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18/07/2025 | FRANCE | N°24PA00352

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 18 juillet 2025, 24PA00352


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge, à hauteur de 262 785 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2019, à raison d'un montant de contribution sociale généralisée déductible de cet impôt auquel il a droit, d'autre part, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 154 q

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge, à hauteur de 262 785 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2019, à raison d'un montant de contribution sociale généralisée déductible de cet impôt auquel il a droit, d'autre part, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'article 67 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017.

Par un jugement n° 2117187 du 22 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris, après avoir refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 janvier et 1er août 2024, M. A..., représenté par Me Colard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, à hauteur de 262 785 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2019 ;

3°) de prononcer la décharge des intérêts de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- les dispositions du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts sont contraires au principe de non-discrimination résultant des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- les dispositions du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts méconnaissent les stipulations du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, d'une part, elles ne poursuivent pas un but légitime et que, d'autre part, à supposer légitime le but poursuivi, la mesure d'imposition qu'elles prévoient n'est pas proportionnée à cet objectif.

Par un mémoire distinct, enregistré le 24 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Colard, demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'article 67 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017.

Par un mémoire enregistré le 12 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour ne transmette pas au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Par une ordonnance n° 24PA00352 du 12 juillet 2024, la présidente de la 5ème chambre de la cour a transmis au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Par une décision n° 495926 du 9 octobre 2024, le Conseil d'Etat a transmis la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Par une décision n° 2024-1115 QPC du 13 décembre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots " à hauteur du rapport entre le montant du revenu soumis à l'impôt sur le revenu et le montant de ce même revenu soumis à la contribution " figurant au deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et les mots " de l'abattement prévu au 1 quater de l'article 150-0 D " figurant au troisième alinéa du paragraphe II du même article, dans la même rédaction.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. A....

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a cédé des valeurs mobilières en 2018, qui ont dégagé une plus-value imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2019, aux prélèvements sociaux et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus pour un montant de 13 689 953 euros. En application des dispositions du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, il a opté pour l'imposition de cette plus-value au barème progressif de l'impôt sur le revenu. En application des dispositions du 1 quater de l'article 150-0 D du même code, il a bénéficié d'un abattement renforcé de 85 % applicable, pour l'impôt sur le revenu, aux gains de cession de titres d'une petite et moyenne entreprise de moins de dix ans à la date de souscription ou d'acquisition des titres. En application des dispositions de l'article 154 quinquies du même code, M. A... a également bénéficié, au titre de l'année de paiement de la contribution sociale généralisée (CSG) due sur la plus-value susmentionnée, soit en 2019, d'une déduction partielle de ses revenus imposables de la CSG assise sur les plus-values de cession de valeurs mobilières. Cette déduction sur ses revenus de l'année 2019 de la CSG payée cette même année a été plafonnée à 1,02 % des revenus, soit un montant de 139 766 euros, au lieu de 6,8 %, soit 930 916 euros, qui aurait été applicable s'il n'avait pas bénéficié de l'abattement renforcé. M. A... relève appel du jugement n° 2117187 du 22 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à bénéficier d'une déduction de CSG d'un montant de 930 916 euros et, en conséquence, à la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur les revenus 2019 à concurrence d'un montant de 262 785 euros.

2. L'article 150-0 D du code général des impôts soumet les plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 et, sur option du contribuable, celles réalisé depuis le 1er janvier 2018 et portant sur des titres acquis avant cette date, à une imposition au barème de l'impôt sur le revenu, tout en prévoyant, à son 1 ter, un dispositif d'abattement sur le montant des gains nets résultant de ces cessions, dont le taux varie en fonction de la durée de détention et, au 1 quater, dans certaines conditions, un dispositif d'abattement renforcé.

3. Aux termes de l'article 154 quinquies du code général des impôts, relatif à la déduction partielle de la contribution sociale généralisée du revenu imposable, dans leur rédaction issue de l'article 67 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 : " (...) II. La contribution afférente aux revenus mentionnés aux a à e et f du I et au II de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux premier alinéa et 1° du I de l'article L 136-7 du même code, imposés dans les conditions prévues à l'article 197 du présent code, est admise en déduction du revenu imposable de l'année de son paiement, à hauteur de 6,8 points. / La contribution est déductible, dans les conditions et pour la part définies au premier alinéa du présent II, à hauteur du rapport entre le montant du revenu soumis à l'impôt sur le revenu et le montant de ce même revenu soumis à la contribution pour : / a. Les gains mentionnés à l'article 150-0 A qui bénéficient de l'abattement prévu au 1 quater de l'article 150-0 D ou de l'abattement fixe prévu au 1 du I de l'article 150-0 D ter ; (...) ".

4. L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

5. D'une part, M. A... soutient que les dispositions du deuxième paragraphe du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, en ce qu'elles prévoient pour les contribuables bénéficiant de l'abattement renforcé prévu au 1 quater de l'article 150-0 D du même code un plafonnement de la CSG déductible acquittée l'année suivant la réalisation de la plus-value, alors que les bénéficiaires de l'abattement de droit commun prévu au 1 ter du même article ne sont pas soumis à ce plafonnement de déductibilité, institueraient un traitement discriminatoire au regard du droit au respect des biens. Toutefois, les abattements prévus aux 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, qui n'ont pas le même champ d'application, n'ouvrent pas droit aux mêmes avantages. L'abattement prévu au 1 ter s'applique, sous certaines conditions, à toutes les plus-values mobilières et peut atteindre un taux de 65 % lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. L'abattement prévu au 1 quater bénéficie, quant à lui, seulement aux plus-values de cession de titres émis par de petites ou moyennes entreprises, créées depuis moins de dix ans, qui respectent certaines conditions, et son taux peut atteindre 85 % au terme de la même durée de détention. Les contribuables bénéficiant de ces abattements ne sont ainsi pas placés dans la même situation. Il en résulte que le législateur n'était pas tenu de les traiter de manière identique et que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions en cause méconnaitraient les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées à celles de l'article 1er de son premier protocole additionnel doit être écarté.

6. D'autre part, M. A... soutient, distinctement, que les dispositions en cause méconnaitraient les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lorsqu'elles seraient à l'origine d'une atteinte à ses biens en conséquence du plafonnement de la CSG déductible qu'elles instituent, aboutissant à mettre à sa charge un " montant d'impôt complémentaire " de 262 785 euros. Il fait valoir à cet égard que les motifs ayant présidé à l'adoption de cette réglementation, tels qu'ils résultent selon lui des travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2017, et tenant, toujours selon lui, à éviter qu'un contribuable ayant bénéficié d'une exonération totale d'impôt sur le revenu au titre de ses plus-values bénéficie en outre de la déductibilité de la CSG au titre de ces mêmes plus-values, seraient erronés, et qu'une telle mesure ne saurait être regardée comme poursuivant un objectif d'utilité publique suffisant. Toutefois, le mécanisme de plafonnement de la déductibilité de la CSG instauré par les dispositions en litige ne saurait, en lui-même, constituer une atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel en l'absence de toute précision quant au caractère excessif de l'imposition supportée au titre de l'année 2019 au regard des revenus perçus.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressé à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 18 juillet 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOIS

Le président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

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N° 24PA00352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00352
Date de la décision : 18/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : AARPI CAZALS MANZO PICHOT SAINT QUENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-18;24pa00352 ?
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