La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°19TL24908

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 10 mai 2022, 19TL24908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision de la commune de Toulouse en date du 20 décembre 2017 le déclarant inapte définitivement à l'exercice de toutes fonctions et décidant de mettre en œuvre la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité ainsi que la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à l'encontre de cette décision, d'enjoindre à la commune de Toulouse de le déclarer apte à l'exercice de ses fonctions, de le réintég

rer sur son poste ou à défaut sur un poste correspondant à son grade et de le réta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision de la commune de Toulouse en date du 20 décembre 2017 le déclarant inapte définitivement à l'exercice de toutes fonctions et décidant de mettre en œuvre la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité ainsi que la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à l'encontre de cette décision, d'enjoindre à la commune de Toulouse de le déclarer apte à l'exercice de ses fonctions, de le réintégrer sur son poste ou à défaut sur un poste correspondant à son grade et de le rétablir dans ses droits à compter du 18 octobre 2014, de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 230 000 euros, à parfaire, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions des 18 janvier 2017 et 20 décembre 2017, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable le 20 février 2018, et de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1802802 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de la commune de Toulouse du 20 décembre 2017, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A..., condamné la commune à verser à M. A... une somme de 2 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018, en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qu'il a subis du fait de l'illégalité fautive de la décision le déclarant définitivement inapte à toutes fonctions et décidant de la mise en œuvre de la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité, mis à la charge de cette commune une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2019, sous le n°19BX04908 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 19TL24908, M. A..., représenté par Me Serée de Roch, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 octobre 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner la commune de Toulouse à lui verser une somme de 230 000 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- il a démontré son aptitude à l'exercice de fonctions à l'issue du congé de maladie ordinaire et sur toute la période de mise en disponibilité ;

- subsidiairement, l'absence de mise en œuvre de la procédure de placement en congé de longue maladie ou de longue durée est fautive ;

- la responsabilité de la commune est engagée en raison non seulement de l'illégalité des décisions des 18 janvier et 20 décembre 2017 mais aussi des manœuvres de la commune, qui a détourné les procédures applicables en matière de congés, mise en disponibilité et mise à la retraite afin de s'opposer à son retour au sein de la collectivité ;

- son préjudice matériel et de carrière résulte directement du placement en disponibilité d'office et des lenteurs de la commune à le réintégrer ;

- l'indemnité allouée par le tribunal au titre du préjudice moral est insuffisante.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2021, la commune de Toulouse représentée par la SCP Lonqueue-Sagalovitsch- Eglie Richters et associés, agissant par Me Lonqueue, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- par un jugement définitif du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a statué sur des conclusions indemnitaires ayant le même objet en sorte qu'il convient de constater un non-lieu à statuer ;

- aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

- M. A... a déjà obtenu la réparation des mêmes préjudices en exécution du jugement du 16 février 2021, la preuve de l'étendue du préjudice matériel n'est pas apportée, son montant est manifestement erroné, le préjudice moral n'a pas été sous-évalué.

Par une ordonnance du 23 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2021.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sylvie Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Serée de Roch, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par la commune de Toulouse en qualité d'agent contractuel le 15 mars 2002, puis a été nommé stagiaire dans le grade d'adjoint technique territorial le 1er février 2004. Il a été titularisé dans ce grade le 1er mai 2006. Titulaire du grade d'adjoint technique territorial de deuxième classe depuis le 1er janvier 2007, il occupait l'emploi de surveillant au sein du conservatoire à rayonnement régional de Toulouse avant de faire l'objet d'arrêts de travail successifs en raison de son état de santé. Du 18 au 26 décembre 2012, il a été placé en disponibilité d'office pour raison de santé. Affecté au sein de la direction des musiques actuelles pour intégrer l'équipe technique du Métronum à compter du 22 avril 2014, il a toutefois été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 18 avril 2014. Par une décision du 18 janvier 2017, la commune de Toulouse a placé M. A... en congé de maladie ordinaire du 18 octobre 2014 au 17 avril 2015, date de fin de ses droits, et en disponibilité d'office pour raisons de santé du 18 avril 2015 au 17 avril 2017. Le 20 décembre 2017, le maire de Toulouse l'a informé qu'il était inapte de manière totale et définitive à l'exercice de toutes fonctions en précisant que la collectivité allait instruire son dossier de retraite pour invalidité sauf opposition de sa part. Le 19 février 2018, M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision ainsi qu'une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité des décisions des 18 janvier 2017 et 20 décembre 2017. Par une décision implicite du 20 avril 2018, la commune a rejeté ses demandes. Par un jugement n° 1703230 du 17 octobre 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 18 janvier 2017 portant placement de M. A... en disponibilité d'office pour une durée de deux ans à compter du 18 avril 2015. Par un jugement n°1802802 du même jour, dont M. A... relève appel, ce même tribunal a annulé la décision du 20 décembre 2017 de la commune de Toulouse, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux, et a condamné la commune de Toulouse à verser à l'intéressé une somme de 2 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. La commune de Toulouse excipe d'un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête au motif que, par un jugement définitif du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a statué sur des conclusions indemnitaires présentées par M. A... ayant le même objet que celles présentées devant la cour. Il résulte de l'instruction que ce tribunal a statué sur la réparation des préjudices subis par l'agent résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le maire de Toulouse l'a placé en disponibilité d'office à compter du 18 avril 2015. Or, le présent litige est relatif à la réparation des préjudices de M. A... résultant de l'illégalité des décisions des 18 janvier et 20 décembre 2017 et cette dernière décision portant sur l'inaptitude définitive de M. A... à l'exercice de toutes fonctions a un objet distinct de l'arrêté du 23 août 2018. Par suite, les litiges n'ayant pas le même objet, l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. A... doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés. ". D'une part, M. A... a demandé au tribunal une indemnisation, à hauteur d'une somme à parfaire de 200 000 euros, du préjudice matériel qu'il estimait avoir subi du fait de l'illégalité des décisions des 18 janvier et 20 décembre 2017. En relevant que l'intéressé n'établissait pas l'existence d'un préjudice matériel et de carrière, en lien direct avec les illégalités dont sont entachées les décisions des 18 janvier 2017 et 20 décembre 2017 dès lors qu'il n'était pas établi qu'en l'absence de celles-ci, M. A... aurait effectivement pu réintégrer son emploi ou tout autre emploi au sein de la commune de Toulouse, le tribunal, qui n'était par ailleurs pas tenu de mentionner l'ensemble des pièces produites par l'intéressé, a suffisamment motivé son refus de faire droit à cette demande. D'autre part, M. A... a demandé une indemnisation à hauteur de la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral. Il soutient que le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision de limiter cette indemnisation à la somme de 2 000 euros. Toutefois, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés, a suffisamment motivé son jugement en indiquant que " l'illégalité de la décision le déclarant définitivement inapte à toutes fonctions et décidant de la mise en œuvre de la procédure de mise à la retraire d'office pour invalidité a causé un préjudice moral direct et certain à M. A... ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant la somme de 2 000 euros ". Au demeurant, l'intéressé n'avait pas développé, en première instance, une argumentation précise permettant aux premiers juges de procéder à une estimation plus fine de son préjudice moral. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Toulouse :

4. En premier lieu, par un jugement définitif n°1703230 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 18 janvier 2017 portant placement de M. A... en disponibilité d'office pour une durée de deux ans à compter du 18 avril 2015 au motif que l'intéressé a été privé de la possibilité d'exercer son droit à reclassement. Cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de la commune de Toulouse.

5. En deuxième lieu, la commune de Toulouse n'ayant pas fait appel du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 20 décembre 2017 déclarant M. A... définitivement inapte à l'exercice de toute fonction au motif de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle est entachée, ce jugement est ainsi définitif sur ce point. Cette illégalité fautive est également de nature à engager la responsabilité de la commune de Toulouse.

6. En troisième lieu et dernier lieu, si M. A... allègue que les décisions de la commune relatives à la prolongation de ses congés de maladie, à sa mise en disponibilité et au lancement de la procédure de mise à la retraite d'office sont constitutives de manœuvres fautives et procèdent de détournements de procédure destinés à empêcher son retour au sein de la collectivité et à se séparer de lui, ces manœuvres, à les supposer même établies, n'ont pas entraîné, pour M. A..., des préjudices distincts de ceux résultant des décisions précitées des 18 janvier et 20 décembre 2017 annulées par le tribunal administratif. Il en est de même de la faute alléguée tenant à l'absence de déclenchement d'une procédure de mise en congé de longue maladie ou de longue durée.

En ce qui concerne les préjudices :

7. En premier lieu, le préjudice matériel et de carrière de l'appelant ne résulte pas de la décision du 20 décembre 2017 le déclarant définitivement inapte à toute fonction mais de son placement irrégulier en disponibilité d'office à compter du 18 avril 2015. A défaut de lien direct entre l'illégalité dont est entachée la décision du 20 décembre 2017 et le préjudice invoqué, la demande présentée à ce titre par M. A... ne peut qu'être rejetée.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par un jugement du 16 février 2021, intervenu en cours d'instance et devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a statué sur les préjudices matériel et moral subis par M. A... du fait de son placement irrégulier en disponibilité à compter du 18 avril 2015. Ce jugement a condamné la commune, d'une part, à verser à M. A... au titre de son préjudice matériel une indemnité lui permettant de percevoir l'équivalent d'un traitement de base complet pour la période du 1er janvier 2018 au 31 mai 2019, et d'autre part, à lui verser, au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, une somme de 2 000 euros. En revanche, pour la période allant du 18 avril 2015 jusqu'au mois de décembre 2017, le tribunal a jugé que M. A... ne justifiait d'aucun préjudice financier qui aurait été consécutif à sa mise en disponibilité d'office dès lors qu'il avait perçu sur ladite période, outre un demi-traitement, un complément demi-solde. En exécution du jugement du 16 février 2021, la commune a notamment versé à M. A..., outre l'indemnité relative à son préjudice moral et aux troubles dans ses conditions d'existence, une indemnité d'un montant de 9 604,21 euros, assortie d'intérêts légaux en réparation de son préjudice matériel subi sur la période du 1er janvier 2018 au 31 mai 2019. L'autorité de chose jugée qui s'attache à ce jugement s'oppose à ce qu'il soit à nouveau statué sur la réparation des préjudices matériel et moral subis par l'appelant résultant de son placement illégal en disponibilité à compter du 18 avril 2015 jusqu'au 17 avril 2017.

9. En troisième et dernier lieu, les premiers juges n'ont pas inexactement évalué le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... en lien direct avec l'illégalité dont est entachée la décision du 20 décembre 2017 en lui allouant à ce titre une somme de 2 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement qu'il conteste et la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser une somme supérieure à celle que lui a accordée le tribunal.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Toulouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme demandée par la commune de Toulouse au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Toulouse au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19TL24908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19TL24908
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIERE
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SEREE DE ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-10;19tl24908 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award