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05/08/2025 | FRANCE | N°24PA02946

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 05 août 2025, 24PA02946


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.



Par un jugement n° 2214088 du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.







Procédure devant la Cour :



Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 2214088 du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4, 7 et 8 juillet 2024 et le 9 avril 2025, Mme A..., représentée par Me Soh Mouafo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2214088 du 10 juin 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Diémert,

- et les observations de Me Soh Mouafo, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née le 16 mai 1980, de nationalité camerounaise, est entrée irrégulièrement en France en juin 2015. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en 2016, dont le dernier renouvellement a expiré le 25 mai 2020, en qualité de parent d'enfant français. Le 26 juin 2020, elle en a sollicité le renouvellement sur le même fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 10 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 423-7, fondement de la demande de titre de séjour formée par l'intéressée, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elle indique que le préfet s'est fondé sur l'existence d'une fraude à la paternité au regard de la reconnaissance par anticipation, de l'obtention du passeport pour l'enfant le 25 avril 2016, et de l'absence de liens entre le père, la requérante et l'enfant. Elle précise en outre qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle ne justifie pas de liens familiaux et personnels suffisamment stables, anciens et intenses en France. La décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, Mme A... ne peut utilement soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait, au regard de la circonstance que les premiers juges auraient retenu à tort l'absence de vie commune avec son compagnon et de sa contribution à l'entretien et l'éducation de ses deux plus jeunes enfants, ainsi que la justification de seulement trois bulletins de salaire, dès lors que le préfet n'a pas retenu de tels faits dans la décision en litige.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

5. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

6. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité par Mme A... en qualité de parent d'un enfant français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé que la reconnaissance de paternité par un ressortissant français, de son enfant, né le 18 février 2016, présentait un caractère frauduleux, au vu d'un faisceau d'indices concordants, dès lors que l'enfant a été reconnu par anticipation plus de quatre mois avant sa naissance, que le passeport de l'enfant a été obtenu dès le 25 avril 2016, que l'enfant ne porte ni le nom de famille de l'intéressée, ni celui de l'auteur de la reconnaissance de paternité, que ce dernier, qui n'a pas vécu avec l'intéressée, n'a pas participé à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, et enfin, que la requérante a déclaré vivre avec un autre homme avec lequel elle a eu deux autres enfants nés en 2019 et 2022. Le préfet a alors considéré que ce faisceau d'indices justifiait la saisine du procureur de la République du tribunal judiciaire de Bobigny sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, laquelle précise par ailleurs que Mme A... était probablement déjà enceinte à la date de son arrivée France dès lors qu'elle a déclaré être entrée en France en juin 2015 et qu'elle a donné naissance à son enfant le 18 février 2016. Enfin, il ressort de la lettre du 9 janvier 2023 versé par le préfet que le procureur de la République l'a informé qu'il considérait que la fraude était caractérisée et qu'il sollicitait l'annulation de la reconnaissance de paternité auprès du tribunal judiciaire de Bobigny.

7. En l'espèce, Mme A... ne conteste pas le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité en cause. En particulier, elle ne fait valoir aucune circonstance, et ne verse aucune pièce, de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le préfet au regard du faisceau d'indices susmentionné. Ainsi, elle ne produit aucun élément permettant d'expliquer le nom de famille de l'enfant, l'absence de relation affective entre elle, l'enfant et l'auteur de la reconnaissance de paternité, ni sur la circonstance qu'elle était probablement enceinte de cet enfant à la date de son arrivée en France. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423- 22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412- 1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".

9. En l'espèce, si Mme A... verse de nombreuses pièces de nature à établir sa présence en France depuis 2015, la durée de son séjour, soit sept ans à la date de l'arrêté en litige, ne lui confère aucun droit au séjour. Par ailleurs, si l'intéressée fait valoir qu'elle a travaillé en qualité d'agent de service, de coiffeuse, puis de prothésiste ongulaire, ces activités professionnelles, qu'elle exerce depuis 2017 à temps partiel et pour une faible rémunération, ne permettent pas de justifier d'une insertion professionnelle significative. Enfin, si la requérante se prévaut de la circonstance qu'elle vit en concubinage avec le père de ses deux plus jeunes enfants, lequel est titulaire d'une carte de résident et contribue à l'entretien et l'éducation de ses enfants, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstruise dans son pays d'origine, soit le Cameroun, pays, dont elle et son compagnon ont la nationalité, et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Par ailleurs, Mme A... n'établit pas y être dépourvue de toute attache et que ses enfants ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme A....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

13. Aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que Mme A..., ne pouvant se prévaloir de la nationalité française de son enfant en raison d'une fraude concernant la déclaration de paternité, n'est pas fondée à revendiquer le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 août 2025.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA02946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02946
Date de la décision : 05/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SOH MOUAFO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-08-05;24pa02946 ?
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