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29/07/2025 | FRANCE | N°23PA03643

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 juillet 2025, 23PA03643


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à leur verser la somme de 55 642,52 euros en réparation des préjudices résultant pour eux des indications, qu'ils estiment erronées, qui leur ont été données par les services de la direction du logement et de l'habitat de la ville de Paris dans un courriel du 16 juin 2017 et qui les ont conduits à accepter une modification du règlement de copropriété modifiant, en le

ur défaveur, la répartition des charges pour l'entretien du bâtiment où ils habitent.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à leur verser la somme de 55 642,52 euros en réparation des préjudices résultant pour eux des indications, qu'ils estiment erronées, qui leur ont été données par les services de la direction du logement et de l'habitat de la ville de Paris dans un courriel du 16 juin 2017 et qui les ont conduits à accepter une modification du règlement de copropriété modifiant, en leur défaveur, la répartition des charges pour l'entretien du bâtiment où ils habitent.

Par un jugement n° 2112163 du 12 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 11 octobre 2023, ainsi que des mémoires enregistrés les 21 février et 18 mars 2025, Mme et M. B..., représentés par Me Ancel, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre à la Ville de Paris de produire la décision d'octroi de la subvention litigieuse ;

3°) de condamner la Ville de Paris à leur verser la somme de 55 642,52 euros en réparation de leur préjudice ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 400 euros à verser à leur avocat, Me Ancel, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé faute de mentionner, d'une part, en quoi la ville de Paris était compétente pour ajouter une condition à l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et, d'autre part, en quoi le fait d'avoir imposé et présenté comme obligatoire la refonte du règlement de copropriété n'était pas de nature à caractériser une faute de la ville de Paris ;

- en conditionnant le versement de la subvention pour les travaux de rénovation devant être réalisés à une modification préalable du règlement de copropriété, alors qu'une telle condition n'est pas prévue par le règlement général de l'ANAH, la ville de Paris, à qui aucun texte ne donne compétence pour ajouter une telle condition, a commis une erreur de droit ;

- en indiquant, dans son courriel du 16 juin 2017, que la refonte du règlement de copropriété était " une condition impérative pour les partenaires financiers pour le financement des travaux de réhabilitation à financer ", et que " sans refonte du règlement de copropriété, les copropriétaires concernés par les travaux à engager ne [pourraient] pas bénéficier d'une aide collective de l'ANAH et de la ville de Paris ", alors que cette condition n'était pas nécessaire et était disproportionnée, ce qui les a conduits à accepter la refonte qu'ils avaient initialement refusée, la Ville de Paris a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le préjudice résultant de l'illégalité commise par la ville de Paris, qui correspond à la différence entre le montant de leur quote-part sous l'empire du nouveau règlement de copropriété et celui de leur quote-part sous l'empire de l'ancien règlement, s'élève à la somme de 55 642,52 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2024, appuyé de pièces complémentaires enregistrées le 21 février 2025, et un nouveau mémoire enregistré le 22 avril 2025, qui n'a pas été communiqué, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme et M. B... ne sont pas fondés.

Mme et M. B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 3 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ancel, pour Mme et M. B..., et de Me Falala, pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme et M. B... sont propriétaires d'un logement situé dans le bâtiment sur rue d'un immeuble situé 7 rue Vicq d'Azir à Paris (75010), qui a fait l'objet, le 22 avril 2016, d'une mise en demeure pour péril et a bénéficié, à compter du mois de juillet 2016, d'un accompagnement de la ville de Paris dans le cadre du dispositif " opération d'amélioration de l'habitat dégradé " (OAHD), en raison notamment de la dégradation des fondations, de la cage d'escalier et de la façade sur cour du bâtiment en cause. Dans le cadre de cet accompagnement, et afin de permettre le financement partiel des travaux de réhabilitation nécessaires par des aides collectives de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et de la ville de Paris, l'un des objectifs fixés à la copropriété de l'immeuble a consisté à modifier le règlement de copropriété pour prévoir une répartition des charges de copropriété distincte pour le bâtiment sur rue, principalement concerné par les travaux de réhabilitation, et pour le bâtiment sur cour, concerné par des travaux de rénovation de sa toiture. Lors d'une assemblée générale de copropriété du 22 mai 2017, la modification du nouveau règlement de copropriété n'a pas été votée en raison de l'opposition de Mme et M. B.... Par courriel du 16 juin 2017, l'adjoint de la responsable du bureau de l'habitat privé de la direction du logement et de l'habitat de la ville de Paris a indiqué à Mme B..., en réponse à une demande de cette dernière, que " la refonte du règlement de copropriété [était] une condition impérative pour les partenaires financiers pour le financement des travaux de réhabilitation à engager ", et que " sans refonte du règlement de copropriété, les copropriétaires concernés par les travaux à engager ne [pourraient] pas bénéficier d'une aide collective de la part de l'ANAH et de la ville de Paris ". L'adoption du nouveau règlement de copropriété a été votée à l'unanimité lors d'une nouvelle assemblée générale des copropriétaires en date du 5 juillet 2017. Par courrier reçu le 3 février 2021, Mme et M. B... ont adressé à la Ville de Paris une réclamation préalable afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice financier qu'ils estiment avoir subi du fait des indications, selon eux erronées, contenues dans le courriel précité, quant au caractère obligatoire de la modification du règlement de copropriété de leur immeuble, et correspondant à la différence entre les charges de copropriété qu'ils ont supportées au titre des travaux de réhabilitation litigieux et celles qu'ils auraient supportées en l'absence de modification du règlement de copropriété. Par courrier du 8 avril 2021, la maire de Paris a rejeté leur demande indemnitaire. Mme et M. B... relèvent appel du jugement du 12 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à leur verser une somme de 55 642,52 euros en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir ainsi subi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En indiquant, au point 3 du jugement attaqué, que ni les dispositions des articles L. 303-1, L. 321-1 et R. 321-12 du code de la construction et de l'habitation citées au point 2 de ce même jugement, ni les termes du V de l'article 15-H du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat approuvé par arrêté du 1er août 2014 selon lesquels " L'attribution d'une subvention à un syndicat de copropriétaire peut être conditionnée à la mise en œuvre de moyens comptables et financiers permettant l'affectation des subventions au profit exclusif des travaux subventionnés, à savoir l'ouverture d'un compte bancaire spécifique pour travaux ", expressément cités par Mme et M. B..., ne faisaient obstacle à que ce que la ville de Paris, chargée du pilotage de l'opération programmée d'amélioration de l'habitat dans le périmètre de laquelle avait vocation à être inclus l'immeuble en litige, subordonne cette inclusion et, par suite, le bénéfice pour le syndicat de copropriétaires concerné de financements de la part de l'ANAH et de la ville pour la réalisation des travaux en cause, à une condition tenant à une refonte du règlement de copropriété en vue d'une répartition des charges spécifique à chaque bâtiment de l'immeuble litigieux, les premiers juges, eu égard à l'argumentation dont ils étaient saisis, ont suffisamment explicité les motifs qui les conduisaient à écarter ce moyen. Par suite, et alors que la critique de Mme et M. B... porte en réalité sur le bien-fondé du jugement, ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que le jugement du 12 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est insuffisamment motivé.

Sur la responsabilité :

4. Aux termes de l'article R. 327-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le représentant de l'Etat dans le département (...) peut décider le lancement d'un programme d'intérêt général d'amélioration de l'habitat, dont il définit la durée et le périmètre d'intervention, qui a pour objectif l'amélioration des conditions d'habitat dans des ensembles d'immeubles ou de logements. Le programme peut comprendre des mesures de nature technique et des interventions à caractère social. / La mise en œuvre du programme d'intérêt général fait l'objet d'une convention entre l'Etat, l'Agence nationale de l'habitat et une ou plusieurs collectivités territoriales ou établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat. (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- L'Agence nationale de l'habitat a pour mission, dans le respect des objectifs définis à l'article L. 301-1, de promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements privés (...). Elle participe à la lutte contre l'habitat indigne et dégradé, aux actions de prévention et de traitement des copropriétés fragiles ou en difficulté (...). A cet effet, elle encourage et facilite l'exécution de travaux de réparation, d'assainissement, d'amélioration et d'adaptation d'immeubles d'habitation, (...), ainsi que l'exécution d'opérations de résorption d'habitat insalubre et de requalification d'immeubles d'habitat privé dégradé et d'opérations de portage ciblé de lots d'habitation d'une copropriété en difficulté (...) ". Aux termes du I de l'article R. 321-5 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le conseil d'administration [de l'ANAH] exerce notamment les attributions suivantes : / (...) 3° Il établit le règlement général de l'agence, qui, une fois approuvé, est publié au Journal officiel de la République française ; / (...) 6° Il arrête au moins une fois par an les objectifs et le montant maximal des aides de l'agence pouvant être engagées en faveur de l'amélioration de l'habitat privé (...) ; il fixe pour chaque région les objectifs et le montant des aides en faveur de l'amélioration de l'habitat privé pouvant faire l'objet d'engagements pluriannuels dans le cadre des conventions mentionnées aux articles L. 321-1-1, L. 303-1 et R. 327-1 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 321-12 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- L'agence peut accorder des subventions : (...) 7° Aux syndicats de copropriétaires d'immeubles affectés de manière prépondérante à l'usage d'habitation et répondant à l'une des conditions suivantes : (...) - immeuble pour lequel le syndicat de copropriétaires s'est vu notifier (...) un arrêté de péril pris en application des articles L. 511-1 et suivants du présent code (...). L'attribution de la subvention au syndicat des copropriétaires peut être cumulée, pour les mêmes travaux, avec des aides individuelles aux copropriétaires. (...) ". Aux termes de l'article R. 321-15 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les dépenses qui peuvent donner lieu à subvention pour les différentes catégories de bénéficiaires et d'opérations mentionnés à l'article R. 321-12 sont déterminées par le conseil d'administration. (...) ". Et aux termes de l'article R. 321-16 de ce code : " L'agence peut participer, sous forme de subventions ou par voie de convention, à des diagnostics, à des études, et à toute prestation contribuant à la préparation, à la mise en œuvre, au suivi et à l'évaluation des opérations qu'elle peut financer. Les modalités et conditions de cette participation, et notamment les conditions d'attribution et de versement des subventions, sont fixées par le règlement général de l'agence. (...) ".

6. Aux termes du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat, pris sur le fondement des articles R. 321-5 et R. 321-6 du code de la construction et de l'habitation, approuvé par arrêté du 1er août 2014 des ministres chargés du logement, du budget, de l'économie et de l'outre-mer, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) les décisions d'attribution de subvention ou de rejet des demandes de subvention sont prises par le délégataire ou par le délégué de l'agence dans le département, notamment sur la base d'un programme d'actions défini au A du présent chapitre, le cas échéant après avis de la CLAH [commission locale d'amélioration de l'habitat] suivant les dispositions prévues par son règlement intérieur dans les conditions fixées au B du présent chapitre. / A.- Le programme d'actions / (...) un programme d'actions établi, suivant le cas, par le délégué de l'agence dans le département ou par le délégataire est soumis pour avis à la CLAH du territoire de compétence concerné. Ce programme d'actions précise les conditions d'attribution des aides de l'agence dans le respect des orientations générales de l'agence fixées par le conseil d'administration de l'agence et des enjeux locaux (...) / Il comporte notamment, pour le territoire de compétence concerné : / 1° Les priorités d'intervention et les critères de sélectivité des projets. Ces priorités peuvent être thématiques, territoriales ou plus particulièrement ciblées sur certaines catégories de bénéficiaires en fonction de critères liés aux revenus des demandeurs, de critères géographiques ou de conditions de location acceptées par les propriétaires, notamment du niveau des loyers pratiqués. L'application des priorités ainsi définies peut conduire à fixer des conditions de recevabilité, d'éligibilité ou de calcul de l'aide plus restrictives que celles fixées par le conseil d'administration ; (...) / 4° Un état des opérations programmées relatives à l'amélioration de l'habitat (OPAH, PIG, PST, MOUS, protocoles LHI, fonds locaux d'amélioration de l'habitat visés à l'article L. 321-1-3 du CCH...), le cas échéant, plans de sauvegarde des copropriétés en difficulté, etc., en cours et une projection à moyen terme de celles-ci, comportant les engagements pris et à venir pour le financement des travaux et des subventions d'ingénierie associées ; (...) ". Aux termes de l'article 11 du règlement : " La décision d'attribution de la subvention ou de rejet de la demande d'aide est prise par le délégué de l'agence dans le département ou par le délégataire en application des programmes d'actions mentionnés au 1° du I et du II de l'article R. 321-10, dans le respect des articles L. 321-1 et suivants et R. 321-12 et suivants du CCH, du présent règlement, des délibérations du conseil d'administration et, le cas échéant, au vu des engagements spécifiques souscrits par le demandeur. / La décision est prise au regard de l'intérêt du projet sur le plan économique, social, environnemental et technique. Cet intérêt est évalué en fonction notamment des dispositions et des priorités du programme d'actions mentionné au 1° du I et du II de l'article R. 321-10 du CCH et défini au A du chapitre Ier du présent règlement. / En cas d'absence ou d'insuffisance d'intérêt du projet, l'aide apportée par l'ANAH peut être refusée, minorée ou soumise à des conditions supplémentaires ayant trait à la consistance du projet ou à des engagements particuliers du propriétaire. (...) ".

7. Il résulte des dispositions citées aux points 4 à 6 que le règlement général de l'ANAH ne fixe pas de manière limitative les conditions qui peuvent être exigées pour qu'un immeuble soit inclus dans le périmètre d'un programme d'intérêt général d'amélioration de l'habitat et qu'il puisse en conséquence, notamment, être regardé comme relevant d'une priorité d'intervention de l'ANAH et bénéficier d'une subvention complémentaire versée par la ville de Paris. Ces conditions peuvent être prévues, en particulier, dans la convention, mentionnée à l'article R. 327-1 du code de la construction et de l'habitation, signée entre l'Etat, l'ANAH et la ou les collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale compétents. Par ailleurs, l'attribution d'une subvention par l'ANAH ne constitue pas un droit pour les personnes éligibles et peut être refusée par l'agence ou par son délégataire en tenant compte, en application de l'article 11 de son règlement général, de l'intérêt du projet sur le plan économique, social, environnemental et technique ainsi que de l'intérêt des autres projets pour lesquels la même subvention a été sollicitée, évalués en fonction notamment des dispositions et des priorités du programme d'actions. Des conditions supplémentaires ayant trait à la consistance du projet ou à des engagements particuliers du propriétaire peuvent être posées.

8. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 301-5-2 du code de la construction et de l'habitation que le département peut demander à conclure, pour une durée de six ans renouvelable, une convention avec l'Etat par laquelle celui-ci lui confie la compétence pour décider de l'attribution des aides publiques en faveur, notamment, de la rénovation de l'habitat privé par délégation de l'Agence nationale de l'habitat, dans la limite des droits à engagement correspondants, dans le cadre d'un programme d'action fixé après avis d'une commission locale d'amélioration de l'habitat. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la convention du 8 juin 2016, que le département de Paris avait reçu délégation de compétence sur ce fondement.

9. Le 8 juin 2016, la ville de Paris, l'Etat et l'ANAH, représentée par la maire de Paris en sa qualité de présidente du conseil départemental, ont signé une convention relative au programme d'intérêt général (PIG) " habitat dégradé " (2016-2019), dont l'objet était de favoriser la réhabilitation de l'habitat dégradé en proposant une assistance opérationnelle et des aides financières publiques. A cette fin, une " opération d'amélioration de l'habitat dégradé " (OAHD) devait permettre, d'une part, le traitement des immeubles dégradés par la mise en place de programmes de travaux cohérents et, d'autre part, " le développement d'actions préventives par un traitement des problématiques de gestion des copropriétés (prémices d'une dégradation du bâti) et l'organisation de sessions de formation à destination des conseils syndicaux et des copropriétaires ". Le point 1.2 prévoyait que le périmètre du programme était fixé en annexe de la convention et que des adresses complémentaires pourraient être incluses par arrêté de la maire de Paris. Ainsi que stipulé au point 6.2.2 de la convention, une équipe opérationnelle était chargée, pour chaque immeuble candidat, de la réalisation d'un diagnostic initial puis d'une mission de suivi en vue d'accompagner les représentants de l'immeuble dans la définition d'un programme de réhabilitation globale, portant tant sur les aspects techniques que sur les aspects financiers et administratifs. Aux termes de l'article 4.3.1 de la convention, " la Ville de Paris s'engage à accorder aux propriétaires occupants, bailleurs, syndicats de copropriétaires et locataires éligibles aux aides de l'Anah une subvention complémentaire à celle de l'Anah, dans les conditions définies par le règlement d'attribution des aides municipales aux travaux d'amélioration de l'habitat ". L'article 5.2 de la convention précise que les dossiers inclus dans l'OAHD sont instruits en priorité. Aux termes de l'article 4.1.1 de la convention : " Les conditions générales de recevabilité et d'instruction des demandes ainsi que les modalités de calcul de la subvention applicables à l'opération découlent de la réglementation de l'Anah, c'est-à-dire du code de la construction et de l'habitation, du règlement général de l'agence, des délibérations du conseil d'administration, des instructions du directeur général, des dispositions inscrites dans le programme d'action territorial et des conventions de gestion passées entre l'Anah et le département de Paris. (...) ".

10. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du diagnostic établi en juin 2016 par l'association Solidarité Habitat (SOLIHA) chargée, conformément au point 6.2.2 de la convention précitée, de l'accompagnement des copropriétaires de l'immeuble situé au 7 rue Vicq d'Azir dans le 10ème arrondissement de Paris, susceptible d'être inclus dans l'OAHD 4 et qui faisait l'objet d'une procédure de péril, que " les propriétaires ont pris conscience, peu à peu, de la nécessité de réaliser des travaux et semblent aujourd'hui prêts à s'engager dans cette démarche, bien que la question du financement des travaux soit un frein (...). Cependant, le fonctionnement des assemblées générales présente quelques fragilités. Pour le moment, le règlement de copropriété ne prévoit qu'une seule clef de répartition, en charges générales. Or, une partie des travaux votés le sont en charges bâtiment. Le nouveau syndic a averti la copropriété de cette problématique, et le conseil syndical prévoit de voter la refonte du règlement de copropriété lors de la prochaine assemblée générale ". Mme et M. B... ne contestent pas le bien-fondé de ce constat, au vu duquel la refonte du règlement général de copropriété a été fixée comme objectif pour faciliter le vote des travaux nécessaires pour chaque bâtiment et permettre d'améliorer durablement le fonctionnement de la copropriété en vue de l'inclusion du bâtiment dans l'OAHD 4, de sorte que le syndicat de copropriétaires concerné puisse bénéficier de financements de l'ANAH et de la ville de Paris pour la réalisation des travaux en cause. Ils ne contestent pas davantage en avoir été informés par le syndic dès l'année 2016.

11. D'autre part, la convention signée le 8 juin 2016 entre la ville de Paris, l'Etat et l'ANAH, relative au programme d'intérêt général " habitat dégradé " (2016-2019) prévoit expressément la prise en compte des " problématiques de gestion des copropriétés (prémices d'une dégradation du bâti) ", en vue de favoriser une solution durable. Ni les termes du V de l'article 15-H du règlement général de l'ANAH, selon lesquels " L'attribution d'une subvention à un syndicat de copropriétaire peut être conditionnée à la mise en œuvre de moyens comptables et financiers permettant l'affectation des subventions au profit exclusif des travaux subventionnés, à savoir l'ouverture d'un compte bancaire spécifique pour travaux ", ni aucune autre disposition législative ou règlementaire, ne faisaient obstacle à ce que l'inclusion d'un immeuble dans le périmètre du programme puisse être subordonnée par la maire de Paris à la meilleure répartition des charges de copropriété, pour faciliter la réhabilitation et en garantir la pérennité. Si Mme et M. B... soutiennent qu'en l'espèce, cette condition n'était pas nécessaire et qu'elle est, de ce fait, disproportionnée, ils n'apportent aucune justification à l'appui de leurs allégations, alors que tant le diagnostic initial que la fiche de suivi établis par SOLIHA, respectivement, en juin 2016 et en septembre 2018, mentionnent la question de la répartition des charges entre bâtiments et indiquent que la refonte du règlement de copropriété, à cet égard, constitue l'un des objectifs du dispositif d'accompagnement mis en place en vue, à terme, du versement des aides majorées auxquelles le syndicat de copropriétaires et certains d'entre eux peuvent le cas échéant prétendre.

12. Dans ces conditions, en indiquant, par un courriel du 16 juin 2017, que la " refonte du règlement de copropriété figurait bien dans les objectifs fixés par les partenaires opérationnels et financiers dans le cadre du plan d'action de la première année d'accompagnement ", qu'il s'agit d'une " condition impérative pour les partenaires financiers pour le financement des travaux de réhabilitation à engager " et que " sans refonte du règlement de copropriété, les copropriétaires concernés par les travaux à engager ne pourront pas bénéficier d'une aide collective de la part de l'ANAH et de la ville de Paris ", les services de la ville n'ont commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, et n'ont pas fourni à Mme et M. B... un renseignement erroné.

13. En l'absence de faute commise par la ville de Paris, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de lui demander de produire la décision par laquelle des subventions ont été accordées postérieurement à la refonte du règlement de copropriété et à l'inclusion de l'immeuble en cause dans l'OAHD 4 puis l'OAHD 5, de rejeter la demande indemnitaire de Mme et M. B....

Sur les frais de l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme et M. B... demandent le versement à leur conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Ville de Paris présentées au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme et M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., première dénommée, pour les requérants, et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la cour,

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

P. Fombeur

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA03643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03643
Date de la décision : 29/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-29;23pa03643 ?
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