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15/03/2022 | FRANCE | N°19TL23149

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 15 mars 2022, 19TL23149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Localu a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les titres exécutoires n° 1856, 1857, 2194 et 2195 portant avis de paiement de la somme totale de 52 578,48 euros émis à son encontre par la commune de Toulouse, et n° 353 et 399 portant avis de paiement de la somme totale de 2 009,53 euros émis à son encontre par Toulouse Métropole, de la décharger de l'obligation de payer ces sommes et de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 5

500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Localu a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les titres exécutoires n° 1856, 1857, 2194 et 2195 portant avis de paiement de la somme totale de 52 578,48 euros émis à son encontre par la commune de Toulouse, et n° 353 et 399 portant avis de paiement de la somme totale de 2 009,53 euros émis à son encontre par Toulouse Métropole, de la décharger de l'obligation de payer ces sommes et de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604264-1604265 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les titres exécutoires, mis à la charge de la commune de Toulouse et de Toulouse Métropole une somme de 1 000 euros à verser chacune à la société Localu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2019 sous le n° 19BX03149 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 19TL23149, la SARL Localu, représentée par Me de Gerando, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1604264-1604265 du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de prononcer la décharge totale de l'obligation de payer les sommes réclamées par les titres exécutoires annulés ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse et de Toulouse Métropole la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* les titres de recettes sont entachés d'un défaut de motivation dès lors que les tableaux annexés aux titres ne précisent pas les non-conformités au cahier des charges qui lui sont reprochées ni les bases de liquidation de la créance ;

* la créance mise en recouvrement n'a pas pu être régulièrement liquidée dès lors qu'aucun décompte général et définitif ne lui a été notifié ;

* l'article 25.3 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services a été méconnu : les réfactions de prix n'étaient pas justifiées au moment où les titres ont été émis, les collectivités n'ayant pas effectué de pointage précis des principales anomalies reprochées et n'ayant établi des fiches d'évaluation qu'à la suite de la réunion du 14 avril 2016 ; ces réfactions ont ainsi été opérées avant que la société ait pu faire part contradictoirement de sa position dans un délai raisonnable et remédier aux prétendues non-conformités ;

* en tout état de cause, ces réfactions ne sont pas justifiées proportionnellement aux imperfections : les matériels ont été livrés, vérifiés, admis sans réserves et payés conformément à l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières et 22 à 25 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services , de sorte que les imperfections ne peuvent être considérées que comme des imperfections mineures insusceptibles de pouvoir être sanctionnées par des réfactions aussi importantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, la commune de Toulouse et Toulouse Métropole, représentées par la SCP Bouyssou et associés, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement n° 1604264-1604265 en tant qu'il annule les titres exécutoires n° 1856, 1857, 2194, 2195, 353 et 399, et de rejeter la demande de la société Localu présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Localu la somme de 4 000 euros à leur verser à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

* le jugement du tribunal est entaché d'une appréciation erronée en ce que la procédure contradictoire a été respectée : la société Localu a été mise en mesure de formuler des observations tant lors de la réunion du 11 décembre 2014 que de celle du 10 juillet 2015, dans le respect de l'article 25.3 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services ; la société a ensuite bénéficié d'un délai de près de huit mois pour présenter ses observations ; les titres de recettes ne sont entachés d'aucun défaut de motivation dès lors que le tableau exhaustif annexé à chaque titre indiquait à la société Localu l'ensemble des informations lui permettant de connaître les bases de la liquidation ;

* le moyen tiré de l'absence d'établissement d'un décompte général et définitif est inopérant, le cahier des clauses administratives générales Travaux étant inapplicable au litige ;

* aucune des pièces du marché, ni le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services n'imposaient à la collectivité de transmettre à la société requérante des fiches d'évaluation ;

* les réfactions de prix ont été établies sur des fondements objectifs et cohérents ; les taux appliqués sont proportionnés aux désordres constatés contradictoirement, conformément à l'article 25.3 du cahier des clauses administratives générales : ils ont été limités à 10% lorsque les manquements ne remettent en question ni la santé ni la sécurité des personnes, et supérieurs à 30% dans le cas contraire ; le bureau de contrôle sur la sécurité avait émis des réserves qui n'avaient pas été levées.

Par ordonnance du 25 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mai 2021.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la SARL Localu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Toulouse et Toulouse Métropole, a été enregistrée le 3 mars 2022.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Gerando, représentant la SARL Localu, et de Me Chevallier, représentant la commune de Toulouse et Toulouse Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Toulouse et Toulouse Métropole, constituées en groupement de commandes, ont chacune conclu en 2014 avec la société Localu quatre marchés publics ayant pour objet la location de bâtiments modulaires, de WC chimiques et de conteneurs. Dans le cadre de l'exécution des marchés de location de bâtiments modulaires n° 14V216, 14V217 et 14M184 à compter de juin 2014, la commune de Toulouse et Toulouse Métropole ont constaté des manquements de la part de la société Localu par rapport aux exigences du cahier des clauses techniques particulières des marchés en cause. Le 11 décembre 2014, le service mutualisé gestionnaire de ces marchés, la direction bâtiments et énergies, a organisé une réunion en présence de la société Localu afin d'échanger avec elle sur les manquements constatés. Par des courriers en date des 15 et 17 juillet 2015, la commune de Toulouse a informé la société Localu de ce qu'elle entendait pratiquer des réfactions de prix compte tenu de la persistance des anomalies constatées en dépit du délai qui avait été accordé à cette dernière pour y remédier. La commune de Toulouse a ainsi émis quatre titres exécutoires n° 1856, 1857, 2194 et 2195 d'un montant total de 52 578,48 euros. Toulouse Métropole a également émis deux titres exécutoires n° 353 et 399 d'un montant total de 2 009,53 euros. Par un jugement du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les six titres exécutoires, mis à la charge des personnes publiques une somme de 1 000 euros chacune et rejeté le surplus de sa demande. La société Localu demande à la cour de réformer le jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de décharge des sommes mises en paiement. La commune de Toulouse et Toulouse Métropole demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il a annulé les titres exécutoires et de rejeter la demande présentée par la société Localu devant le tribunal.

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :

2. Aux termes de l'article 25.3 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services : " Lorsque le pouvoir adjudicateur estime que des prestations, sans être entièrement conformes aux stipulations du marché, peuvent néanmoins être admises en l'état, il peut les admettre avec réfaction de prix proportionnelle à l'importance des imperfections constatées. Cette décision doit être motivée. Elle ne peut être notifiée au titulaire qu'après qu'il a été mis à même de présenter ses observations. ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle par sondage effectué sur certaines installations scolaires qui a fait l'objet d'un rapport remis à la société Localu le 24 novembre 2014, la direction bâtiments et énergies a constaté des manquements par rapport aux exigences du cahier des clauses techniques particulières des marchés. Le compte-rendu de la réunion qui s'est tenue le 11 décembre 2014 et qui a été diffusé à la société Localu le 13 février 2015, précise que les manquements relevés concernent les épaisseurs d'isolant dans les différentes parois, la qualité des vitrages, la nature des équipements techniques (pompe à chaleur réversible non systématique, blocs secours non conformes...), l'absence de plafond acoustique dans les classes et le sol de certains locaux ne respectant pas le cahier des clauses techniques particulières (sanitaires, offices). La société a alors admis avoir un peu sous-estimé l'amélioration qualitative souhaitée par la maîtrise d'ouvrage dans le cadre de ces nouveaux marchés. Pour tenir compte de ses difficultés à programmer ses interventions du fait de l'occupation des modules, la direction bâtiments et énergies lui a accordé un délai courant jusqu'à la fin des vacances scolaires d'hiver pour remédier aux manquements constatés. Par un courrier du 15 juillet 2015, la commune de Toulouse et Toulouse Métropole, constatant peu d'améliorations sur les installations à reprendre qui avaient été mises en place entre juin et décembre 2014 ou sur celles livrées en 2015, ont informé la société Localu de l'application de réfactions de prix sur le fondement de l'article 25.3 du cahier des clauses administratives générales. Un courrier du 17 juillet 2015 précisait que les modules reconditionnés qui ont pu être observés lors d'une visite du site de la société le 10 juillet précédent, et destinés à être installés sur les sites des écoles Peire Godolin et Borderouge ne répondaient pas à plusieurs exigences du cahier des charges du marché 14V216, concernant l'isolation thermique, le classement " Sécurit " des vitrages non spécifié, et le plafond des salles de classes non traité en acoustique, ajoutant que de nombreux désordres esthétiques avaient été constatés. Les tableaux récapitulatifs de réfactions annexés au courrier du 15 juillet 2015 mentionnent, pour chacun des trois marchés en cause, des éléments tels que le nom de l'installation correspondant à l'établissement scolaire, la référence de la commande, le nombre de modules concernés, la date d'installation, le numéro du contrat de location, le numéro du devis et le taux de réfaction appliqué, entre 10 et 60%, outre le montant de la facture avant et après réfaction, à l'exclusion cependant du ou des manquements constatés pour chacune des installations concernées. A la suite de l'émission des titres exécutoires en litige, une réunion a été organisée le 15 avril 2016 entre les personnes publiques et la société Localu, au cours de laquelle le représentant des collectivités, qui a relevé que certaines installations avaient été mises à niveau et que celles qui ne l'ont pas été faisaient l'objet de réfactions de loyer, a explicité les taux de réfaction appliqués, de 10% en cas de non transmission d'un ou plusieurs documents, pour les spécificités fonctionnelles non respectées selon l'article 1.3.2 des cahier des clauses techniques particulières des lots 1 et 2, ou encore pour les dispositions constructives non respectées selon l'article 1.3.1 des mêmes lots (hors sécurité) et les non-conformités en accessibilité, et de 30% pour les non-conformités en sécurité incendie. Toutefois, ni les tableaux de réfactions produits établis pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 2015 et le tableau établi pour 2016, qui font au demeurant état de taux de réfactions allant jusqu'à 60%, excédant donc le taux maximal de 30% explicité lors de la réunion du 15 avril 2016, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent de justifier des taux de réfaction appliqués par les collectivités par rapport aux manquements évoqués de manière générale dans les documents cités. Alors même que la société Localu avait admis, lors de la réunion du 11 décembre 2014, avoir un peu sous-estimé l'amélioration qualitative souhaitée par la maîtrise d'ouvrage, les réfactions appliquées pour chaque installation concernée par les collectivités ne sont cependant justifiées par aucune pièce. Si les collectivités font valoir que le bureau de contrôle sur la sécurité avait émis des réserves qui n'avaient pas été levées, ni le compte-rendu de la réunion du 24 novembre 2014 ni aucun autre document n'apportent de précisions utiles sur ces réserves. Il s'ensuit qu'en l'absence de justification du bien-fondé de la créance mise à la charge de la société Localu, la société est fondée à demander non seulement l'annulation des titres exécutoires contestés mais aussi la décharge des sommes mises à sa charge.

4. Il résulte de ce qui précède que la société Localu est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est borné à annuler les titres exécutoires contestés en accueillant le seul moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas été mise à même de présenter ses observations, en violation des dispositions énoncées à l'article 25.3 du cahier des clauses administratives générales, et a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par la commune de Toulouse et par Toulouse Métropole sur le fondement des titres exécutoires n° 1856, 1857, 2194, 2195, 353 et 399 d'un montant total de 54 588,01 euros. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter l'appel incident de la commune de Toulouse et de Toulouse Métropole à l'encontre du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Localu, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Toulouse et à Toulouse Métropole les sommes que celles-ci réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Toulouse et de Toulouse Métropole une somme de 1 000 euros chacune à verser à la société Localu au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La société Localu est déchargée de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par la commune de Toulouse et par Toulouse Métropole sur le fondement des titres exécutoires n° 1856, 1857, 2194, 2195, 353 et 399 d'un montant total de 54 588,01 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Toulouse et Toulouse Métropole verseront à la société Localu la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Toulouse et de Toulouse Métropole présentées par la voie de l'appel incident et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Localu, à la commune de Toulouse et à Toulouse Métropole.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

Mme Geslan-Demaret, présidente,

Mme Blin, présidente assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.

La rapporteure,

A. BLIN

Le président,

J-F. MOUTTELe greffier,

F. KINACH

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19TL23149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19TL23149
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET GERANDO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-03-15;19tl23149 ?
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