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05/08/2025 | FRANCE | N°24PA02747

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 05 août 2025, 24PA02747


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Befor a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, d'annuler les arrêtés nos 20-0257 HI RDP MHM, 20-0258 HI RDP MHM et 20-0259 HI RDP MHM du 28 décembre 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a enjoint de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation de trois locaux situés au premier étage du bâtiment A d'un immeuble sis 22-24 boulevard Jules Guesde, à Saint-Denis, de procéder au relog

ement des occupants et de supprimer les équipements sanitaires et la cuisine qu'ils compor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Befor a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, d'annuler les arrêtés nos 20-0257 HI RDP MHM, 20-0258 HI RDP MHM et 20-0259 HI RDP MHM du 28 décembre 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a enjoint de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation de trois locaux situés au premier étage du bâtiment A d'un immeuble sis 22-24 boulevard Jules Guesde, à Saint-Denis, de procéder au relogement des occupants et de supprimer les équipements sanitaires et la cuisine qu'ils comportent et, à titre subsidiaire, de suspendre l'obligation de relogement du bailleur sous astreinte et l'obligation de réalisation des travaux ainsi que d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis et à la commune de Saint-Denis de procéder au relogement des locataires.

Par un jugement n° 2104389 29 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés nos 20-0257 HI RDP MHM, 20-0258 HI RDP MHM et 20-0259 HI RDP MHM du 28 décembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 25 juin 2024, le ministre du travail, de la santé et des solidarités demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104389 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société civile immobilière Befor devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit, dès lors que les obligations procédurales et les modalités de convocation de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques fixées à l'article L. 1331-27 du code de santé publique pour l'application de la procédure d'insalubrité dite " ordinaire " (insalubrité remédiable ou irrémédiable) prévue aux articles L. 1331-26 et L. 1331-428 dudit code, ne sont pas applicables à la phase contradictoire applicable dans le cadre de la procédure spécifique prévue à l'article L. 1331-24 du même code, visant à mettre fin à une utilisation dangereuse de locaux non compatibles avec leur usage ;

- les intéressés n'ont en tout état de cause été privés d'aucune garantie dès lors que les arrêtés ont été pris en vue de préserver leur santé.

La requête a été communiquée à la société civile immobilière Befor qui n'a pas présenté d'observations en défense.

La requête a été communiquée à la commune de Saint-Denis qui n'a pas présenté d'observations dans cette instance.

Le 13 mai 2025, une mise en demeure a été adressée à la société civile immobilière Befor, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, l'invitant à produire d'ici au 20 juin à 12 h, un mémoire récapitulatif reprenant les conclusions et les moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir devant la Cour. Aucun mémoire récapitulatif n'a été produit.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Diémert,

- et les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Befor est propriétaire de trois appartements dans l'immeuble sis 22-24 boulevard Jules Guesde, à Saint-Denis. Par trois arrêtés nos 200257 HI RDP MHM, 20-0258 HI RDP MHM et 20-0259 HI RDP MHM du 28 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a enjoint de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation de ces trois locaux, de procéder au relogement des occupants et de supprimer les équipements sanitaires et la cuisine qu'ils comportent, dans le délai d'un mois à compter de la notification de ces arrêtés. La société ayant saisi le tribunal administratif de Montreuil aux fins d'annulation de ces trois arrêtés, cette juridiction a fait droit à sa demande par un jugement du 29 juin 2023 dont le ministre du travail, de la santé et des solidarités relève appel devant la Cour.

2. Le ministre soutient que les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit, dès lors que les obligations procédurales et les modalités de convocation de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques fixées à l'article L. 1331-27 du code de la santé publique pour l'application de la procédure d'insalubrité dite " ordinaire " (insalubrité remédiable ou irrémédiable) prévue aux articles L. 1331-26 et L. 1331-428 dudit code, ne sont pas applicables à la phase contradictoire applicable dans le cadre de la procédure spécifique prévue à l'article L. 1331-24, visant à mettre fin à une utilisation dangereuse de locaux non compatibles avec leur usage.

3. Après avoir cité les dispositions des articles L. 1331-24 et L. 1331-27 du code de la santé publique, le tribunal administratif en a fait une application combinée aux circonstances de l'espèce pour déduire qu'en n'ayant pas avisé les occupants des locaux litigieux de la tenue du CODERST et de leur possibilité d'y être entendus, en méconnaissance de l'article L. 1331-27 dudit code, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché la procédure d'une irrégularité ayant privé les locataires d'une garantie et exercé une influence sur le sens des décisions prises.

4. D'une part, l'article L. 1331-24 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au lige, dispose que : " Lorsque l'utilisation qui est faite de locaux ou installations présente un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, le représentant de l'État dans le département, après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques, peut enjoindre à la personne qui a mis ces locaux ou installations à disposition ou à celle qui en a l'usage de rendre leur utilisation conforme aux prescriptions qu'il édicte dans le délai qu'il fixe. / L'injonction prévue au premier alinéa précise que, à l'expiration du délai fixé, en cas de non-respect des prescriptions édictées, la personne qui a mis les locaux ou installations à disposition ou celle qui en a l'usage est redevable d'une astreinte par jour de retard dans les conditions prévues à l'article L. 1331-29-1. / Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par l'injonction. / Si l'injonction est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter, la personne ayant mis ces locaux à disposition est tenue d'assurer l'hébergement ou le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. / S'il n'est pas satisfait à l'injonction dans le délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département prend, aux frais de la personne à laquelle elle a été faite, toutes mesures nécessaires pour ce faire. La créance de la collectivité publique est recouvrée comme en matière de contributions directes. "

5. D'autre part, les articles L. 1331-25 et L. 1331-26 du même code, applicables à la date des arrêtés litigieux, prévoyaient respectivement, pour le premier d'entre eux, qu'à l'intérieur d'un périmètre qu'il définit, le préfet peut déclarer l'insalubrité des locaux et installations utilisés aux fins d'habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de salubrité ou de sécurité, et que son arrêté, qui vaut interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les locaux et installations qu'il désigne, est pris après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques à laquelle le maire ou, le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat est invité à présenter ses observations, et après délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public et, pour le second de ces deux articles que, lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le préfet, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois, sur la réalité et les causes de l'insalubrité et sur les mesures propres à y remédier, l'insalubrité d'un bâtiment devant être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction.

6. Par ailleurs, l'article L. 1331-27 du même code dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés litigieux prévoyait que le préfet avise les propriétaires, tels qu'ils figurent au fichier immobilier, au moins trente jours à l'avance de la tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et de la faculté qu'ils ont de produire dans ce délai leurs observations, et avise également, dans la mesure où ils sont connus, les titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, les titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, les occupants et, en cas d'immeuble d'hébergement, l'exploitant, le rapport motivé prévu à l'article L. 1331-26 étant tenu à la disposition des intéressés dans les bureaux de la préfecture, une copie étant déposée à la mairie de la commune, toute personne justifiant de l'une des qualités susmentionnées étant, sur sa demande, entendue par la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et appelée aux visites et constatations des lieux et pouvant se faire représenter par un mandataire. Le préfet pouvait, au cas où la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques aurait émis un avis contraire aux conclusions du rapport motivé prévu à l'article L. 1331-26, transmettre le dossier au ministre chargé de la santé, ce dernier saisissant alors le Haut conseil de la santé publique qui devait émettre son avis dans les deux mois, lequel se substituait à celui de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques.

7. Enfin, l'article L. 1331-28 du même code prévoyait en outre que, lorsque la commission ou le Haut conseil concluait à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le préfet déclare par arrêté l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an et qu'il peut également ordonner la démolition de l'immeuble, et enfin qu'il prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès et l'usage de l'immeuble au fur et à mesure de son évacuation, les mêmes mesures pouvant être décidées à tout moment par le maire au nom de l'État et pouvant faire l'objet d'une exécution d'office.

8. Il résulte clairement des dispositions du code de santé publique rappelées aux points précédents que, eu égard à la portée des mesures susceptibles d'être prises sur le fondement des articles L. 1331-25, L. 1331-26 et L. 1331-28 et à leur potentiel effet définitif, compte tenu de la possible constatation de l'insalubrité irrémédiable de l'immeuble, les dispositions de l'article L. 1331-27 relatives à la consultation préalable des propriétaires, des exploitants ou des occupants des locaux, qui constituent des garanties pour les intéressés en raison des conséquences de ces mesures sur leur situation personnelle, ne sont applicables que dans les cas de la mise en œuvre de ces seuls articles, et non dans le cas de celle de l'article L. 1331-24, lequel ne prévoit que des injonctions adressées à la personne qui a mis ces locaux ou installations à disposition ou à celle qui en a l'usage de prendre des mesures de nature provisoire, destinées à rendre leur utilisation conforme aux prescriptions ainsi édictées, pour lesquelles la consultation des intéressés ne présente pas le même caractère de garantie.

9. Il s'ensuit que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé les trois arrêtés litigieux du préfet de la Seine-Saint-Denis comme entachés d'une irrégularité de procédure au motif qu'ils ont été pris sans que les occupants des locaux concernés aient été avisés dans les conditions prescrites par l'article L. 1331-27 du code de la santé publique, de la tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques du 19 novembre 2020 et de la possibilité d'être entendus par cette instance.

10. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société civile immobilière Befor devant le tribunal administratif de Montreuil.

11. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement (...) peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement (...) peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. ".

12. En application des dispositions précitées, le rapporteur a, le 13 mai 2025, mis en demeure la société civile immobilière Befor de produire un mémoire récapitulant les moyens de première instance qu'elle entend maintenir devant la Cour dans l'hypothèse où cette dernière se prononcerait par l'effet dévolutif de l'appel sur sa demande présentée devant le tribunal administratif. L'intéressée n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, elle doit être regardée comme s'étant désistée, devant la Cour, des moyens articulés au soutien des conclusions de sa demande devant le tribunal administratif, qui ne peuvent donc qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par la société civile immobilière Befor devant les premiers juges.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2104389 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société civile immobilière Befor devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et à la société civile immobilière Befor.

Copie en sera adressée au ministre de la santé et de l'accès aux soins, au préfet de la Seine-Saint-Denis et à la commune de Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 août 2025.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA02747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02747
Date de la décision : 05/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-08-05;24pa02747 ?
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