif également, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte des conclusions des mémoires que, devant le tribunal administratif de Nîmes, la société D... a seulement demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement par avis du 22 mars 2017, seul produit en pièce jointe. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal, en n'examinant pas les cotisations supplémentaires auxquelles les bénéficiaires des distributions auraient été assujettis, aurait statué infra petita.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

5. S'agissant la cotisation supplémentaire au titre de l'exercice clos en 2013, il résulte de l'instruction que la société D... a renoncé à percevoir la somme de 25 500 euros correspondant à la moitié du montant des loyers que devait payer la société à responsabilité limitée C... pour la location de la gestion du camping. Alors que l'administration fiscale soutient que le loyer était sous-évalué, la société requérante, qui se borne à relever le caractère excessif de la forte augmentation décidée à compter du 1er janvier 2014, ne conteste pas que ce loyer de 51 000 euros applicable en 2013 n'excédait pas les prix pratiqués habituellement. En outre, elle n'établit pas la réalité de ses allégations selon lesquelles ces renonciations à recettes étaient rendues nécessaires par la fragilité de la situation économique de la société C... et étaient justifiées par l'intérêt de poursuivre l'exploitation commerciale du camping. Ainsi, pour cet exercice, elle doit être regardée comme s'étant appauvrie à des fins étrangères à son intérêt.

6. S'agissant des cotisations supplémentaires au titre des exercices clos en 2014 et 2015, il résulte de l'instruction que la société D... a renoncé à percevoir, respectivement, les sommes de 29 500 euros et de 23 000 euros, soit environ le tiers et le quart du montant du loyer réévalué à 91 000 euros. Alors que la société requérante établit que cette augmentation excède nettement l'évolution moyenne des baux commerciaux en France et soutient qu'elle est excessive, l'administration fiscale ne produit aucun élément de nature à établir que ce montant réévalué serait conforme à la valeur normale du loyer. Ainsi, pour ces exercices, la société D... ne peut être regardée comme s'étant appauvrie à des fins étrangères à son intérêt.

7. En second lieu, la société D... a renoncé à percevoir les loyers pour les villas dont elle est propriétaire et qu'elle donnait en location, par des baux conclus en 2004, à deux associés. L'administration fiscale a estimé que le montant des loyers non perçus, réévalué selon la clause d'indexation mentionnée dans les baux, soit 600 euros par mois, était conforme à la valeur locative de ces biens immobiliers et que la renonciation à recettes était ainsi un acte anormal de gestion. La société requérante soutient que ces sommes sont des avantages en nature consentis à ses salariés et ne peuvent, à ce titre, être incluses dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés.

8. Aux termes des dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Il est constant que la société D... n'a pas procédé à une telle inscription.

9. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante aurait joint à sa déclaration fiscale, en l'absence d'inscription en comptabilité, un état, pour chacun des bénéficiaires, de cet avantage en nature alloué au cours de ces exercices. Par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations du point 90 de la doctrine administrative portant la référence BOI-IS-BASE-30-20-10 du 12 septembre 2012.

10. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a pu regarder ces sommes, non comme des avantages en nature consentis à des salariés, mais comme une renonciation à recettes qui, dès lors que ces loyers pour les villas mises à disposition de deux associés de la société sont conformes à la valeur locative des biens, et en l'absence de contrepartie pour la société, constitue un acte anormal de gestion

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes ne lui a pas accordé une décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 à raison d'une réduction des bases d'imposition d'un montant, respectivement, de 29 500 euros et de 23 000 euros, et des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à la société D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société D... au titre des exercices clos en 2014 et 2015 est réduite d'un montant s'élevant, respectivement, à 29 500 euros et à 23 000 euros.

Article 2 : La société D... est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à raison de cette réduction des bases d'imposition, et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Fabien, présidente assesseure,

- Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.

Le président-rapporteur,

A. B...L'assesseure la plus ancienne,

M. A...

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL02975 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL02975
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : ABP AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-12;20tl02975 ?
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