Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision du 25 mars 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 de la première section du Val-de-Marne a autorisé la société Openskies à la licencier pour motif économique.
Par un jugement n° 2104879 du 8 janvier 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision attaquée.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2024, la société Openskies, représenté par Me Boëlle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a accueilli le moyen, soulevé par Mme C... à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, tiré de ce que la décision du 25 mars 2021 de l'inspectrice du travail est insuffisamment motivée au regard de l'article R. 2421-5 du code du travail ;
- les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme C... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le règlement n° 95/93 du Conseil du 18 janvier 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tomaszewski pour la société Openskies.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... a été recrutée par la société Openskies le 15 février 2018, en qualité d'hôtesse de l'air. Depuis le 18 novembre 2019, elle était titulaire du mandat de représentante titulaire au comité social et économique. Par une décision du 25 mars 2021, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 2 de la première section du Val-de-Marne a autorisé son licenciement pour motif économique. Par un jugement du 8 janvier 2024, dont la société Openskies relève appel, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : (...) / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise (...) ".
3. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " la décision de l'inspecteur du travail est motivée / (...) ".
5. Pour annuler la décision du 25 mars 2021 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Openskies à licencier Mme C... pour motif économique, le tribunal administratif de Melun a jugé qu'en se bornant à indiquer que la société Openskies avait décidé de procéder à une cessation totale et définitive de ses activités, sans assortir ce constat d'aucune précision quant aux éléments sur lesquels elle s'est fondée pour apprécier le caractère total et définitif de la cessation d'activité de la société, l'inspectrice du travail n'a pas suffisamment motivé sa décision au sens des dispositions de l'article R. 2421-5 du code du travail.
6. La société Openskies a demandé l'autorisation de licencier Mme C... suite à la cessation totale et définitive de ses activités. Cette demande, en date du 24 janvier 2021, intervenait après, d'une part, que l'administration avait validé, le 4 novembre 2020, l'accord collectif portant plan de sauvegarde pour l'emploi (PSE) conclu entre la société et les organisations syndicales et sur lequel les élus du comité social et économique avaient donné un avis favorable à l'unanimité le 15 octobre 2020 et, d'autre part, que le constat avait été fait de l'absence de toute offre de reprise, comme cela ressort de la note d'information adressée aux élus du conseil social et économique préalablement, dont Mme C..., à la réunion du 13 janvier 2021. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le caractère total et définitif de la cessation d'activité de la société aurait été contesté par Mme C... ou par un autre membre du conseil social et économique lors de la procédure d'information relative au PSE, au moment de donner leur avis sur leur licenciement en tant que représentants au conseil social et économique ou lors de l'enquête contradictoire menée par l'inspectrice du travail. Dans ces conditions, en l'absence de toute contestation devant elle du caractère total et définitif de la cessation d'activité, en se contentant d'indiquer que " pour des motifs économiques, la compagnie Openskies a décidé de procéder à une cessation totale et définitive de ses activités ", que " de ce fait le poste de Mme B... C... est supprimé " et que " la réalité du motif économique est établie ", l'inspectrice du travail n'a pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation. De même, la circonstance que la décision, qui vise notamment l'article L. 1233-3 du code du travail et qui indique que les recherches de reclassement ont été faites au niveau du groupe, ne vise pas les articles L. 1233-2 et L. 1233-4 du même code, ni ses articles L. 1233-4-1 et L. 1233-5, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient trouvé à s'appliquer en l'espèce, ne saurait, par elle-même, caractériser une insuffisance de motivation au sens des dispositions citées au point 4.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la décision de l'inspectrice du travail du 25 mars 2021 était insuffisamment motivée pour l'annuler.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Melun.
9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, la société Openskies a, le 25 janvier 2021, demandé l'autorisation de licencier Mme C... suite à la cessation totale et définitive de ses activités. Un PSE a été mis en place à cet effet, validé par l'administration le 4 novembre 2020, qui indiquait " qu'en l'absence d'un projet de reprise des activités ", " le projet entraînerait la suppression de l'ensemble des postes de la société, soit potentiellement un total de 180 licenciements pour motif économique ". Au vu des éléments qui lui ont été ainsi communiqués, en l'absence de toute contestation, et alors que la cessation d'activité d'une entreprise ne coïncide pas nécessairement avec la disparition de la société en tant que personne morale, l'inspectrice du travail a valablement pu considérer, sans commettre ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation, que la cessation d'activité de l'entreprise était totale et définitive et que, dès lors, la réalité du motif économique était établie. Mme C... ne peut pas utilement se prévaloir d'éléments postérieurs à la décision attaquée, tenant notamment à la modification du siège social de la société et à la nomination de dirigeants, dont il ne ressort en tout état de cause pas que l'activité de la société se serait poursuivie ou aurait reprise, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Openskies n'opérait plus de vols commerciaux depuis le 23 mars 2020, qu'elle ne disposait plus de licence d'exploitation ni de certificat de transporteur aérien dès la fin de l'année 2021, et qu'elle a fait le choix de maintenir la structure juridique sans liquidation judiciaire pour clore les litiges sociaux en cours.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Ces dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.
11. Mme C... soutient que l'activité de la société Openskies a été poursuivie par la société Iberia, à qui deux avions ont été transférés et qui opère des vols longs courriers à bas prix à partir du terminal 1 de l'aéroport de Paris Orly, et que dès lors qu'elle était affectée exclusivement à cette activité, son contrat aurait dû être transféré à la société Iberia, de sorte que son licenciement n'aurait pas dû être autorisé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si la société Iberia a repris deux des avions qui étaient exploités par la société Openskies, d'une part, ces avions opèrent désormais depuis Madrid et Barcelone en Espagne, d'autre part, les créneaux horaires (" slots ") qui avaient été attribués à la société Openskies pour son activité au départ de l'aéroport d'Orly ont été transférés à la société Vueling, sur le fondement des dispositions de l'article 8 bis 1 (b) du règlement du 18 janvier 1993 fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté, qui les utilisent pour des services aériens distincts de ceux de la société Openskies. Ainsi, en l'absence de transfert d'une entité économique autonome à la société Iberia, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne trouvaient pas à s'appliquer. La société Iberia ne se trouvant pas dans l'obligation de proposer à Mme C... une reprise de son contrat de travail, l'inspectrice du travail pouvait autoriser la société Openskies à la licencier pour motif économique.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans leur rédaction applicable au présent litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. (...). ".
13. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
14. Il ressort des pièces du dossier que, le 17 août 2020, la société Openskies a adressé aux autres sociétés du groupe IAG en France, à savoir British Airways, IAG Cargo, Iberia et Vueling, un courrier, auquel étaient annexées la liste des postes qui seraient supprimés en cas d'absence de repreneur et les fiches de postes correspondantes, et dans lequel elle leur demandait de lui faire parvenir la liste des postes disponibles dans ces sociétés, sur lesquels les salariés dont les postes seraient supprimés pourraient le cas échéant être reclassés. Relancées à plusieurs reprises, ces sociétés ont toutes répondu, entre fin août 2020 et fin janvier 2021, dans différents courriels produits au dossier, qu'elles n'avaient aucun poste disponible. Dans ces conditions, l'inspectrice du travail, qui a contrôlé le respect par la société Openskies de son obligation en matière de reclassement, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en estimant que celle-ci avait suffisamment satisfait à son obligation de recherche sérieuse de reclassement des salariés.
15. En quatrième lieu, eu égard à tout ce qui vient d'être dit, et en l'absence de toute précision apportée par Mme C..., le moyen tiré de ce que son licenciement serait en lien avec son mandat ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Openskies est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision 25 mars 2021 par laquelle l'inspectrice du travail l'a autorisée à licencier Mme C....
Sur les frais liés à l'instance :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... le versement de la somme que la société Openskies demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2104879 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Openskies présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Openskies, à la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, et à Mme B... C....
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01127