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12/04/2022 | FRANCE | N°20TL00594

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 12 avril 2022, 20TL00594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... N'Doungologna a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 12 octobre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme, ainsi que la décision en date du 23 août 2017 par laquelle le directeur de l'école nationale de police de Nîmes lui a infligé un retrait de 70 points sur sa note de comportement et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, d'une part, de retirer la mention du blâme dans son dossier individuel, d'autre part, de rétablir son cla

ssement initial et de réexaminer l'éventuel retrait de points et son affecta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... N'Doungologna a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision en date du 12 octobre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme, ainsi que la décision en date du 23 août 2017 par laquelle le directeur de l'école nationale de police de Nîmes lui a infligé un retrait de 70 points sur sa note de comportement et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, d'une part, de retirer la mention du blâme dans son dossier individuel, d'autre part, de rétablir son classement initial et de réexaminer l'éventuel retrait de points et son affectation au vu de ce classement, l'ensemble dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1800275 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du ministre de l'intérieur en date du 12 octobre 2017, a enjoint au ministre de faire supprimer, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, toute mention du blâme infligé à M. N'Doungologna dans son dossier individuel et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°20MA00594 puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL00594, M. N'Doungologna, représenté par le cabinet Ernst et Young, agissant par Me Vivien, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2019 en ses motifs en ce qu'il rejette le moyen relatif à l'erreur d'appréciation affectant la décision lui infligeant un blâme et en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) d'annuler la décision tacite infligeant un retrait de 70 points sur sa note de comportement ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de rétablir son classement et de réexaminer l'éventuel retrait de points et son affectation au vu de ce classement, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué doit être réformé dans ses motifs en ce qu'il écarte l'erreur d'appréciation affectant la décision portant blâme dès lors que les faits reprochés ne sont pas fautifs, qu'il n'avait pas signé et n'avait pas connaissance du règlement intérieur et qu'il a retiré les équipements électriques dès qu'il a eu connaissance de ce règlement ; il n'a réitéré que l'occupation de l'armoire que le service d'intendance a autorisée ; la sanction est disproportionnée ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui a retenu à tort la fin de non-recevoir du ministre, il est recevable à demander l'annulation de la décision tacite de retrait de points révélée par la note de comportement du 23 août 2017 ;

- la décision de retrait de points est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation et constitue une sanction disproportionnée ;

- elle a été prise en méconnaissance de la règle non bis in idem.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. N'Doungologna.

Il fait valoir que :

- l'appelant ne peut utilement se prévaloir d'erreurs de droit, de fait ou d'appréciation commises par les premiers juges pour contester la régularité du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par M. N'Doungologna ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 11 janvier 2022.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. N'Doungologna.

Par une lettre du 9 mars 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que M. N'Doungologna, dont la demande d'annulation de la décision contestée du 12 octobre 2017 a été satisfaite par le tribunal ainsi que sa demande tendant à la suppression de la mention du blâme dans son dossier, n'a pas intérêt sur cette partie du litige à solliciter la réformation des motifs du jugement attaqué.

Par une lettre, enregistrée le 15 mars 2022, N'Doungologna a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de M. N'Doungologna.

Considérant ce qui suit :

1. M. N'Doungologna a été recruté comme élève gardien de la paix le 3 janvier 2017 et affecté à l'école nationale de police de Nîmes. Le 17 mai 2017, à l'occasion d'un contrôle des hébergements des stagiaires, il a été constaté que M. N'Doungologna occupait sans autorisation une armoire de rangement vacante, laquelle contenait par ailleurs du matériel électrique interdit par le règlement intérieur de l'école. Un nouveau contrôle effectué le 10 août 2017 a révélé une réitération des mêmes faits. Par une lettre du 23 août 2017, le directeur de l'école a en conséquence informé M. N'Doungologna du retrait de 70 points sur sa note de comportement, puis, par une décision du 12 octobre 2017, le ministre de l'intérieur a infligé un blâme à l'intéressé. M. N'Doungologna a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du directeur de l'école portant retrait de points sur sa note de comportement révélée par la lettre du 23 août 2017 ainsi que de la décision du 12 octobre 2017. Par un jugement n° 1800275 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du ministre de l'intérieur en date du 12 octobre 2017, a enjoint au ministre de faire supprimer, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, toute mention du blâme infligé à M. N'Doungologna dans son dossier individuel et rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. N'Doungologna relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de l'appel en tant qu'il concerne la demande de réformation des motifs du jugement attaqué :

2. M. N'Doungologna sollicite la réformation des motifs du jugement attaqué en ce qu'il a écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dirigé à l'encontre de la décision contestée du 12 octobre 2017 par laquelle l'administration lui a infligé un blâme. Toutefois, il n'avait pas, en première instance, hiérarchisé ses prétentions en fonction de la cause juridique sur laquelle reposaient, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nîmes a accueilli ses conclusions principales à fin d'annulation de la décision du 12 octobre 2017 et à fin d'injonction, en ordonnant au ministre de l'intérieur de faire supprimer toute mention du blâme infligé à l'intéressé dans son dossier individuel. Par suite, l'intéressé, dont la demande principale a été satisfaite, n'a pas intérêt pour faire appel sur cette partie du litige et sa requête n'est, dans cette mesure, pas recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 7 du décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 susvisé : " Les candidats reçus sont nommés dans un établissement de formation de la police. / Les élèves qui, à l'issue de la période de formation, ont satisfait aux épreuves d'aptitude sont nommés gardiens de la paix stagiaires. (...) ". Aux termes de l'article 29 de l'arrêté du 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " L'aptitude professionnelle des élèves en fin de scolarité est appréciée par un jury (...) ". Aux termes de l'article 30 du même arrêté : " Le jury d'aptitude professionnelle analyse les résultats obtenus dans les différentes épreuves et le comportement des élèves pendant leur scolarité en vue d'établir le classement national des élèves. Le jury d'aptitude statue sur : / - le cas des élèves signalés par la commission de suivi définie à l'article 27 ; / - le cas des élèves n'ayant pas obtenu la note minimum dans les matières fixées par l'arrêté portant notation et classement des élèves gardiens de la paix ". Selon l'article 32 de cet arrêté : " Le jury d'aptitude établit trois listes : / - la première détermine, par ordre de mérite, en fonction du nombre de points obtenus, les élèves remplissant les conditions d'aptitude définies par l'arrêté relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix (...) ". En vertu de l'article 33 : " A l'issue de leur scolarité, les élèves inscrits sur la liste d'aptitude choisissent les postes proposés selon leur rang dans le classement national. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale : " L'évaluation de la formation initiale est établie conformément à la grille de notation figurant en annexe (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Aux notes sanctionnant les domaines prévus à l'article 3 s'ajoutent celles relatives à l'évaluation des comportements personnels. ".

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points précédents que la décision appréciant l'aptitude professionnelle des élèves gardiens de la paix à être nommés stagiaires, en tenant compte notamment de leur comportement personnel durant leur formation, appartient au jury d'aptitude professionnelle et qu'afin d'établir le classement, par ordre de mérite, des élèves inscrits sur la liste d'aptitude, ce jury examine les résultats obtenus par les élèves, arrête leurs notes, détermine leur moyenne générale et établit en conséquence le rang de classement de chacun. En l'espèce, si, par sa lettre du 23 août 2017, le directeur de l'école a informé l'appelant de ce qu'il avait " décidé " de lui retirer 70 points sur sa note de comportement, ladite lettre précisait également que ces retraits seraient " officialisés définitivement lors de la réunion de la commission de suivi de fin de scolarité ". Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, cette lettre n'a pu avoir pour effet d'arrêter la note définitive de comportement de M. N'Doungologna, laquelle ne pouvait résulter que de l'appréciation souveraine ultérieure du jury d'aptitude professionnelle. Par voie de conséquence, M. N'Doungologna n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur décision d'irrégularité en retenant la fin de non-recevoir du ministre dès lors que la lettre du directeur en date du 23 août 2017 ne révèle aucun acte de cette autorité susceptible de recours pour excès de pouvoir.

6. Il résulte de ce qui précède que M. N'Doungologna n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée et d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. N'Doungologna la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. N'Doungologna est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... N'Doungologna et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N°20TL00594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL00594
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-01-05-03-01 Actes législatifs et administratifs. - Différentes catégories d'actes. - Actes administratifs - notion. - Instructions et circulaires. - Recevabilité du recours pour excès de pouvoir.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIERE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-04-12;20tl00594 ?
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