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22/07/2025 | FRANCE | N°24PA04135

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 22 juillet 2025, 24PA04135


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2024 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



Par un juge

ment n° 2418222 du 6 septembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2024 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2418222 du 6 septembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 septembre 2024 et 18 février 2025, M. A..., représenté par Me Wissaad, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de B... ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 2 juillet 2024 du préfet de police de B... ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de B... de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du cinquième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou, à défaut, sur le fondement du septième alinéa de ce même article, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en lui délivrant, dans cette attente et dans un délai de quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Wissaad au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la première juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucun mandat d'arrêt, qu'il n'a jamais été l'auteur de faits d'exhibition sexuelle, de port d'arme et de menace de mort et qu'il possède une carte d'identité algérienne et justifie d'une résidence effective et permanente ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des cinquième et septième alinéas de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace pour l'ordre public et qu'il justifie de circonstances particulières ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de B....

Par ordonnance du 21 mai 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fombeur ;

- les observations de Me Wissaad, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 6 janvier 2006 et entré en France en 2021 selon ses déclarations, a été interpellé le 1er juillet 2024 à gare du Nord pour non-présentation d'un titre de transport puis a été placé en rétention judiciaire compte tenu d'un jugement portant condamnation à une peine d'emprisonnement. Par deux arrêtés du 2 juillet 2024, le préfet de police de B... l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 6 septembre 2024, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de B... le 7 novembre 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés par le requérant, a répondu de manière suffisante aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que du défaut d'examen particulier de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

5. En deuxième lieu, M. A... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée d'une erreur de fait. Toutefois, il ressort du point 7 du jugement attaqué que ce moyen a été écarté au motif qu'il était inopérant. Dans ces conditions, et alors que le bien-fondé de la réponse apportée par le tribunal est sans incidence sur la régularité du jugement, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur ce moyen.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

7. La décision en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, la décision mentionne que M. A..., de nationalité algérienne, qui est dépourvu de document de voyage et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, ne dispose pas d'un titre de séjour lui permettant de se maintenir sur le territoire français. Elle mentionne également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé se déclarant célibataire et sans enfant à charge. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, la circonstance que la cour d'appel de B... ait, par une ordonnance du 6 juillet 2024, annulé l'arrêté de placement en rétention au motif qu'il comportait une motivation insuffisante étant, à cet égard, sans incidence sur l'appréciation de la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

8. En deuxième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, de sorte que le moyen tiré de sa violation ne peut être utilement soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français attaquée. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de notification de jugement sans appel du 2 juillet 2024, que M. A... a été interrogé sur son identité, son pays d'origine, les conditions et les raisons de son entrée en France et sa situation personnelle. Ainsi, il a eu la possibilité, au cours de cette audition, de faire connaître ses observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait d'informations tenant à sa situation personnelle et familiale qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration préalablement à la décision attaquée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à son édiction.

9. En troisième lieu, l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

10. Il ressort de la décision contestée que le préfet de police, pour obliger M. A... à quitter le territoire français, s'est fondé sur la circonstance que, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, il s'y était maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et se trouvait ainsi dans le cas prévu par le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce que le requérant ne conteste pas. En particulier, il ne lui a pas opposé la circonstance que son comportement était constitutif d'une menace pour l'ordre public ni qu'il disposait de garanties de représentation insuffisantes. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait inexactement considéré que le comportement de M. A... était constitutif d'une menace pour l'ordre public et de ce qu'il se serait fondé sur des faits matériellement inexacts en retenant que l'intéressé faisait l'objet d'un mandat d'arrêt, qu'il était défavorablement connu des services de police notamment pour des faits d'exhibition sexuelle, de port d'arme et de menace de mort et qu'il ne disposait ni de documents d'identité ni d'une résidence effective et permanente, doivent être écartés comme inopérants.

11. En quatrième lieu, et alors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. A... ne peut utilement se prévaloir des erreurs de fait qu'il allègue, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de police de B... n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

12. En cinquième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français (...) est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont la présence sur le territoire français est établie à compter du mois d'octobre 2021, soit depuis moins de trois ans à la date de la décision en litige, est célibataire et sans charge de famille en France. Si l'intéressé fait valoir que, depuis le décès de son père, il est isolé en Algérie, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... est issu d'une fratrie de six enfants et qu'il conserve un lien téléphonique régulier avec sa grand-mère maternelle depuis son arrivée en Europe. Par ailleurs, s'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par un jugement du 6 mars 2023 et s'il bénéficie depuis le 6 janvier 2024 d'un accompagnement qui a conduit à la signature d'un contrat jeune majeur à compter du 2 mai 2024, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, qui a cessé après quelques mois de suivre la formation vers laquelle il avait été orienté, ne justifie, à la date de la décision en litige, d'aucun diplôme ni d'aucun projet professionnel sérieux.

14. Ensuite, il ressort des certificats médicaux versés au dossier que M. A... est suivi au sein de l'unité d'addictologie au sein de l'hôpital Robert-Debré depuis le mois de septembre 2022 en raison de son addiction à de nombreux psychotropes, qu'il présente également un trouble de la personnalité à type de déficit attentionnel avec hyperactivité, difficile à prendre en charge en raison d'un état de stress post traumatique entraînant des insomnies et une hypervigilance et que, selon l'évaluation socio-éducative de novembre 2023, son état de santé explique, en partie, ses difficultés dans le suivi des formations qui lui sont proposées ainsi que dans sa capacité à nouer des relations avec autrui. Il ressort en outre des nouvelles pièces médicales produites en appel, postérieures à la décision contestée mais se référant à un état de fait antérieur, que M. A... suit un traitement médicamenteux à base de Lyrica, de Tramadol, de Lexomil, de Prozac, de Xeroquel et de Mirtazapine, associé à un suivi régulier, et doit bénéficier de la mise en place d'un traitement de substitution par Méthadone. Toutefois, la seule production d'un article de presse faisant état du souhait, en juin 2021, du secrétaire général du ministère de la santé algérien d'élargir, dans le cadre de la lutte contre les addictions aux opiacés, l'accès au traitement de substitution par Méthadone, ne permet pas d'établir qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie.

15. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 11 décembre 2023, par le tribunal pour enfants de B..., pour des faits, commis le 9 août 2023, de recel de bien provenant d'un vol en état de récidive, de vols aggravés par deux circonstances, en état de récidive, de détention frauduleuse de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité, ou accordant une autorisation, ainsi que pour des faits, commis le 5 novembre 2023, de vol avec destruction ou dégradation, en état de récidive, et que le juge pénal a notamment considéré, sans qu'il soit fait état d'un lien avec son état de vulnérabilité, que, eu égard notamment à la personnalité du requérant, il y avait lieu de prononcer une peine d'emprisonnement de quatre mois. Par ailleurs, il ressort du rapport d'identification dactyloscopique du requérant, issu du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), que M. A... a fait l'objet, du 20 octobre 2021 au 2 juillet 2024, de vingt-quatre autres signalisations, principalement pour des faits de vol. A supposer même que les faits d'exhibition sexuelle, de port d'arme et de menaces de mort relevés à ce titre ne lui seraient pas imputables, en tout état de cause, l'intéressé, qui avait déjà fait l'objet d'une première condamnation par le tribunal pour enfants le 12 septembre 2022, ne conteste pas sérieusement la matérialité ni l'imputabilité des autres faits mentionnés dans le fichier.

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. A... ne peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il résulte également de ce qui a été dit aux points 14 à 16 qu'il ne peut davantage, eu égard au caractère relativement récent de sa présence sur le territoire français, à sa faible insertion dans la société française, à ses conditions de séjour en France, notamment son parcours judiciaire, et quand bien même il justifie du suivi d'un traitement aux fins de sevrage, se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement du 5 de même article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police ne pouvait légalement, du fait de son droit au séjour, l'obliger à quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

17. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... ne peut se prévaloir de son illégalité au soutien de sa demande d'annulation de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

19. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de police de B... a estimé que le comportement de l'intéressé était constitutif d'une menace pour l'ordre public, que, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes faute de pouvoir présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et de justifier d'une résidence effective et permanente dans un local habitation principale. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie d'une résidence effective et permanente au sens des dispositions du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il est possession d'une carte d'identité algérienne en cours de validité, il est toutefois constant que l'intéressé, qui est entré irrégulièrement en France, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 15, M. A... a été condamné par deux fois par le tribunal pour enfants, pour des faits de recel de bien provenant d'un vol, de vol aggravé et de vol avec destruction ou dégradation, et a fait l'objet de très nombreuses signalisations pour des faits similaires depuis octobre 2021. Eu égard au caractère récent des derniers faits pour lesquels il a été condamné, qui remontent à moins d'un an à la date de la décision en litige et qui ont donné lieu au prononcé d'une peine d'emprisonnement, à la circonstance qu'ils ont été commis en état de récidive et compte tenu du nombre important de signalisations depuis octobre 2021, dont M. A... ne peut être regardé comme contestant sérieusement la matérialité, le préfet de police a exactement apprécié son comportement en considérant qu'il était constitutif d'une menace pour l'ordre public et que l'intéressé présentait un risque de soustraction à la mesure d'éloignement. Dans ces conditions, et dès lors que le préfet de police aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur les motifs tirés de la menace pour l'ordre public et du défaut d'entrée régulière et de détention d'un titre de séjour en cours de validité, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

20. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 13 à 16 et 19, le préfet de police, en refusant à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

21. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... ne peut se prévaloir de son illégalité au soutien de sa demande d'annulation de la décision portant fixation du pays de renvoi. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

22. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

23. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. D'autre part, si M. A... fait valoir qu'il a été victime d'un réseau de délinquance et qu'il a subi, à cette occasion, une soumission chimique, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu'il soutient, que de tels faits se seraient produits en Algérie. L'intéressé, qui a seulement indiqué lors de son audition par les forces de l'ordre, le 2 juillet 2024, avoir quitté son pays pour venir travailler en France, n'établit pas qu'il serait exposé à un risque particulier en cas de retour en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le préfet de police, en fixant notamment l'Algérie comme pays de destination de la mesure d'éloignement, n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois :

25. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... ne peut se prévaloir de son illégalité au soutien de sa demande d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

26. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les (...) décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

27. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

28. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

29. D'une part, la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève que le comportement de l'intéressé représente une menace pour l'ordre public, en mentionnant sa condamnation par le tribunal pour enfants de B..., et précise que M. A..., qui allègue être présent sur le territoire français depuis trois ans et se déclare célibataire et sans enfant à charge, ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

30. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... soit dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, ni qu'il y encourrait des risques d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants. Dès lors, il ne justifie pas de circonstances humanitaires qui auraient pu faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, compte tenu du caractère relativement récent de sa présence en France, de l'absence de liens familiaux et de la faiblesse de ses liens personnels dans la société française et de la circonstance que son comportement est constitutif d'une menace pour l'ordre public, le préfet de police, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

31. En troisième lieu, pour les mêmes motifs, le préfet de police, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois, n'a pas porté, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

32. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de police de B... du 2 juillet 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la cour,

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2025.

La présidente de chambre,

A. MenasseyreLa présidente-rapporteure,

P. Fombeur

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA04135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04135
Date de la décision : 22/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme la Pdte. Pascale FOMBEUR
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : WISSAAD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-22;24pa04135 ?
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