Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2418437/5-1 du 7 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Pierrot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris ;
A titre principal :
2°) d'annuler la décision de refus de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours du préfet de police de Paris du 23 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
A titre subsidiaire :
4°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français du préfet de police de Paris du 23 avril 2024 ;
5°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- le préfet de police de Paris a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 24 février 1973, est entré en France le 28 mars 2012 selon ses déclarations. Le 28 avril 2023, il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 avril 2024, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 7 novembre 2024, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas saisi la commission du titre de séjour de la demande de M. A... préalablement à sa décision de refus de séjour au motif que celui-ci ne justifiait pas résider habituellement en France au titre des années 2015 à 2017 et de l'année 2020 et qu'il n'établissait donc pas résider habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige. Toutefois, au titre de ces quatre années, le requérant présente de nombreuses pièces, notamment des cartes individuelles d'admission à l'aide médicale de l'Etat (AME), des courriers de l'assurance maladie de Paris portant sur des demandes ou sur les droits concernant l'AME, des ordonnances médicales comportant la signature et le cachet du médecin prescripteur, la délivrance par des officines de pharmacie des médicaments prescrits par ces ordonnances, des résultats d'examens médicaux, des courriers du Stif mentionnant notamment la réception de la nouvelle carte AME adressée par l'intéressé afin de bénéficier des droits à la solidarité transport, des attestations de domiciliation administrative établies par l'organisme Inser-Asaf au titre de chacune des années en cause, une attestation du Samu social de Paris mentionnant les périodes pendant lesquelles l'intéressé a été pris en charge par différentes structures d'hébergement d'urgence en 2015, des relevés bancaires mentionnant notamment des retraits à des distributeurs de billets, des avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu au titre des années 2016 à 2020, édités respectivement les 25 juillet 2016, 10 juillet 2017, 9 juillet 2018, 5 juillet 2019 et 7 juillet 2020, dont quatre d'entre eux mentionnent 2 080 euros de revenus. Dans ces conditions, M. A... justifie résider habituellement sur le territoire français au titre de 2015 à 2017 et de 2020. Il n'est pas contesté qu'il a résidé habituellement en France au titre de 2013 à 2014, de 2018, et à partir de 2021. Il s'ensuit qu'il établit donc résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de séjour contestée. M. A... est ainsi fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Cette irrégularité de procédure, qui a privé l'intéressé d'une garantie, justifie l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, et par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, qui sont ainsi dépourvues de base légale.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, le moyen retenu par le présent arrêt étant le mieux à même de régler le litige, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 23 avril 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2418437/5-1 du 7 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 23 avril 2024 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. A..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2025.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA05003 2